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MessagePosté: 15 Jan 2014, 02:54 
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Film bien puissant, dont je garderai probablement le souvenir longtemps. L'un des meilleurs films "avec enfants", un genre (une contrainte en fait) peu aisé. Kore-Eda trouve le juste milieu entre pudeur et dévoilement, et je n'ai pas été frustré pour un sou de la description plutôt chiche de l'enfance du père aux côtés d'un père insupportable.

En revanche je souscris à l'impression évoquée par certains selon laquelle la distinction entre "pauvres gentils et heureux"/"riches renfrognés et égoïstes" se fait un poil carricaturale par moments, même si la critique du père "grand enfant" pauvre est esquissée. Au-delà de la description intéressante des différences de classe, le film est un séisme émotionnel, et je ne pense pas, contrairement à Karloff, qu'il faille être père pour le ressentir à plein.


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MessagePosté: 18 Jan 2014, 01:08 
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Inscription: 04 Juil 2005, 17:02
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Bon, moi j'ai eu envie de gifler les adultes tout le long, je n'ai compris aucun d'entre eux, n'ai trouvé aucune possibilité d'identification chez eux (il n'y a que de Keita que je me suis senti proche, notamment lorsqu'il va se cacher dans le lit, de honte et de colère, lorsque l'autre môme fait sa fugue et que son daron vient frapper à la porte : je crois que c'est ce que le film réussit le mieux, comme souvent chez Kore-Eda, le portrait des mômes. Montrer la stupeur des enfants face à l'incommensurable bêtise des adultes, bêtise tellement incommensurable que je n'arrive pas à l'admettre, qu'elle me dépasse et que je n'arrive à la reprocher qu'au film, surtout qu'il se place essentiellement du point de vue des parents, alors même que c'est sur leur portrait qu'il achoppe, qu'il en reste le plus à des stéréotypes et des symboliques binaires).

Par conséquent, le postulat du film m'échappe, je n'arrive pas à concevoir que les deux familles puissent accepter une atrocité pareille, sauf à être complètement idiotes -- pour tout dire, je peine même à me mettre à leur place quand elles se contentent de l'envisager.

Du coup j'ai passé tout le film en colère contre cette narration qui me paraît simplement invraisemblable (et c'est peut-être une histoire de choc culturel, peut-être, peut-être, mais je l'ai vécu comme ça néanmoins...), et comme la mise en scène n'en fait rien, trop occupée à être délicatement illustrative sur coussin d'air (que c'est agaçant ce glissement ouaté généralisé comme solution esthétique permanente !), comme il ne s'agit grosso modo que d'un film de scénario, ben ça m'a bien gonflé.

En sortant je repensais à ce documentaire des débuts de Kore-Eda, Lessons from a calf, où une classe de primaires, très jeunes, devait s'occuper d'un veau. Rien de plus que ça et c'était déjà énorme. C'était beaucoup plus fort, sur une même thématique d'adoption et d'éducation, bien plus subtil, et sans les chichis "élégants" qui contaminent désormais son cinéma, chaque film davantage que le précédent.

_________________

*


Dernière édition par Zad le 18 Jan 2014, 01:15, édité 1 fois.

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MessagePosté: 18 Jan 2014, 01:13 
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Inscription: 20 Fév 2008, 19:19
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Je ne vois pas du tout où sont les "chichis élégants" dont tu parles, sauf à estimer que la pudeur et la réserve face à une personne -le père- a priori condamnable mais au final éminemment tragique est une faute au cinéma. Il est bien évident que le film décrit un contexte japonais, très difficile, conservateur, où l'inné, le sang, prime sur l'acquis, et essaie d'emmener ses personnages vers un dépassement pas si utopique et inenvisageable que ça, mais semé de réflexes culturels, comme autant d'embûches.


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MessagePosté: 18 Jan 2014, 12:23 
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Antichrist
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Inscription: 04 Juil 2005, 21:36
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Pas mieux. Et je comprends pas trop le côté "envie de gifler les adultes". Au contraire, même, je les trouve universel et humain.


