Scorsese prend son job de thanatopracteur à coeur et livre du bon boulot, en maquillant ce scénario macchabée avec de jolis effets. Go back to Cape Fear (2/6). Surjeu gargantuesque de Di Caprio, insupportable tellement il joue bien, et tellement il en fait des tonnes. Je vois ce mec, et je revois De Niro et Nicholson dans leurs pires travers de croque-mitaine... Il est tout le temps grimaçant, il s'applique pourtant à jouer la folie avec finesse, mais comme dans Aviator - et même Gangs of New York - il me dérange constamment. Alors que dans le Ridley Scott dernièrement, je l'avais trouvé crédible en covert agent sur le terrain. Bref... le film n'est donc qu'un long et interminable film à scénario, un scénario à ficelles, des ficelles usées et qui lâchent dès le premier quart d'heure. Je pense que dans le genre, le seul qui trouve grâce à mes yeux est le Memento de Nolan. Ici on veut d'ailleurs y injecter le même trouble (on sait qu'il déraille mais on ne sait pas exactement de quelle façon, et à la fin il décide de son sort en optant pour la lobotomie plutôt que de faire face à la vérité)... mais on s'en branle tellement le film est LONG, LOURD et CHIANT. Et ce n'est pas la douzaine de bonnes idées de mise en scène ou de montage qui feront le film... d'autant qu'elles seront compensées par des trucs interdits : la fillette qui ouvre les yeux avec un gros "clic" sonore, Di Caprio qui descend et monte une falaise à 90°, le travelling d'exécution techniquement superbe mais parfaitement stupide (encore plus stupide pour moi que la mise à mort des nazis dans le cinéma façon Tarantino). Des facilités et des fautes de goût, il y en a pas mal.
La suite de la carrière de Scorsese me fait peur. Je ne comprends pas qu'il se complaise à mettre en images des scénarios prétextes, comme s'il pouvait enfin faire joujou (et des entrées) sans souffrir comme il a souffert par le passé pour monter ses projets et obtenir une reconnaissance... y a un renoncement total pour moi. Quand on voit des Peter Jackson, des James Cameron, des Steven Spielberg, ces types mettent parfois le temps qu'il faut pour extraire des cartons des scénarios mastodontes qui ont plus d'intérêt qu'un seul impact récréatif. Ils peuvent commettre des erreurs ou être tentés par des facilités, ça peut ne pas convenir à tout le monde, mais le résultat est toujours techniquement à la pointe, participe à l'enrichissement des autres projets, et tout en restant toujours très personnels, s'imposent parfois comme une nouvelle référence du genre auxquels ils s'attaquent.
Pourtant Scorsese en a réalisé des films références !! Et dans des genres particulièrement casse-gueules et assez inexplorés depuis (Raging Bull, Taxi Driver, After Hours, Last Temptation, Goodfellas). Mais ce ne sont clairement pas ses films des années 2000 qui font de lui un maître dans le cinéma contemporain. Casino était définitivement un film-somme avant l'heure, c'est triste. J'avais pas mal relativisé ma déception avec GONY et Aviator, parce que c'était formellement classe, et jamais foutage de gueule. Mais ça commence vraiment à me péter les couilles, cet écrin parfaitement vide, indigne de son talent.
Avant la sortie de GONY, j'écrivais : "Le style de Scorsese est arrivé il y a peu à maturité, il ne cesse depuis de s'exercer à conter les histoires des autres. Lui a peut-être déjà tout dit." Et c'est malheureusement vrai.
Après GONY, j'écrivais : "Force est de reconnaître que Scorsese ne se renouvelle plus. Il se recycle. Il n’expérimente plus sur le cinéma en général, mais sur le sien en particulier. Il use désormais de sa propre grammaire cinématographique, mise en place au travers de son œuvre, pour construire de nouvelles phrases, pour conter de nouvelles histoires, celles des autres. Depuis la sortie de Gangs of New York, le sentiment qu’il ait tout dit sur ses intérêts et ses angoisses prédominait déjà. Si ce constat peut sembler décevant à la lecture, il est à noter que le bonhomme est trop talentueux pour se contenter de bégayer son cinéma." C'est hélas vrai aussi.
Et j'ajoutais après Aviator : "Ce n’est pas tant que la mise en scène de Scorsese puisse être taxée de classique, ou pire, d’académique, qui dérange. C’est qu’elle apparaisse d’une si grande maîtrise, presque simple, trop vissée, et d’une si imposante sobriété, presque monotone, trop peut-être pour qu’une émotion puisse s’y épanouir. Ce qu’il manque aujourd’hui, c’est le chaos anarchique – et pourtant travaillé – de ses premiers films, c’est aussi et surtout l’apport à l’écriture d’un Paul Schrader, d’un Jay Cocks ou d’un Nicholas Pileggi. [...] Et le cinéaste de suivre fidèlement les lignes du scénario, s’appropriant certes le matériau, mais passant insensiblement à côté des moments d’errance de son personnage, alors qu’il avait lui-même si bien dépeint par le passé le trouble d’un Travis Bickle, ou la paranoïa d’un Henry Hill. Scorsese livre ici son résultat le plus lisible, peut-être aussi le plus divertissant de tous, mais également le moins complexe. Aviator reste un magnifique produit de divertissement, avec une âme et du talent sur chaque parcelle de pellicule. Et il serait stupide de bouder un si beau spectacle."
Eh bien stop. J'en ai assez d'être tolérant. Scorsese, tu me gaves. Wake up. Et je veux autre chose qu'un remake sympatoche façon Les Infiltrés, ça ne suffit pas. Contente-toi de faire des docus si tu veux, mais arrête de me faire perdre mon temps avec des scénarios juste potables, sous prétexte qu'ils brassent tes thématiques et permettent de t'éclater à l'image.
Trouve-moi THE sujet que personne n'aborderait sans toi, et ponds THE scénario en prenant le temps et le bon scénariste... ne deviens pas Roman Polanski.
2/6
_________________ I think we're gonna need a helmet.
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