je vous préviens, c'est très très TRÈS chiant à lire...
ah on voulait qu'ils parlent culture, hein...
(c'est plus agréable dans la présentation du site:
http://www.cahiersducinema.com/article1049.html)
Citation:
Le questionnaire de la SRF envoyé aux candidats, et les réponses de François Bayrou, Marie-Georges Buffet, Ségolène Royal, Nicolas Sarkozy et Dominique Voynet.
L’intégralité est publiée sur le site cahiersducinema.com, vous pourrez également retrouver dans les Cahiers du cinéma d’avril la partie consacrée au cinéma.
Les films de cinéma sont désormais diffusés via le câble téléphonique par les Fournisseurs d’Accès Internet (FAI), tels que Orange, Free, Cégétel, etc. Jusqu’à présent, les diffuseurs de film, c’est-à-dire les télévisions, étaient soumises à de strictes obligations : contribution au Fonds de Soutien, obligation de réinvestir une partie du chiffre d’affaires dans la production nationale, quotas de diffusion de films français et européens.
Si vous êtes élu(e) à la Présidence de la République, imposerez-vous aux fournisseurs d’accès à Internet (FAI) les mêmes droits et devoirs qu’aux chaînes de télévision ?
François Bayrou : L’évolution des technologies permet aux fournisseurs d’accès à Internet d’offrir de plus en plus les mêmes services que les chaînes de télévision « classiques ». Il semble donc utile de réfléchir aux obligations que les FAI devraient remplir en faveur de la création. Mes amis parlementaires ont proposé et soutenu la récente réforme du Compte de soutien à l’industrie des programmes (COSIP) visant à inclure les FAI dans les contributeurs à ce compte de soutien. Cette participation au financement de la création est la contrepartie du taux de TVA réduit à 5,5% dont bénéficient les FAI pour ces mêmes services de télévision. Il me semble nécessaire de renouveler les sources de la création en les adaptant à l’ère numérique et à ces nouveaux usages.
Marie-Georges Buffet : Oui, c’est d’ailleurs dans la tradition de notre pays. En même temps sachons voir les imperfections du système actuel. Les chaînes de télévision ne doivent pas décider de la production ou non, de la diffusion ou non, de Films. L’aide aux créateurs est le meilleur garant de la diversité. Je propose par exemple de revoir la répartition des aides accordées par le CNC en privilégiant « l’aide sélective » par rapport à l’aide automatique. Cela peut se faire très rapidement puisqu’il s’agît d’agir par décret. Cela étant, les technologies numériques ont permis une multiplication des supports et outils permettant la diffusion, le stockage et le traitement des œuvres : disques durs, clés USB, DVD, baladeurs, réseaux à haut débit et service d’accès à Internet par ADSL ou par un autre moyen ; c’est pourquoi les fabricants de ces matériels ou fournisseurs de ces services qui réalisent d’importants bénéfices en commercialisant ces produits doivent être mis à contribution pour financer la création et la production des œuvres.
Ségolène Royal : Il est de tradition depuis 1946 dans la législation française portant soutien au cinéma que les différents modes d’accès ou diverses fenêtres permettant de voir des films contribuent au compte de soutien géré par le CNC et alimentent ainsi les aides automatiques et sélectives à la production, la distribution, l‘exploitation. Ainsi les entrées en salles sont taxées à 11% (taxe sur le prix du billet), les recettes des chaînes de télévision le sont aussi à hauteur de 5,5% et les éditeurs de DVD et VOD le sont enfin à 2,5%. Il est donc juste que les fournisseurs d’accès à Internet, comme d’ailleurs aussi les opérateurs de télécommunication qui exploitent des films de cinéma, participent à leur tour à la création de contenus et au renouvellement des talents sous la forme d’une ressource affectée au compte de soutien, d’obligations de production ou d’engagements de diffusion.
La taxation des FAI au profit du compte de soutien vient d’être adoptée. En ce qui concerne les obligations de production, il me semble qu’au titre du principe d’égalité avec les chaînes de télévision, il faut les imposer aux FAI dès lors que ces derniers réalisent un chiffre d’affaires avec des offres de cinéma. Pour ce qui est des engagements de diffusion, il n’en va pas aisément de même : je vois encore mal comment on pourrait imposer des quotas à un média non linéaire, le principe des nouveaux modes numériques de consultation de films étant la liberté totale de l’abonné quant au choix des titres, aux horaires et aux modalités de consultation.
Nicolas Sarkozy : Aujourd’hui, l’aide au cinéma français passe essentiellement par la taxe additionnelle au prix des places et par la taxe sur les diffuseurs télévisuels. Je crois qu’il faut adapter la participation des diffuseurs de contenus au financement du cinéma en prenant en compte les évolutions technologiques ce qui implique la mise à contribution des opérateurs télécoms. Il n’y a pas de raison que les chaînes audiovisuelles soient les seules à soutenir la culture alors que le développement exceptionnel des télécoms depuis plusieurs années s’explique notamment par la possibilité d’avoir accès à des programmes audiovisuels et de télécharger des films. La loi sur la télévision du futur a apporté une première réponse, en prévoyant une participation des FAI au fonds de soutien au titre de leur activité de distribution de programmes audiovisuels. Je pense que cette participation a vocation à s’accroître si, comme tout le monde le pense, Internet confirme son rôle de diffuseur de contenus culturels.
