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MessagePosté: 09 Juil 2011, 00:20 
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Ouais ouais, je sais...

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Alors que les forces alliées débarquent à Omaha Beach, Miller doit conduire son escouade derrière les lignes ennemies pour une mission particulièrement dangereuse : trouver et ramener sain et sauf le simple soldat James Ryan, dont les trois frères sont morts au combat...


Au moins ça a le mérite de voir les choses avec un peu de recul ! De souvenir, concernant cette séance légendaire dont tout le monde parlait, et que j'avais donc raté, les gens étaient frappés par deux choses dans cette fameuse première partie. La caméra portée, déjà, le côté reportage au cœur du combat. Et l'extrême violence, ensuite, qu'un réalisme nouveau rendait pour certains insupportable. L'un comme l'autre font à présent tant partie des canons, même au-delà du genre, que ce qui apparaît en premier est immanquablement l'étendue de l'influence : combien ce film est porteur d'une lignée infinie de films, téléfilms, jeux vidéos, de toute une approche qui comprend autant le style âpre et percutant que des aspects plus inattendus - la gestion de terrain et la traversée de décors éventrés par exemple, au point qu'on a parfois l'impression de regarder un FPS récent.

La seconde évidence, c'est que ces "modes" (caméra portée, violence réaliste) ne constituent pas vraiment le cœur de ce qui fait l'extrême qualité de ce cinéma et de cette ouverture : elle a un talent propre bien au-delà de ces innovations, une façon de plonger à l'intérieur à la mêlée moins par l'effet reportage que par une intuition démente qui fait traverser la bataille de toutes les façons - flash d'horreur pure, nuée de poésie noire dans les eaux, humanité éclair du comportement d'un personnage qui déjà disparaît, aura étrange d'un ennemi invisible, retour à la faction de manière stratégique ; et même "gags", c'est dire. Spielberg saute de l'un à l'autre toujours au bon moment, prenant le spectateur par la main, déroulant une immense maîtrise narrative sur ce qui ne montre, finalement, que des mecs tirant sur d'autres mecs pendant une demi-heure. Je crois que j'ai surtout été étonné de voir Spielberg, malgré ce saut marqué dans sa filmo, ne pas se départir de cette chaleur (cette implication, cette approche émue) qui le caractérise, de ne pas se la jouer glacial et implacable dans ses batailles... De toujours rester là et avec nous, en somme, quand tant d'héritiers de ce film abandonneront le tout à la virtuosité froide et brutale du combat.

C'est peut-être aussi ce qui participe à la réussite du personnage de Tom Hanks, vraiment bien visé/cerné. C'est sans doute aussi ce qui amollit le film... Spielberg prend bien soin de ne pas nous endormir dans une continuité, alignant au contraire des scènes-tableaux ayant chacune une personnalité propre, dessinant même des variations dans les morts de sa faction, pas loin d'un égrenage grinçant façon Dix petits nègres. Le film n'a cependant pas l'air d'être travaillé par quelque chose avec lequel il est très au clair : peut-être parce que dans une phase de transition, Spielberg me semble assez flou dans ce qu'il recherche au cours de la bonne heure trente que constitue le milieu du film, et même si nombre de passages sont assez réussis, le film hésite un peu tout le temps - entre portrait de la guerre ou du pays en guerre, l'histoire de ce groupe, la relation à l'ennemi, les questions morales liées à la mission (les plus mauvaises scènes, je crois, tout ce qui concerne Ryan de près ou de loin)... Williams lui est complètement largué, ré-étalant le petit programme patriotique à trompette endormie dès qu'il peut, se taisant le reste du temps. Quant au final, le film s'offre une longue séquence climax de pur dégommage (alors certes, c'est du défouloir absolument prenant, génial, virtuose, on ne peut pas être insensible à une fin aussi brillante), alors que tout le film louvoie dans le malaise de la relation à l'ennemi et à la mort, je trouve ça finalement un peu dommage de ne pas mener le gêne au bout, de se replier en terrain connu. Toujours la même petite note dissonante chez Spielberg : quand il offre un tel final à l'arc de Jérémy Davies (marrant de voir d'ailleurs au casting tout les acteurs des 10 années qui vont suivre), je me demande simplement ce qu'il cherche à me dire, et surtout je me demande si lui-même est au clair avec ça.

Bon, que c'est brillant quand même... Je me gardais toujours les Spielberg dans un coin, prenant bien le temps de pas me faire tout d'un coup, de bien en profiter. Là je crois bien que Jaws est le dernier gros film qui me reste à voir de lui.


Saving Private Ryan en VO, pour les moteurs.


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MessagePosté: 09 Juil 2011, 00:45 
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Voilà, c'est le film qui comprend que le réalisme ne se suffit pas à lui-même, qu'il ne suffit pas d'une caméra à l'épaule et d'une image granuleuse pour replonger le spectateur dans une réalité passée. Pour cela, il faut reproduire l'affect, ce que Spielberg réussit ici (et que Greengrass rate dans Bloody Sunday, par exemple).