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MessagePosté: 18 Jan 2014, 16:48 
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Bon, il y a incontestablement un doigté incomparable, vraiment au sens d'une "façon de manier" ce qu'on filme, que je trouve admirable : une simplicité dont on fait chanter toutes les nuances en douceur, en ne versant que rarement dans la sophistication distante du film-japonais-esthétisant-et-réservé-à-piano. On est reçu dans le film comme sur un gros coussin.

Néanmoins, je suis assez surpris de ne pas être bouleversé du tout, et même assez peu ému. Autant je comprend tout à fait le choix du point de vue du père, autant je ne pige pas ce parti-pris d'en faire immédiatement un personnage clos, aveugle et fermé, surlequel on est sûr d'avoir l'ascendant moral. Comme si le film essayait de nous faire comprendre en 2h que l'amour-est-plus-fort-que-le-sang, quand le simple trouble qui touche les deux mères (personnages autrement plus sympathiques) n'a pas besoin de cette béquille pour explorer les abysses de cette ambivalence filiale. Trop souvent, le film semble utiliser les situations pour aller nourrir sa radiographie sociale (pourtant pas très fine...), alors qu'il y a là des personnages, et leurs tourments, tous prêts à recueillir notre attention et notre empathie.

Je trouve par exemple que ça tient du saccage d'utiliser toute l'intro non pas tant pour mettre en avant le bonheur de la vie de famille de Keita (puisque le film va ensuite la troubler), mais pour déjà souligner une certaine artificialité domestique, une aseptisation sage des rapports, le comportement frigide du père... autant de choses qui auraient gagner à émerger tout naturellement via le déséquilibre que provoque la révélation de l'échange. Au final, je garde du film un goût de didactisme prononcé (pas rehaussé - ça m'a rappelé Kechiche tiens... - par la vision très plan-plan du méchant bourgeois et du gentil-prolo-mais-quand-même-un-peu-con). Il faut vraiment attendre que le personnage principal brise l'armure pour que j'arrive à rentrer un peu mieux dans le film.

Du coup ça donne un mélange assez bizarre... Parce qu'il reste cette incroyable douceur de vue (j'allais dire "subtilité", mais le terme fait chichiteux, et le film est tout le contraire de chichiteux, il a quelque chose d'admirablement simple et rond), l'élégance de scènes qui coulent en toute fluidité, la capacité à capter un je-ne-sais-quoi dans l'air. Mais le ver narratif est dans le fruit, et passé ce charme de surface, le film ne fonctionne pas très bien sur moi.


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MessagePosté: 18 Jan 2014, 17:28 
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Inscription: 20 Fév 2008, 19:19
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Localisation: Ile-de-France
Citation:
Je trouve par exemple que ça tient du saccage d'utiliser toute l'intro non pas tant pour mettre en avant le bonheur de la vie de famille de Keita (puisque le film va ensuite la troubler), mais pour déjà souligner une certaine artificialité domestique, une aseptisation sage des rapports, le comportement frigide du père... autant de choses qui auraient gagner à émerger tout naturellement via le déséquilibre que provoque la révélation de l'échange.


En faisant ça, il courrait le risque de ne pas faire ressortir l'idée que c'est le mode de vie imposé par le père qui ne fonctionne pas, et non pas juste qu'il se dérègle parce qu'il est appliqué à un enfant élevé dans un autre milieu.

Quant au père sur lequel on serait "sûr d'avoir l'ascendant moral", je pense au contraire que le film dans sa progression arrive à déjouer nos préjugés et à nous le faire passer de la figure du bad guy à celle de héros. Dès lors, on se sent un peu bête de l'avoir sous-estimé, et on est renvoyés à notre posture de juges impitoyables mais insignifiants.


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MessagePosté: 18 Jan 2014, 18:50 
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Baptiste a écrit:
En faisant ça, il courrait le risque de ne pas faire ressortir l'idée que c'est le mode de vie imposé par le père qui ne fonctionne pas, et non pas juste qu'il se dérègle parce qu'il est appliqué à un enfant élevé dans un autre milieu.