Dominique Voynet : Je considère que quelque soit le mode de diffusion, il est primordial que soient préservées les ressources en faveur de la création. C’est pourquoi lors du vote de la loi sur la Télévision du Futur nous avions déposé des amendements pour obtenir une augmentation du COSIP (Compte de Soutien à l’Industrie des Programmes). En ce qui concerne les quotas de diffusion, le problème est plus complexe. Tout d’abord le WEB n’est pas territorialisé comme l’est la télévision hertzienne. Ensuite, le passage à une technologie de diffusion différente entraînera inévitablement un mode de consommation différent. Ainsi aux Etats-Unis, la diffusion de la télévision par Internet s’est traduite principalement par l’explosion du VOD (Vidéo à la demande)
Un créateur, par sa création, crée des emplois. Malheureusement, pendant ces cinq dernières années, l’échange de films et de musique sur Internet, c’est-à-dire la piraterie, a fait la fortune des FAI, de certains portails Internet, des fabricants d’ordinateurs et de logiciels, laissant les ayant droits sans la moindre rétribution. Saviez-vous que 90% des films visionnés sur Internet sont piratés ? Comment, dans ce contexte, financer la création ? La loi relative aux droits d’auteur et droits voisins dans la société de l’information du 1er août 2006 montre chaque jour son inefficacité : elle ne permet aucunement d’endiguer la piraterie.
Si vous êtes élu(e) à la Présidence de la République, prendrez vous des mesures dignes de ce nom pour redonner au droit d’auteur sa signification et son efficacité ?
François Bayrou : La question des droits d’auteur est difficile et la récente loi DADVSI n’a rien résolu. Nous devrons réécrire ce texte, et trouver des solutions pour garantir à la fois les droits des auteurs et leur rémunération, condition vitale à l’existence même de la création et, dans le même temps, permettre un accès aux œuvres pour les consommateurs et les internautes.
De ce point de vue, la licence globale n’est pas une bonne solution : même si elle peut rémunérer en partie les ayants droits des œuvres déjà existantes, elle ne sera jamais une réponse suffisante aux nécessités de la production d’œuvres nouvelles, surtout en tenant compte des dégâts qu’elle ferait dans les structures actuelles.
Cela dit, nous ne pouvons rester sur une position négative et il est clair que l’arrivée d’internet est un défi fondamental, peut-être aussi important que la révolution de l’imprimerie en d’autres temps. Il faut donc lancer une réflexion profonde sur l’avenir des rapports entre les consommateurs, les fournisseurs d’accès, les industries culturelles et les artistes. Cette concertation aura besoin de respect réciproque et d’imagination. Elle ne pourra pas être confiée aux seuls technocrates et industriels, il faudra que les créateurs et les artistes y participent.
Marie-Georges Buffet : Je ne partage pas le terme de « piraterie » qui renvoi à un imaginaire totalement déconnecté des pratiques réelles des internautes. La mise en œuvre de mesures de contrôle technique et de surveillance sont dangereuses et ne devraient pas être encouragée par le législateur. C’est notamment pour cette raison que nous nous sommes opposé à la Loi Dadvsi portée par le gouvernement. Que constate-t-on un an après le débat à l’Assemblée ? La licence globale qui a été tant critiquée est mise en place par les organismes privés : la FNAC propose pour un abonnement de 8 à 9 euros un téléchargement illimité dans le domaine de la musique. C’est une licence globale, mais privée. Et je ne suis pas sûr que les auteurs et les interprètes soient bien rémunérés dans l’affaire. Les DRM qui ont été critiqués à juste titre par l’ensemble des utilisateurs d’Internet, sont abandonnés par le privé lui même qui préfère offrir des possibilités de téléchargement gratuites en comptant sur la publicité qu’ils encaissent pour se financer. Et l’on ne peut oublier que le PDG de Disney a déclaré que la salle de cinéma n’était que l’antichambre du DVD. Le débat est ainsi complètement chamboulé. On nous a dit : « il faut préserver le droit d’auteur », mais ce sont les commerçants qui se l’approprient de plus en plus, nous marchons sur la tête.
Dangereuse, cette Loi est également inefficace pour permettre la juste rémunération des ayant-droits. Il faut l’abroger et mettre en chantier une nouvelle Loi qui encourage la circulation de la création dans sa diversité afin qu’elle puisse toucher le public le plus large tout en assurant la rémunération des auteurs et le respect de leurs droits. Pour cela, il faut une implication forte de la puissance publique. Je propose la mise en œuvre d’une plate-forme publique de téléchargement. Cette plate-forme publique diffusera l’ensemble des œuvres répertoriées en respectant la chronologie des médias. Elle sera financée par une extension de la redevance pour copie privée sur l’ensemble des matériels et supports pouvant ou permettant d’assurer le stockage, le traitement, la diffusion de données numériques et l’accès à l’Internet.
Ségolène Royal : J’ai déjà affirmé que la loi DADVSI ne répondait ni à la nécessaire protection des droits des auteurs, ni à l’intérêt des internautes et qu’elle devait être réexaminée. Le droit d’auteur est l’un des piliers de l’exception culturelle. Face à la conception anglo-saxonne du copyright, qui met au premier plan la protection des investissements réalisés par les producteurs, le droit d’auteur est un rempart à la marchandisation des œuvres et de la culture face à des industries de plus en plus concentrées. Avec l’essor de nouvelles offres de très haut débit, les échanges de films sur les réseaux risquent de mettre à mal l’économie fragile du cinéma, et ce d’autant plus, que ces échanges tendent plutôt à se concentrer sur les films qui vont ou viennent de sortir en salles. Le cinéma ne doit donc pas se retrouver seul face au piratage et je veillerai à ce que la vraie contrefaçon industrielle soit réprimée. Je proposerai parallèlement une remise à plat de la loi sur des bases justes visant à : Préserver la copie privée Clarifier la ligne de partage entre le licite et l’illicite Moderniser la gestion collective Favoriser l’innovation et la concurrence en facilitant l’acquisition des droits d’exploitation des œuvres. Aménager une pluralité de modes de financement et de rémunération pour la création Il reste que l’essentiel est de convaincre le public de se tourner vers les offres légales. Cela nécessite des offres attractives en termes de catalogue d’œuvres et de diversité, de prix et, sans doute, en termes de liberté des usages. Je ne peux donc qu’inciter les professionnels à poursuivre leurs négociations sur un certain raccourcissement de la chronologie des médias, afin que les films légitimement vus d’abord dans les salles de cinéma puissent être ensuite accessibles légalement dans des délais raisonnables sur le net ou les écrans, en particulier via les offres VOD proposées par les opérateurs triple play.