Sinon, pour les acteurs, la plupart ont disparu (ouais Ed Burns), certains sont restés cantonnés aux 2nd/3e rôles (Davies, Ribisi, Goldberg), d'autres ont raté leur explosion (Peppeeeeeer) et l'unique star du lot est déchue (Diesel).
Damon avait été casté avant le succès de Will Hunting mais c'est ce dernier qui l'a révélé, pas le Spielberg.
Mais ce cast tue, oui.

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MessagePosté: 09 Juil 2011, 00:47 
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Film Freak a écrit:
(et que Greengrass rate dans Bloody Sunday, par exemple).

Ouais voilà, tout à fait, c'est l'exemple type.

Paul Giamatti aussi pour le cast ! (mais peut-être était-il déjà connu ?)


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MessagePosté: 09 Juil 2011, 00:50 
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Tom a écrit:
Film Freak a écrit:
(et que Greengrass rate dans Bloody Sunday, par exemple).

Ouais voilà, tout à fait, c'est l'exemple type.

Paul Giamatti aussi pour le cast ! (mais peut-être était-il déjà connu ?)

Non, effectivement (perso, je l'ai découvert plus tôt, la même année, dans Parties intimes).

Pour rester un peu dans le même univers, Band of Brothers est surprenant à ce niveau (Fassbender et McAvoy étaient déjà dedans).

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MessagePosté: 09 Juil 2011, 00:52 
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C'est pas chiant Band of Brothers, d'ailleurs ? De loin ça avait l'air d'être un peu froid.


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MessagePosté: 09 Juil 2011, 00:54 
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Non ça tue !


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MessagePosté: 09 Juil 2011, 01:01 
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Je dirais pas que ça tue mais c'est bien.
Après, c'est vrai que c'est répétitif et faut pas s'attendre à retrouver la force du film mais ça fonctionne aussi sur la longueur quelque part, l'embourbement, etc.

Cela dit, vu qu'une fois et jamais eu envie de revoir (pas maté The Pacific du coup).

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MessagePosté: 09 Juil 2011, 11:37 
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The Pacific j'ai regardé les 2 premiers mais j'ai pas accroché. Y'a pas de fulgurances et je me sens pas concerné.

Faudrait que je revois Ryan sinon.

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MessagePosté: 09 Juil 2011, 11:42 
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Robot in Disguise
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Faut que je le revois aussi, mais je fais un moratoire sur les Spielberg jusqu'à la rétrospective !

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MessagePosté: 09 Juil 2011, 12:01 
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Le film est une de mes références absolues, aussi je peux me permettre de pinailler.

Y a quelques trucs qui me saoulent ici et là, tout particulièrement ces plans du point de vue des Nazis dans les bunkers qui tirent sur les Américains qui débarquent. Je ne le comprends pas ce point de vue, vu la construction de la scène (et du film), il est interdit. Il brise quelque chose, une continuité, l'identification, pour renforcer l'insécurité. C'est clair qu'on se dit tous "ah ouais ok, heureusement que j'y étais pas sur cette plage, ils se font shooter comme des lapins". Mais j'aurais vraiment préféré l'exclusivité du point de vue ricain.

Y a la chanson de Piaf aussi, qui est mal traduite par Davies.

Et bien sûr y a cette ouverture dans le cimetière américain, avec le fondu sur les yeux à la fin pour l'épilogue sur-écrit.

Par contre contrairement à toi, Tom, j'adore tout ce qui touche à la mission, à Ryan. Je trouve que Matt Damon joue excellemment bien un rôle qui pourtant, avec la pression de l'attente, est quasi injouable. J'adore l'intrigue parce qu'elle apporte du coeur dans un genre qui n'en a jamais, fait réfléchir à la notion de sacrifice de façon plus détournée qu'un commando suicide etc. ET toutes les scènes de confidences (dans l'église par exemple) m'enchantent et élèvent le film hors de portée de potentielles copies.

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I think we're gonna need a helmet.


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MessagePosté: 09 Juil 2011, 12:08 
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Oui j'aime beaucoup l'église... Les scènes liées à Ryan, je pensais à l'intro et l'épilogue, au dialogue "non faut que je reste !" "quels étaient leur noms", l'anecdote artificielle... Je trouve que c'est là que se loge un peu tout le niais du film. Damon s'en sort effectivement très bien, tout le côté "il faut le protéger cet enfant" dans la bataille finale, comme si ça leur permettait de trouver une raison de se battre (tout en permettant à Spielberg d'être moins gêné/troublé, d'ailleurs), est plutôt jolie, mais c'est un poil sous-exploité je trouve.

Le point de vue allemand est surpenant, mais l'effet narratif est assez saisissant : au milieu de plans les montrant se cacher, essayer, se réunir, etc., tu as soudain un plan qui te dit "ils n'ont absolument aucune chance". Ça calme bien et, a posteriori, ça les rend bien plus braves, je trouve. Et puis ça casse pas non plus le côté "ennemi fantôme", vu qu'on ne voit qu'une mitraillette et un bout de casque.


