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MessagePosté: 17 Mar 2013, 10:50 
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Hiver 1915. Internée par sa famille dans un asile du sud de la France – là où elle ne sculptera plus – chronique de la vie recluse de Camille Claudel, dans l’attente d’une visite de son frère, Paul Claudel.

C'est marrant parce que je suis sorti du film un peu déçu. J'avais adoré l'aridité de la première partie où Dumont se contente de filmer Camille en gros plan et d'ausculter son visage avec un intensité folle. Et pas seulement Camille, il filme également le visage des pensionnaires de l'hôpital psychiatrique (véritables malades mentaux engagés pour le film) et ça donne lieu à des moments de grâce assez incroyables. Et puis vient une deuxième partie très déstabilisante où Paul Claudel débarque et commence à raconter son fanatisme religieux dans des litanies très écrites assez lourdes et tranchant avec l'austérité silencieuse de la première partie. J'étais moins convaincu par cette orientation qui prend le film à contrepied.

Mais très rapidement, et d'une manière assez rare je dois dire, le film s'est révélé à moi. Et Paul Claudel qui est libre, hors de l'asile et se complaît dans un verbiage savant et ultra catholique représente la vraie et l'unique folie qu'il y a dans ce film. Il y a une scène incroyable où Claudel écrit un lettre pleine d'une ferveur religieuse. C'est en plan fixe et Claudel, torse nu, fait des pauses dans son écriture pour regarder ses muscles. C'est assez bizarre sur le moment mais quelques heures après la projo m'est apparu quelle esthétique Dumont invoquait, l'iconographie fasciste. Du coup la scène prend une toute autre dimension, devient littéralement effrayante et mortifère.

Et du coup le film acquiert une espèce de complétion parfaite entre ces deux parties thèse/antithèse d'une limpidités exemplaires. Je suis toujours aussi admiratif devant le travail de Dumont qui cherche à aller à l'essentiel, qui enlève tout superflu. Il y a une seule information dans la majorité des plans. C'est un cinéma de la ligne droite, géométrique et claire comme de l'eau de roche. Je trouve ce geste de cinéma au delà du sublime.

Juliette Binoche est extraordinaire, elle vit le rôle, elle est superbe, à fleur de peau en permanence dans un état de détresse terrible. Grande grande performance qui pourtant n'est jamais écrasante, au contraire même c'est un travail d'acteur de l'épure une fois de plus où il suffit d'être là pour la caméra et de tout lui donner.

Une fois de plus Dumont confirme son statut de cinéaste majeur en France. Dommage que finalement il reste dans une telle niche (vu les démarrages du film, il ne marchera pas beaucoup plus que ses précédents films).

5/6

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MessagePosté: 17 Mar 2013, 12:30 
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Assez d'accord avec tout ça. Juliette Binoche porte vraiment le film sur ses épaules pendant toute sa première moitié, qui se focalise la plupart du temps sur son visage comme si tout ce qui avait d'essentiel à voir était là: ses blessures, sa détresse, son incompréhension d'être là. Partie très forte du film donc. Puis il y a une cassure qui n'est pas tant celle de l'arrivée d'un nouveau personnage (Paul Claudel) même plutôt celle de l'arrivée d'un acteur ne faisant pas le poids face ce que vient de nous livrer Binoche en Camille Claudel auparavant, surtout que celui-ci parle beaucoup (texte très écrit car extrait directement de ses correspondances de l'époque) là où sa soeur n'impressionnait que par son regard et son silence, ce mélange très subtil de présence et d'absence combinée. Rupture qui m'a donc fait un peu sortir du film pour ces raisons de jeux déséquilibrés (c'était le cas aussi dans la première partie entre Bincohe et le personnel de l'hôpital) mais je dois avouer comme Art Core que le film vieillit bien, notamment pour sa qualité principale qu'il a très bien décrite: l'épure, que ce soit dans la mise en scène, dans le jeu de Binoche qui livre une sorte de performance invisible captivante. 4/6.

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MessagePosté: 24 Sep 2013, 10:56 
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Sec et sans concessions, Bruno Dumont signe son film le plus abouti et assume pleinement la subversion de son regard. « Camille Claudel 1915 » est un moment de grâce cinématographique exceptionnelle.

Resserrée sur trois jours de la vie de Camille Claudel internée (l’attente d’une visite de son frère, puis la visite de Paul Claudel, et puis son départ) la trajectoire de Camille Claudel est une trajectoire de violence (en ce sens, Dumont ne quitte pas son terrain familier). Je n’ai pas l’impression d’être face à une chronique, mais d’être face à un drame qui enfle déjà depuis longtemps et qui cherche son dénouement, d’être face à un espoir démesuré qui attend un affrontement. Celle-ci survient dans une violence terrifiante et dans un geste cinématographique d’une pureté rare.

Tout commence par le désarroi. Camille souffre physiquement, Camille a peur, Camille veut le calme, Camille veut être seule, Camille ne supporte pas l’enfermement, Camille est paranoïaque, Camille veut retrouver son travail,… Dumont filme frontalement ces épreuves sur le visage et dans le corps de Binoche. Pour le faire, il la plonge littéralement dans l’environnement qui l’anéantit. Rien ici ne peut apaiser sa détresse (la folie des autres pensionnaires, l’ascèse des lieux, les règles de l’institution, la solitude). Binoche s’abandonne à cette expérience, dans un geste d’une très grande générosité, dans un rapport ultra-sensible au monde. Visage à nu, sentiment à fleur de peau, corps meurtri. L’attente de son frère est son seul espoir.
La première partie du film n’est consacrée qu’à ça – Dumont met en scène l’expérience sensible de Camille, enfermée dans un espace hostile, contre son gré. Il dépouille chaque plan rigoureusement de tout ce qui pourrait éloigner le spectateur de cette expérience.