Nicolas Sarkozy : Nous avons eu au moment du vote de la loi relative aux droits d’auteur et droits voisins dans la société de l’information un débat difficile sur cette question. Je me suis impliqué pleinement pour faire respecter le droit d’auteur, parce que je crois profondément que créer c’est travailler, parce qu’il n’y a pas de génie sans un travail acharné et que je n’accepte pas que le travail soit spolié sous prétexte qu’aujourd’hui ce serait techniquement possible, que les producteurs de disques gagneraient trop d’argent ou que ce serait plus pratique de télécharger sur Internet plutôt que d’aller à la FNAC. Pour autant, je ne crois pas que la répression généralisée soit la bonne solution et c’est la raison pour laquelle j’ai soutenu la loi DADVSI qui me semble équilibrée. Celle-ci prévoit que le téléchargement illégal de fichiers à l’aide d’un logiciel de type peer-to-peer reste considéré comme une contrefaçon. Des sanctions dissuasives sont également prévues. Il faut qu’elles soient justes et proportionnées à la gravité des faits, ce qui n’est aujourd’hui pas suffisamment le cas, compte tenu des réserves exprimées par le Conseil Constitutionnel. Cette proportionnalité est indispensable, parce ceux que l’on doit poursuivre, ce sont les véritables délinquants, les entreprises qui gagnent de l’argent sur le dos des artistes et des internautes à l’aide de logiciels qui organisent le pillage des œuvres. Il faut également que l’on incite davantage les internautes à recourir à des solutions légales et respectant le droit d’auteur.
Dominique Voynet : Les Verts sont à la fois pour la liberté de circulation du savoir, la préservation des libertés individuelles donc contre les DRM, contre la criminalisation des internautes et pour la juste rémunération des auteurs. Pour résoudre cette « quadrature du cercle », il me semble nécessaire de passer par des systèmes de redistribution du même type que ceux institués sur les supports vierges. C’est pourquoi nous avions soutenu la licence globale bien que cette proposition nous semblait devoir être plus musclée pour assurer la juste rémunération des auteurs. D’autres systèmes de prélèvement peuvent être envisagés, comme un prélèvement à la source sur les fabricants de matériel informatique.
Aujourd’hui, une minorité de films occupe la quasi-totalité des écrans. Le 20 décembre 2006, cinq films occupaient 3749 des 5300 écrans que compte le territoire français, soit 70%. A l’inverse, sur un an, 40% des films occupent seulement 4% des écrans. Ce phénomène de concentration risque d’être encore accentué avec l’arrivée du numérique dans les salles. Sans une véritable volonté politique, la loi du plus fort s’imposera sur les écrans dans toute sa violence- et c’en sera fini de la diversité.
Si vous êtes élu(e) à la Présidence de la République, vous engagerez vous à restaurer une authentique diversité sur les écrans, par exemple en limitant le nombre de copies d’un film par bassin de population ?
François Bayrou : Il est indispensable de préserver l’avenir de la production indépendante en littérature, en cinéma et en musique face aux tendances à la concentration et notamment au regroupement des grands groupes de communication. Car, à terme, les intérêts des grandes concentrations ne deviennent plus que des intérêts financiers, loin de la création qui elle, a besoin d’audace et de liberté et ne peut pas se situer dans les objectifs de rentabilité rapide. L’objectif n’est pas de se placer hors du marché, mais il est impératif de pouvoir bousculer ce marché pour pouvoir surprendre.
Marie-Georges Buffet : Oui. Mais il faut traiter en même temps le renforcement de l’aide à la création notamment en revoyant les aides CNC comme je l’ai dit auparavant et traiter aussi des questions de la diffusion numérique. Il faut notamment mettre en place rapidement une aide publique à l’équipement des salles indépendantes pour éviter qu’elles soient soumises aux « majors » qui les équiperaient.
Ségolène Royal : Le phénomène de concentration que vous évoquez est dû à l’inflation préoccupante du nombre de copies pour des titres de plus en plus nombreux. Je demanderai au ministre chargé de la Culture et au CNC de coordonner une table ronde permettant enfin un code de bonne conduite entre distributeurs et exploitants de salles. Quant aux conséquences du numérique, j’attends la mise en œuvre des préconisations d’un rapport intitulé « l’adieu à la pellicule ? » rédigé en août 2006 à la demande du CNC et là encore les mesures concrètes traînent ; il me parait pourtant important que les pouvoirs publics accompagnent les mutations à venir dans la chaîne de valeurs entre producteurs, distributeurs et salles. La question étant un enjeu au niveau européen, elle fera l’objet de discussions au moment où la France présidera l’Union à la mi 2008.
Nicolas Sarkozy : Je ne suis pas favorable à l’interdiction ou la limitation du nombre de copies en circulation. Le cinéma doit être un domaine où la liberté d’expression est la plus grande et limiter c’est déjà censurer. Je crois beaucoup plus à l’efficacité de dispositifs négociés et incitatifs. Par exemple, on pourrait prévoir que les contrats de distribution des films comportent, comme cela existe dans d’autres pays européens, un engagement sur une durée minimale d’exposition des oeuvres. Cela permettrait déjà une exposition plus équitable de tous les films. Par ailleurs, il est possible d’améliorer le financement de la phase aval des films en autorisant les SOFICA à prendre en charge les dépenses de distribution des films. Cela rétablirait un certain équilibre entre films et contribuerait à la diversité sur les écrans.