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MessagePosté: 09 Juil 2011, 12:15 
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Z a écrit:
Y a quelques trucs qui me saoulent ici et là, tout particulièrement ces plans du point de vue des Nazis dans les bunkers qui tirent sur les Américains qui débarquent. Je ne le comprends pas ce point de vue, vu la construction de la scène (et du film), il est interdit. Il brise quelque chose, une continuité, l'identification, pour renforcer l'insécurité. C'est clair qu'on se dit tous "ah ouais ok, heureusement que j'y étais pas sur cette plage, ils se font shooter comme des lapins". Mais j'aurais vraiment préféré l'exclusivité du point de vue ricain.

Tu es donc d'accord avec Tavernier :
Citation:
En quoi ces contre-champs posent-t-il problème ?
Pourquoi changer brusquement de point de vue dans cette séquence ? C'est la seule fois. Et pour nous montrer quoi ? Une mitrailleuse. On réduit l'ennemi à cette arme. On ne lui donne pas le droit d'exister. Si on change de point de vue, il faut qu’il y ait une raison. Soit on traite ces Allemands comme des êtres humains, en ne montrant pas uniquement des soldats derrière une mitrailleuse, mais des hommes, soit on garde le point de vue des Américains. Ce changement d’axe nous dit que les Allemands ne sont même pas dignes d’être traités comme les soldats Américains : ils sont juste des tueurs anonymes…

http://www.dvdclassik.com/Critiques/int ... rtrand.htm

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"Je suis prêt à accepter une tonne de qualité chez Spielberg" Lohmann


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MessagePosté: 09 Juil 2011, 12:18 
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Citation:
Pourquoi changer brusquement de point de vue dans cette séquence ? C'est la seule fois. Et pour nous montrer quoi ? Une mitrailleuse. On réduit l'ennemi à cette arme. On ne lui donne pas le droit d'exister. Si on change de point de vue, il faut qu’il y ait une raison. Soit on traite ces Allemands comme des êtres humains, en ne montrant pas uniquement des soldats derrière une mitrailleuse, mais des hommes, soit on garde le point de vue des Américains. Ce changement d’axe nous dit que les Allemands ne sont même pas dignes d’être traités comme les soldats Américains : ils sont juste des tueurs anonymes…

Oui enfin c'est bizarre comme reproche, parce que c'est justement le trajet d'une grande partie du film de jouer sur cette ambivalence du regard porté sur l'allemand, entre ennemi à dégommer et personne à visage, en jouant le chaud et le froid (sauf à la fin, ce que je déplore)... Même au sein de cette longue ouverture, puisqu'elle finit par le nettoyage des tranchées, le besoin de vengeance primale, le regard de Hanks qui voit ça et sent qu'il y a un truc qui déconne.


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MessagePosté: 09 Juil 2011, 13:05 
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Tom a écrit:
Citation:
Pourquoi changer brusquement de point de vue dans cette séquence ? C'est la seule fois. Et pour nous montrer quoi ? Une mitrailleuse. On réduit l'ennemi à cette arme. On ne lui donne pas le droit d'exister. Si on change de point de vue, il faut qu’il y ait une raison. Soit on traite ces Allemands comme des êtres humains, en ne montrant pas uniquement des soldats derrière une mitrailleuse, mais des hommes, soit on garde le point de vue des Américains. Ce changement d’axe nous dit que les Allemands ne sont même pas dignes d’être traités comme les soldats Américains : ils sont juste des tueurs anonymes…

Oui enfin c'est bizarre comme reproche, parce que c'est justement le trajet d'une grande partie du film de jouer sur cette ambivalence du regard porté sur l'allemand, entre ennemi à dégommer et personne à visage, en jouant le chaud et le froid (sauf à la fin, ce que je déplore)...


Mais justement, si la fin est ratée ça doit vouloir dire quelque chose... une ambition qui ne va pas au bout, un manque de conviction... Spielberg est quand même maître dans cet art de mal finir ses films, entre La Liste de Schindler et La guerre des mondes (certains ajouteront Minority Report et d'autres). Récemment, il y a tout de même Munich, dont la fin fait preuve d'élégance, comme quoi Spielberg en est capable.


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MessagePosté: 09 Juil 2011, 13:23 
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Ah mais je suis d'accord, comme je dis l'abandon de cette question au final est curieuse... Je sais pas si ça rend le passage "raté", mais le fait est qu'à partir du moment où protéger Ryan donne une raison aux soldats de se battre, le film se fait plus détendu sur les questions d'absurdité de la guerre ou d'humanité de l'ennemi. Ce cheminement peut aussi faire partir des doutes du film, pourquoi pas (on peut aussi être gré à Spielberg de ne pas rappeler le nazisme à la rescousse pour régler ses problèmes), mais à la vision on a un peu le sentiment du vieux Spielberg qui rattrape le nouveau (j'ai rien contre l'ancien Spielberg, mais disons que ça crée quelque chose d'un peu hybride idéologiquement, comme dans pas mal de ses films ultérieurs effectivement).


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