Soudainement, le film prend un virage brutal, et il faut saluer l’audace scénaristique, et la lucidité de Dumont qui choisit de s’éloigner de Camille elle-même. Paul Claudel fait irruption. Avec la même rigueur et de façon tout aussi frontale, Dumont le fait débarquer comme Pharaon dans « L’humanité », dans un vaste paysage et puis tombant sur la terre. (Contrairement à Pharaon, Paul Claudel ne tombe pas face contre terre, il lève les yeux au ciel et invoque Dieu.) Nous n’avons plus à faire à un rapport sensible au monde, mais au rapport mystique d’un fanatique religieux, aspirant à la sainteté et à l’amour de Dieu. Du rapport sensible au rapport mystique. En quelques plans, Dumont déstabilise tout ce qu’il a mis en place depuis le début du film. Le geste est subversif et radical. Le récit s’y prête et prend son envol.

En filmant tout aussi frontalement l’expérience sensible de Camille que l’expérience mystique de Paul (la séquence dont parle Art Core où Paul Claudel écrit une lettre tout en regardant ses muscles se tendre est ahurissante), il creuse les fossés qui séparent les personnages. L’un aspire à être le fils de Dieu, l’autre à être la sœur de son frère. L’un aspire à vivre le monde dans son corps avec l’autre, l’autre à vivre le monde à travers Dieu, hors de l’autre. J’ai l’impression que la grâce du film naît de cette façon frontale dont Dumont dispose ces deux expériences, l’une séparée de l’autre, sans jugement, avant qu’elles ne s’incarnent dans un échange humain entre Camille et Paul. Dumont n’a pas peur du gouffre qui sépare ces rapports différents, ni de leur violence respective. Au contraire, il les creuse jusqu’à l’extrême. Où est la vraie folie ? L’espoir ? La foi ? Camille qui espère que son frère va la sauver, ou Paul qui espère que Dieu va le sauver et sauver tout le monde avec ?

Le récit de Camille et Paul raconte l’impossibilité-même de la rencontre entre rapport sensible de l’une et représentation mystique de l’autre.
Tout le geste de cinéma de Dumont est tendu vers la rencontre et l’harmonie entre rapport sensible et représentation mystique. Ici, dans une simplicité extrême, dans une rigueur et une épure sublime, son geste de cinéma remet en cause son récit et son récit remet en question son geste de cinéma.

C’est dans cette tension et ce doute que Camille Claudel 1915 trouve sa grâce et sa subversion.
Art Core a écrit:
Je trouve ce geste de cinéma au delà du sublime.

Je trouve aussi. Et je souscris complètement à l’idée que Dumont est un des cinéastes français contemporains majeurs. Tout en étant un grand penseur de notre époque. J’aurais aimé voir « Michael Kolhaas » dans les mains de Dumont.


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MessagePosté: 24 Sep 2013, 11:43 
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En tout cas vu les chiffres, ça va être dur pour lui le cinéma... Reste la télé


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MessagePosté: 24 Sep 2013, 11:47 
J'adore Dumont mais pas Binoche, alors j'y suis pas allé, c'est con non ?


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MessagePosté: 24 Sep 2013, 12:07 
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J'entretiens un rapport bizarre avec Dumont. Je n'aime aucun de ses films, mais je les ai tous vus.


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MessagePosté: 24 Sep 2013, 12:08 
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Karloff a écrit:
En tout cas vu les chiffres, ça va être dur pour lui le cinéma... Reste la télé

Chiffres si mauvais que ça ?
Par ailleurs, il tourne un 4x52 minutes pour Arte, non ?
snaky a écrit:
J'adore Dumont mais pas Binoche, alors j'y suis pas allé, c'est con non ?

Très con. Dommage surtout. Si tu aimes Dumont, il y a vraiment quelque chose d'entier dans celui-ci, une limpidité dans son propos et dans son cinéma.


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MessagePosté: 24 Sep 2013, 12:15 
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Le film a fait 115 000 entrées ce qui n'est pas mal. Il n'a dû quasiment rien coûter. Je me fais pas de soucis. Des mecs comme Garrel ou Doillon qui enchaînent bides sur bides ont aucun mal pour tourner, je vois pas pourquoi ce serait différent pour lui.

Et oui il fait un truc pour Arte là (un polar avec de l'humour visiblement, ça fait un peu peur).

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MessagePosté: 24 Sep 2013, 12:24 
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Je t'arrête tout de suite, l'échec de son Camille Claudel serait l'un des plus douloureux de l'année pour son producteur.


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MessagePosté: 24 Sep 2013, 12:45 
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Ah bon. Pourtant une fois de plus le film a vraiment pas dû coûter cher.

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MessagePosté: 24 Sep 2013, 12:54 
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3.04 M€, j'en conviens, ce n'est pas si cher


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MessagePosté: 24 Sep 2013, 12:55 
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Rentabilité France
23 %

me dit l'excellent JP Box Office


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MessagePosté: 24 Sep 2013, 12:57 
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Oui le truc c'est que sans doute le film se vend très peu à l'étranger et aux télés.

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MessagePosté: 24 Sep 2013, 12:59 
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J'ai un peu regardé du coup, à part les catastrophes industrielles comme les reines du ring, la grande boucle opu Turf, tu as peu de films sous les 20% de rentabilité. Même Joséphine fait 41% de rentabilité, même La Religieuse fait 27%


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MessagePosté: 24 Sep 2013, 13:00 
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Le pire que j'ai trouvé pour l'instant

http://www.jpbox-office.com/fichfilm.php?id=13538...


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