Dominique Voynet : Les Verts se sont très clairement engagés en faveur de la défense de la diversité culturelle. Le maintien d’une diversité et une pluralité des films sur les écrans est donc primordial. Je rappelle d’ailleurs, que nous avions mené le combat à l’époque contre l’installation, en grand nombre, des multiplexes. Ceci étant je préfère à des mesures répressives et limitatives, des mesures incitatives à même de soutenir le développement de réseaux de salles indépendantes des majors compagnies.
La mission du service public est de permettre à tous d’accéder dignement à l’information, à la culture, à la création et au divertissement. Or, la dépendance des chaînes de télévision du service public vis-à-vis des recettes publicitaires pousse celles-ci à s’aligner de plus en plus sur les télévisions commerciales.
Si vous êtes élu(e) à la Présidence de la République, imposerez vous une augmentation des ressources de France Télévision par le biais de la redevance avec l’exigence d’une application stricte de son cahier des charges ?
François Bayrou : Il convient de redéfinir clairement le rôle des chaînes publiques et leurs relations avec tous les domaines de la création. S’agissant du financement, il faut garantir aux chaînes publiques d’avoir des budgets stables sur plusieurs exercices afin de financer leurs projets d’investissements.
Marie-Georges Buffet : Il faut refonder un pôle public de télévision digne de ce nom, qui se distingue réellement du privé, avec des vrais moyens de production en s’appuyant sur les moyens qui existent encore à France3 et en supprimant les décrets « Tasca ». Si l’on veut mettre fin à « la dépendance des chaînes de télévision publiques vis-à-vis des recettes publicitaires », le stricte respect du cahier des charges ne suffit pas. Il faut casser le diktat de l’audimat et permettre aux œuvres de création d’être programmées aux heures de grandes écoutes. Je propose la suppression de la publicité sur le service public pour libérer la programmation. La manne publicitaire doit toutefois continuer à être mise à contribution : une taxe de 5% sur l’ensemble des ventes d’espace publicitaire générerait aujourd’hui un produit de 1.500 millions d’euros permettant de compenser les ressources actuelles de France Télévision (750 millions) et de faire droit aux demandes des syndicats de l’AFP en la matière par exemple. Concernant le produit de la redevance il peut être augmenté mais je propose de moduler la redevance en fonction des ressources de chaque foyer à la manière de l’impôt sur le revenu.
Le service public n’est par ailleurs pas le seul acteur soumis à un cahier des charges. Les chaînes privées qui exploitent des ressources hertziennes ou des satellites également. Une évaluation stricte doit être réalisée pour apprécier l’opportunité de reconduire leurs autorisations. Ce sera notamment le cas pour TF1.
Ségolène Royal : Je souhaite faire évoluer le mode de financement de France Télévisions. Je tiens à ce que l’audiovisuel public puisse enfin se différencier des chaînes commerciales, approfondir son identité en termes de qualité et d’originalité de programmes. Pour réaliser cette ambition, ce qu’il faut avant tout, c’est limiter la course aux recettes publicitaires qui annihile toute velléité de résistance à la banalisation des images.
Nicolas Sarkozy : Je crois que les chaînes publiques ont comme raison d’être de participer à un service public. Il faut retrouver une conception exigeante du service public et renforcer les obligations culturelles qui pèsent sur les chaînes publiques, en insistant sur la diversité, l’innovation et la pertinence des horaires. Je veux donc qu’on réaffirme le rôle de la télévision publique dans la diffusion de la culture, notamment de la culture cinématographique, y compris dans le contrat d’objectif et de moyen des chaînes de France Télévision.
Mais on ne peut pas être exigeant à l’égard de l’audiovisuel public et le laisser dans un état chronique de sous-financement. Or, je ne suis pas favorable à une augmentation de la redevance. Il y a déjà trop de prélèvements obligatoires dans notre pays et de plus la redevance pèse de manière indifférenciée sur tous les ménages, ce qui n’est pas juste. Pour donner aux chaînes publiques les moyens de financer des programmes de qualité, je veux qu’on engage la réflexion sur la possibilité d’introduire des pauses publicitaires plus longues sur les chaînes publiques pour celles des émissions dont le contenu n’est pas significativement différent de celui des chaînes privées. Pendant ces plages horaires là, il faut que la télévision publique puisse lutter à armes égales. C’est le bon moyen pour qu’elle puisse disposer d’une véritable ambition pour d’autres programmations.
Dominique Voynet : Oui. Je suis par ailleurs pour une modification en profondeur du mode de financement de la télévision publique puisque je demande la suppression de la publicité sur les chaînes publiques. Je propose de compenser ce manque à gagner par la création d’une taxe sur le chiffre d’affaire de la publicité sur les chaînes privées. En ce qui concerne les cahiers des charges, nous sommes évidemment pour leur stricte application sur l’ensemble des chaînes, notamment sur les chaînes privées (je vous rappelle sur TF1 a obtenu son autorisation d’émettre en tant que « mieux disant culturel ».) Je suis également favorable à un renforcement des obligations liées à la création pour l’ensemble des chaînes.
La production audiovisuelle est dominée aujourd’hui par la demande, ou plutôt par l’image que les directeurs de chaînes s’en font à travers l’audimat.
Si vous êtes élu(e) à la Présidence de la République, remplacerez-vous cette politique de demande par une véritable politique de l’offre, en introduisant à la télévision le principe de l’exception culturelle et en créant une aide sélective pour la création audiovisuelle ?
François Bayrou : La recherche de l’audience ne doit pas se faire au détriment de la qualité des programmes, notamment, de création. Il me paraît essentiel d’offrir aux téléspectateurs des contenus de qualité et d’encourager la production et la diffusion d’œuvres européennes et, en particulier, françaises. Je me félicite qu’à l’occasion du projet de loi télévision du futur, la notion d’œuvre audiovisuelle ait été redéfinie de manière plus stricte afin de mettre fin aux abus qui permettaient à certaines chaînes de remplir leurs obligations de création. Créer une aide sélective pour la création audiovisuelle est une question à laquelle il faut réfléchir si nous voulons préserver la diversité et la qualité de la production audiovisuelle.