Certes, mais c'est lancer un film où nous avons d'emblée de l'avance sur les personnages (de la hauteur par rapport à eux : on voit ce qui ne va pas, eux pas), ce que je trouve pas très heureux. Après, j'ai pas de solution en or, je vois bien que le sujet est ce qui vice la vie familiale (et non pas l'échange, qui n'en est que le révélateur), et qu'il faut organiser la dramaturgie en fonction.

Baptiste a écrit:
Quant au père sur lequel on serait "sûr d'avoir l'ascendant moral", je pense au contraire que le film dans sa progression arrive à déjouer nos préjugés et à nous le faire passer de la figure du bad guy à celle de héros. Dès lors, on se sent un peu bête de l'avoir sous-estimé, et on est renvoyés à notre posture de juges impitoyables mais insignifiants.

À quel moment ? À part le dialogue final sur le chemin, je ne vois pas à quel moment il prend une initiative positive.


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MessagePosté: 19 Jan 2014, 15:47 
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Citation:
À quel moment ? À part le dialogue final sur le chemin, je ne vois pas à quel moment il prend une initiative positive.


Bah, c'est déjà énorme pour quelqu'un d'aussi rigide a priori de se remettre ainsi en question et de parler à son enfant; et ensuite, la décision de reprendre Keita.


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MessagePosté: 19 Jan 2014, 15:57 
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Attention au spoil !

Je vois pas trop en quoi c'est exceptionnel en fait : déjà ça n'arrive qu'à la toute fin, et surtout c'est le trajet attendu (tout son cheminement se fait en direction de cette décision finale-là, le film ne nous prépare pas à autre chose).


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MessagePosté: 19 Jan 2014, 16:01 
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Antichrist
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C'est justement ce que je trouve magnifique dans le film, le fait que l'on suive son cheminement émotionnel, sans le juger.


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MessagePosté: 19 Jan 2014, 16:02 
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Inscription: 13 Mai 2010, 11:50
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Sans le juger ? Le film ne nous le montre que commettre erreur après erreur, sans réellement nous faire partager les raisons qui le poussent à agir ainsi. Pour le voir fragilisé, ouvert à notre empathie, il faut attendre l'épisode de la fleur, on doit bien déjà être à la moitié du film.


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MessagePosté: 19 Jan 2014, 16:03 
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Antichrist
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Inscription: 04 Juil 2005, 21:36
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C'est marrant, je trouve pas que l'on juge le perso. La société japonaise, oui, mais le mec en lui-même, non. Les scènes avec sa famille sont très belles d'ailleurs.


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MessagePosté: 19 Jan 2014, 16:22 
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Messages: 28350
Localisation: In the Oniric Quest of the Unknown Kadath
Moi je suis un peu d'accord avec Zad, le film a un problème fondamental dans son postulat qu'il impose comme une évidence, du coup j'ai aussi un peu de mal à ressentir une quelconque empathie.
Je parle du fait que les parents décident quasiment immédiatement d'échanger les enfants alors que ça me paraît absolument pas évident comme choix voire carrément impossible. Surtout à 6 ans.

_________________
CroqAnimement votre


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MessagePosté: 19 Jan 2014, 17:54 
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Antichrist
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Inscription: 04 Juil 2005, 21:36
Messages: 23964
ça par contre, cela demande effectivement un saut de foi mais je ne sais pas comment cela se passerait en france. Mais j'adore quand les autres parents essaient aussi d'avoir les deux. Larmes aux yeux à ce moment là


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MessagePosté: 19 Jan 2014, 17:56 
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Inscription: 25 Nov 2005, 00:46
Messages: 86741
Localisation: Fortress of Précarité
Karloff a écrit:
C'est marrant, je trouve pas que l'on juge le perso.

Ah moi je suis plutôt d'accord avec Tom...

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