Marie-Georges Buffet : Je pense avoir répondu. Aider le plus possible les créateurs eux-mêmes en amont des réalisations, casser le lien à l’audimat, élargir les possibilités de diffusion à la télévision et en salles, tout cela est lié.
Ségolène Royal : Des aides favorisant la création existent déjà au sein du COSIP, que ce soit le fonds pour les images de la diversité ou le fonds à l’innovation. Comme elles sont récentes, nous en examinerons les premiers résultats, avant de décider s’il convient d’abonder les enveloppes qui leur sont allouées. Pour le reste, je viens d’expliquer plus haut que je souhaite que France Télévisions puisse oser davantage en matière de création, ce qui passe par une certaine déconnexion entre choix d’antenne et course à l’audimat.
Nicolas Sarkozy : Je sais que la production française d’œuvres audiovisuelles est fragile, et qu’elle est aujourd’hui très inférieure à celle d’autres pays européens (environ 550 heures de fictions audiovisuelles sont produites chaque année en France contre 1800 heures en Allemagne, 1500 en Grande Bretagne et 1300 en Espagne). Les chaînes sont déjà soumises à des obligations en matière de diffusion de programmes d’origine européenne ce qui garantit une certaine diversité culturelle. On peut sans doute aller au delà, notamment au sein du service public, en demandant aux chaînes de s’engager sur la rediffusion de fictions en plus grand nombre. L’économie de la production audiovisuelle rend en effet très difficile d’arriver à l’équilibre à partir d’une seule diffusion.
En ce qui concerne le financement du secteur audiovisuel, je propose, d’une part, d’étendre à ce secteur le bénéfice du crédit d’impôt mis en place en faveur du cinéma en 2004 et qui a incité à la localisation en France d’un nombre important de tournages et de prestations techniques et, d’autre part, de réorienter les aides du compte de soutien au bénéfice des fictions nouvelles et innovantes.
Dominique Voynet : Il me paraît surtout important de ne pas de réfléchir en termes de chaîne, mais en terme de bouquet. Aujourd’hui le service public offre une diversité de chaînes qui va de France 2 à ARTE, et chacune a sa place. Une chaîne de télévision grand public nous paraît importante face aux chaînes privées. Des chaînes thématiques, plus spécialisées de service public doivent pouvoir compléter ce dispositif notamment via le développement de la TNT (Télévision Numérique Terrestre).
Le Parlement européen a voté, en décembre 2006, dans le cadre de la directive « Télévision sans Frontières », la possibilité pour les chaînes privées de couper les programmes télévisuels toutes les demi-heures. Une telle mesure appliquée en France constituerait un renforcement de la pression commerciale extrêmement dommageable à la qualité de l’offre audiovisuelle. De plus, l’enrichissement des télévisions privées fragilise les chaînes publiques.
Si vous êtes élu(e) à la Présidence de la République, vous engagerez vous à refuser le renforcement du volume publicitaire à la télévision qu’autorisera la nouvelle directive Télévision Sans Frontières ?
François Bayrou : Il ne me paraît pas souhaitable d’augmenter le volume des publicités à la télévision alors que les chaînes bénéficient pleinement de la manne liée à l’ouverture des secteurs interdits depuis le 1er janvier 2007. S’agissant de l’assouplissement des règles relatives à la publicité envisagée par la directive « Télévision sans frontières », il faut préserver un équilibre entre d’une part, la liberté de diffusion et, d’autre part, le respect des téléspectateurs, l’intégrité des œuvres et le pluralisme et la qualité des programmes audiovisuels.
Marie-Georges Buffet : Sur le service public, la publicité sera supprimée. Les œuvres s’en trouveront mis à l’abri de ce qui les dénaturent parfois aujourd’hui. Cela créera une pression sur les chaînes privées. Mais bien sur il faut s’opposer à toute aggravation du « formatage » des films lié au soucis de vendre de la publicité. On ne peut tolérer les coupures toute les demies heures, elles toucheraient toutes les œuvres et les émissions du flux. La publicité sur les médias commerciaux doit être maîtrisée. Enfin, il faut également réduire et supprimer la publicité dans les émissions destinées au jeune public.
Ségolène Royal : Je vous renvoie à la mesure 81 du pacte présidentiel : Taxer les recettes publicitaires des chaînes privées en faveur de l’audiovisuel public, et à la réponse à votre question 4.
Nicolas Sarkozy : Je suis sensible au risque de renforcement de la pression commerciale sur la qualité de l’offre audiovisuelle. Je ne suis donc pas favorable au renforcement du volume publicitaire à la télévision, d’autant que le champ des domaines interdits à la publicité vient de se réduire ce qui a déjà offert de nouvelles sources de financement aux chaînes.
Dominique Voynet : Une telle mesure appliquée en France constituerait un renforcement de la pression commerciale extrêmement dommageable à la qualité de l’offre audiovisuelle. De plus, l’enrichissement des télévisions privées fragilise les chaînes publiques. Comme je l’ai dit précédemment nous sommes pour la suppression de la publicité sur les chaînes publiques. Concernant la directive Télévision sans Frontières, le gouvernement français n’a pas de possibilités de s’opposer aux directives européennes, nous n’avons donc que peu de possibilités d’imposer une réduction de la publicité sur les chaînes privées. Il s’agit donc : de se battre au niveau européen pour revenir en arrière sur cette directive Télévision Sans frontière ; d’agir là ou nous sommes en capacité de la faire c’est-à-dire sur les chaînes publiques.
Après plus de trois ans de lutte pour défendre et faire évoluer leur régime d’assurance-chômage, les artistes et techniciens du spectacle vont prochainement voir s’appliquer un nouveau texte remplaçant le protocole de 2003. Celui-ci devait à l’évidence être abrogé, puisque comme le rappelle le récent rapport de la Cour des comptes, il est à la fois cher, inégalitaire et inadapté. Pourtant, et au mépris de toutes les expertises, le protocole de 2006 reprend la logique de celui de 2003. La proposition de loi du Comité de suivi qui visait au contraire à garantir aux intermittents l’égalité de traitement, n’a pas été votée du fait de manoeuvres procédurières.
Si vous êtes élu(e) à la Présidence de la République, ferez-vous voter la proposition de loi du Comité de suivi afin d’amener les partenaires sociaux à renégocier et à donner un cadre équitable et pérenne à un nouveau régime d’indemnisation pour les artistes et techniciens du spectacle ?
François Bayrou : Je suis favorable au maintien du système de l’intermittence car il est le garant de la vitalité culturelle dans notre pays. La proposition de loi qui a été élaborée par le Comité de suivi auquel ont participé activement les parlementaires UDF doit être votée. Les partenaires sociaux doivent renégocier les annexes 8 et 10 sur la base des principes énoncés par la proposition de loi pour élaborer un système vertueux, équitable et pérenne de l’intermittence.
Marie-Georges Buffet : La lutte « dite » des intermittents revêt un triple enjeu. Un enjeu social, puisque des milliers de professionnels risquent de se retrouver exclus de leur métier. Un enjeu de société, puisque c’est de l’avenir de la création dont il s’agit. Un enjeu démocratique, puisqu’on refuse d’entendre une profession unanime et la représentation parlementaire unie dans le Comité de suivi. De mensonges en manœuvres, le Ministre de la Culture n’a pas pris ses responsabilités. Il a plié devant les exigences du MEDEF. Aujourd’hui, le gouvernement devrait refuser de donner l’agrément au protocole de 2006.
Dans cette élection, il faut prendre des engagements précis sur une orientation claire. Ceux et celles qui dénoncent les abus de telle entreprise de médias (que la négociation peut stopper) ou qui oppose négociation et loi reprennent en fait les arguments du ministre qui ont conduit aux résultats qu’on connaît.
Je propose, dès l’installation du nouveau gouvernement de rétablir les artistes et techniciens dans leur droit par le vote de la loi PPL du « Comité de Suivi » comme un cadre exprimant la volonté politique du gouvernement favorisant une négociation entre partenaires sociaux qui permettra le retour aux 507 heures annuelles avec date anniversaire et le respect des droits sociaux afférents.
Ségolène Royal : Il m’apparaît souhaitable aujourd’hui d’affirmer ma volonté de demander aux partenaires sociaux de se mettre autour de la table pour une nouvelle négociation collective, avec des conditions clairement posées par mon gouvernement à l’agrément d’un futur accord :
mise en place d’un système réellement « pérenne et équitable » ancré au cœur de la solidarité interprofessionnelle, retour aux 507 heures en 12 mois (pour les artistes comme pour les techniciens) avec dates anniversaire, incitation forte pour que les entreprises culturelles et audiovisuelles transforment nombre de contrats d’intermittents en CDI.J’indique à cet égard mon attachement à l’application du Code du travail sur la présomption de salariat.
Nicolas Sarkozy : Je trouve la proposition de loi du comité de suivi intéressante. Mais le sujet de l’intermittence me paraît suffisamment complexe pour ne pas être traité dans la précipitation. Je suis donc favorable à ce qu’un vaste débat s’engage entre professionnels, partenaires sociaux et pouvoirs publics afin de mettre en place les conditions d’un système d’indemnisation juste et pérenne. Il faudra notamment poser la question de la responsabilité des entreprises de l’audiovisuel utilisatrices de salariés intermittents affiliés aux annexes VIII et X de la convention d’assurance chômage. Certains abus peuvent en effet accroître le déséquilibre financier de ces annexe ce qui n’est pas acceptable. Pour autant, il faudra préserver le droit des diffuseurs à recourir au régime de l’intermittence dans les situations de travail où ce recours est légitime.
Dominique Voynet : Les Verts se sont toujours engagés aux côtés des artistes et techniciens pour défendre leurs droits sociaux spécifiques : l’intermittence. Il faut rapidement mettre fin à cette situation catastrophique et garantir aux artistes et techniciens du cinéma, de l’audiovisuel et du spectacle la sécurité matérielle à laquelle ils ont droit. Pour cela, il est nécessaire d’abroger le protocole de 26 juin 2003, et refuser l’agrément du protocole du 18 avril 2006 qui fragilise la culture, précarise, exclut, et permet des cumuls sans plafond pour les professionnels les mieux insérés. Il est urgent de voter le plus vite possible la proposition de loi du Comité de suivi et revenir à la plate-forme commune élaborée par le « Comité de suivi de l’assurance chômage des intermittents du spectacle,du cinéma et de l’audiovisuel » installé par les Verts, le temps de mettre au point un système pérenne avec les parties concernées (dans le cadre de 507 h /12 mois+ retour à la date anniversaire).
Dans les années 80 et 90, la France a mis à jour et imposé la notion d’exception culturelle dans les négociations européennes et internationales. Certaines victoires ont ainsi pu être remportées, telles que l’introduction de quotas dans la directive Télévision Sans Frontières et l’absence d’engagement de libéralisation dans l’AGCS3 et à l’OMC4. Aujourd’hui encore, la bataille fait rage au niveau international : la copie privée est menacée ; la Commission européenne préconise la mise en concurrence des sociétés de perception de droits ; enfin, le droit d’auteur risque d’être marginalisé dans les instances internationales, face au copyright anglo-saxon.
Si vous êtes élu(e) à la Présidence de la République, ferez-vous appliquer rigoureusement les principes de la Convention pour la Diversité Culturelle de l’UNESCO afin de protéger la culture et le cinéma de ceux qui entendent les traiter comme des marchandises ordinaires ?
François Bayrou : Je ferai appliquer les principes de la convention pour la diversité culturelle, dont je rappelle qu’elle est une idée des artistes. Je tiens à réaffirmer très clairement que la culture n’est pas, ou pas seulement, du domaine marchand. Elle doit donc échapper aux règles financières du marché. Cela implique en particulier le maintien de la règle de l’unanimité dans les décisions européennes concernant la présence de la culture dans les accords commerciaux internationaux.
Marie-Georges Buffet : D’une manière générale, il n’y aura pas de changement dans notre pays sans une bataille courageuse pour changer l’Europe. La convention de l’UNESCO doit être appliquée bien sur mais les « contraintes » qui existaient pour les Etats signataires dans une première version de cette convention sont bien réduites. Il faut donc identifier les batailles à mener. J’en vois au moins deux qui me semblent essentielles.
Tout d’abord, il faut faire reconnaître la « présomption de salariat » qui fondent l’originalité française en matière d’activité artistique et qui s’oppose à la volonté de la commission de Bruxelles d’assimiler cette activité a de l’artisanat ou à l’entrepreunariat. C’est notamment cette « présomption » qui justifie la solidarité interprofessionnelle au cœur des annexes 8 et 10. C’est elle que le projet de constitution européenne rejeté par les français, risquait de faire disparaître.
Ensuite, l’application de la convention de l’UNESCO n’est possible que si la France et d’autres pays, continuent de mener l’action nécessaire en faveur de l’exception culturelle au sein de l’OMC.
Ségolène Royal : Cela va de soi. Je suis déterminée à investir tout le poids de la France aux cotés de ses partenaires notamment les Canadiens qui ont assuré avec nous le succès de cette convention qui a été signée par tous, sauf deux Etats Elle est actuellement ratifiée.
Nicolas Sarkozy : Je suis particulièrement attaché à la diversité culturelle. La France et, sous son influence, l’Union européenne, se sont dotés d’instruments juridiques performants pour préserver les biens culturels de la seule logique du marché. Il faut absolument les préserver. L’adoption récente par l’Assemblée plénière de l’UNESCO de la Convention sur la diversité culturelle est d’ailleurs la consécration de cet engagement. Je l’appliquerai de manière stricte. Mais je crois que si ces outils sont nécessaires, ils ne sont pas suffisants pour parer les effets culturels de la suppression des frontières physiques en matière de communication, de développement d’Internet et des mouvements de concentration industrielle créés par la mondialisation. Je propose donc passer d’une politique défensive à une politique offensive en matière de diversité culturelle et de rayonnement de la culture française à l’étranger.
Cela passera notamment en matière d’audiovisuel par une utilisation plus efficace de notre budget de l’audiovisuel extérieur. Je rappelle qu’il est d’environ 500 millions d’euros, c’est à dire presque autant que celui de CNN et plus que celui de BBC World, pour une visibilité sans commune mesure. Il faut rationaliser les structures et mettre en place un pilotage resserré permettant d’élargir notre zone d’influence. En matière de cinéma, je propose d’allouer une partie des crédits issus du compte de soutien en fonction des recettes à l’exportation des films. Cela constituera une réelle aide pour faire connaître notre cinéma à l’étranger. Enfin je souhaite aider nos artistes à se faire connaître et participer à la vitalité culturelle de notre pays, en créant l’équivalent d’une Villa Médicis en Chine et aux Etats-Unis.
Dominique Voynet : La Convention pour la Diversité Culturelle de l’UNESCO, l’Agenda 21 culture, sont des textes essentiels pour la rénovation, voire la refondation des politiques publiques en matière culture : alors bien sûr, ces principes seront au cœur des politiques publiques en matière de culture.
Les Français, et les jeunes en particulier, sont quotidiennement confrontés à un déluge d’images de statuts et finalités diverses : publicités, fictions en tous genres, jeux vidéo, information, communication politique, images truquées ou “arrangées”, etc. Le regard des citoyens doit être accompagné, sinon formé, afin de pouvoir interpréter ces images.
Si vous êtes élu(e) à la Présidence de la République, généraliserez vous une formation à l’image dans les programmes scolaires dès le primaire ?
François Bayrou : Oui. On voit bien que nos enfants vivent désormais dans un monde où l’image a pris une place immense. Entre la télévision et les jeux vidéo, ce sont plusieurs heures par jour - probablement trop d’ailleurs - durant lesquelles ils sont confrontés aux images. Cela nécessite donc un apprentissage et une éducation spécifiques.
Marie-Georges Buffet : L’éducation artistique est davantage présente dans cette campagne présidentielle que dans les précédentes. Il faut lui donner toute son ampleur, dire comment on finance cet effort et permettre aussi la présence des artistes comédiens et techniciens du spectacle à l’école et dans l’espace public en général. C’est de la place des artistes dans la société dont il s’agît. Aujourd’hui, sauf rares exceptions, il n’existe pas de projets d’éducation à et par l’image, alors que l’image est partout présente. Donner aux enfants les compétences pour décrypter les images, pour en comprendre le sens est une dimension incontournable. S’il faut accorder toute leur importance aux arts de la représentation, il ne faut pas sous-estimer celle de l’écrit ou des arts plastiques : peinture, photo, sculpture...Dès lors se posera la question faut-il tout aborder au risque d’effleurer certaines disciplines ? Peut être faut-il envisager une formation générale et permettre ensuite à chaque enfant de suivre au moins un parcours artistique approfondi dans le domaine des images, un parcours consacré à l’écrit et un parcours musical.
Ségolène Royal : L’éducation à l’image et la lecture critique des médias est une pédagogie de la citoyenneté : elle doit permettre aux jeunes d’être des récepteurs avisés des médias mais aussi des producteurs de leurs propres images. J’ai proposé (c’est la mesure 35 du Pacte Présidentiel) d’inscrire « l’éducation artistique et la pratique artistique à tous les niveaux de la maternelle à l’université. L’éducation du regard (peinture, photographie, cinéma), l’analyse critique des medias et de l’Internet, l’enseignement des techniques de traitement des images et du montage, la maîtrise des outils numériques et des technologies intellectuelles qui leur sont associées se confortent mutuellement Les programmes d’éducation au cinéma pour les élèves des écoles, collèges et lycées qui doivent être menés avec et dans les salles de cinéma seront donc généralisés et amplifiés, et complétés par une éducation à la lecture de l’image télévisuelle. Enfin, je mettrai en place avec le ministère de l’éducation nationale en liaison avec les collectivités locales une éducation au net. C’est par les conditions de travail qu’Internet pourra entrer dans les écoles. Pour ce faire, des mesures s’imposent, par exemple :
en termes d’équipement, la salle réseau, trop peu accessible, est sans effet ; les « classes mobiles » (ordinateurs portables sur un chariot dote d’une borne wi-fi) apportent une bien plus grande souplesse ; en termes d’effectifs, la suppression des emplois jeunes a été une catastrophe. Il faut introduire une population familière de ces technologies susceptible d’introduire « du liant » dans les enseignements traditionnels. La question d’un corps de webmestre / responsable réseaux pourrait être posée.
Enfin le net n’est pas seulement un outil numérique alliant images et sons, il devient un mode d’expression autonome pour les plasticiens, les créateurs de fictions, les auteurs de cinéma ou d’animation. Il importe donc que des « artistes de la toile » s’engagent à la populariser et à transmettre leur passion pour ce huitième ( ?) art.
Nicolas Sarkozy : Aujourd’hui, l’image est omniprésente et les jeunes spectateurs ont une culture de l’image davantage influencée par des médias comme la télévision ou Internet que par la pratique cinématographique. Il faut donc s’assurer que ceux-ci sont ouverts à la différence et à la diversité sur lesquelles s’appuie le travail des cinéastes, et qu’ils disposent des outils leur permettant d’interpréter l’image, quelle que soit son origine et son mode de diffusion. Cette éducation à l’image doit être directement assurée à l’école. Il est essentiel, dès le plus jeune âge, de développer une réflexion critique, une capacité de mise en perspective, des outils d’analyse artistique et technique.
Dominique Voynet : Nous sommes favorables à la mise en place de programme de formation à l’image dans les programmes scolaires dès le primaire. Par ailleurs, nous regrettons qu’au delà de l’éducation à l’image, l’éducation artistique soit vraiment le parent pauvre de l’éducation nationale.
Depuis quelques mois, des rumeurs persistantes circulent sur une suppression éventuelle du Ministère de la Culture.
Si vous êtes élu(e) à la Présidence de la République, le Ministère de la Culture sera-t-il supprimé ?
François Bayrou : Si je suis élu, le ministère de la culture ne sera pas jumelé avec un autre, et le ministre de la culture sera un ministre de plein exercice.
Marie-Georges Buffet : Les rumeurs dont vous parlez sont fondées sur des propos tenus par l’entourage de Mr Sarkozy. Sa logique est conforme à la dérive libérale qui laisse la plus grande place aux industries culturelles. Je suis pour le maintien d’un Ministère de la culture doté d’une autorité pleine et entière et de moyens financiers renforcés. L’ensemble de la dépense publique en faveur de la culture (Etat et collectivités territoriales) doit être portée à 1% du PIB. Ce n’est pas dispendieux. Cela représente 10% d’augmentation moyenne des budgets publics dans ce domaine pendant 5 ans. Cette proposition prend en compte la nécessité de développer l’ensemble des dépenses des différents ministères qui agissent en faveur de la culture (Education Nationale, Ministère des Affaires Etrangères, Politique de la ville, etc...) et celles des collectivités territoriales, ce qui nécessite une réforme de la fiscalité les concernant.
Ségolène Royal : L’heure n’est pas à la constitution du gouvernement. La réforme de l’Ėtat c’est plus de transversalité. Moins de ministères, cela permet moins de cloisonnements. Mais le ministère de la culture a une valeur symbolique forte dans notre pays Le temps viendra où ces questions seront posées. L’important c’est le projet pour la culture et le socialisme met la culture au cœur de son projet. Le ministère de la culture n’en est pas le seul outil.
Nicolas Sarkozy : Absolument pas, il sera renforcé. Je me suis prononcé pour un rapprochement entre le Ministère de la Culture et celui de l’Education Nationale car je crois que l’un des grands échecs de la politique culturelle depuis 40 ans c’est l’absence de démocratisation : ce sont toujours les mêmes qui lisent, qui vont au cinéma, au spectacle, au musée. Pour pouvoir mener une véritable politique d’éducation à la culture, il faut que tout notre système de formation prenne en compte cette dimension, et donc que le ministre de la Culture puisse peser plus qu’aujourd’hui sur les programmes de l’Education nationale en matière d’enseignement artistique. Ceci ne passe pas par une intégration ou une dissolution du Ministère de la Culture au sein de l’Education Nationale, mais par le développement de services conjoints et d’actions communes de manière beaucoup plus volontariste que par le passé.
Dominique Voynet : Nous sommes pour la création d’un grand Ministère de la culture qui ne soit ni le « temple du clientélisme », ni le « couloir des partisans ». Ce Ministère aura les moyens d’affirmer haut et fort la culture comme mission de service public tout en garantissant la liberté de l’artiste, le foisonnement de la création et le soutien et la valorisation de toutes les pratiques artistiques amateurs en tant que mode d’expression et d’épanouissement personnel, source d’échange et fondateur d’un nouvel art de vivre. Par ailleurs, cette grande synergie redonnerait à l’éducation artistique d’une part, à la rencontre des artistes d’autre part, toute sa place à l’école.