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MessagePosté: 19 Fév 2017, 21:10 
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Tu peux pas imputer aux pratiquants d'une religion les fautes commises par l'Église (de jadis qui plus est).

Ça reviendrait à dire qu'une dédicace "à tous les musulmans" cautionne les actes de Daesh.

#pasdamalgame

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MessagePosté: 19 Fév 2017, 23:54 
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Très curieux film mais je suis étonné de voir en début de topic que certains pensent que c'est le moins scorsesien de ses films. Déjà j'ai toujours trouvé l'expression bête (un film appartient toujours à son auteur, même si c'est le fruit d'influences différentes de celles d'avant) mais aussi parce qu'il me semble être peut-être le film le plus généreux de son auteur dans ce qu'il montre de ses obsessions et ses tourments. Je ne prétends pas avoir creusé l'oeuvre de Scorsese dans ses ressorts philosophiques mais la question de la foi et de son entremêlement avec la violence a toujours été un thème fort chez lui.

Je le dis tout net, j'étais à 1/6 à un peu plus de la moitié du film, car je trouvais qu'on était un peu trop dans l'hagiographie christique, dans le préchi-précha monomaniaque, doublée de la complaisance habituelle du cinéaste pour les longues séquences de violences, témoignant d'une conception très doloriste de la spiritualité.

Et puis, il y a ce glissement très intelligent aux deux tiers qui nous fait entendre la vérité dans la bouche de l'ennemi. Le personnage de l'interprète est à la fois horrible et très humain puisque de sa bouche cynique sortent quelques vérités. La première confrontation avec Liam Neeson est superbe également, où les rôles s'inversent subitement avec un prêtre qui passe pour un enfant bouffi de fierté criminelle, qui renvoie aux propres crimes du christianisme.

Les moyens terrifiants déployés par les Japonais ne font pas oublier que leurs motifs ont une certaine légitimité: qui sont ces chrétiens pour faire la morale alors que ce sont eux qui débarquent pour faire du prosélytisme et déstabiliser un pays? Le colonialisme et indirectement la manifest destiny américaine sont ici interrogées de manière troublante et surprenante vu le chemin précédemment parcouru par le film.

Scorsese parle de la véritable nature de la foi. Par essence elle est une dynamique intérieure qui, tournée vers l'extérieur (le prosélytisme), peut vite tourner à la barbarie des guerres de religion. En fait, Scorsese paraît presque dire que la foi va à l'encontre de la religion, qui a été souvent analysée par tous types de philosophes et ethnologues comme une matrice essentiellement politique, visant à relier les gens et organiser la société en régentant leurs âmes, ce dernier point n'étant qu'un moyen. La foi, c'est l'inverse: le but n'est pas de relier les gens entre eux, mais de fortifier l'âme, qui du coup, et uniquement comme conséquence, devient davantage apte au lien avec autrui. Elle n'a pas besoin d'être prouvée extérieurement, elle ne doit motiver aucun rituel, aucun simulacre, elle est ou elle n'est pas.

Pas étonnant du coup que le dernier tiers du film offre un complément saisissant aux dernières pages de 1984 d'Orwell (tandis que le film fait aussi énormément penser à Apocalypse now: même trajectoire et ambiance de héros perdus dans un environnement hostiles qu'ils ont voulu soumettre, pour tomber sur l'un de leurs pairs convertis (Colonel Kurth/Liam Neeson)). Les Japonais, en s'attaquant aux rituels et icônes, veulent toucher la foi, mais celle-ci vraiment comprise ne saurait être touchée par ce biais. Dans 1984, Big brother réussit son coup précisément parce qu'il a les moyens de s'infiltrer dans les pensées et de déjouer toute comédie.

C'est pour cela que la dernière scène est indispensable: cette incursion dans l'intimité du cercueil est l'image même de la foi qui ne trouve son sens que dans l'intériorité. Le symbole de la croix n'est là qu'en tant que symbole que peut filmer une caméra bien plus que comme objet d'idolâtrie (qui a effectivement, comme le disait quelqu'un ici, été vertement pointée du doigt par Scorsese comme relevant du pire vide dont est capable la religion). Le geste de cette femme que l'on a presque pas vu est bouleversant, puisque témoignant d'une compréhension aigue de la foi et d'une générosité incroyable étant donné qu'elle n'est probablement pas chrétienne.


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MessagePosté: 20 Fév 2017, 08:03 
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Beau texte.

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MessagePosté: 21 Fév 2017, 00:13 
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Antichrist
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Inscription: 04 Juil 2005, 21:36
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Oui, le forum monte d'un cran depuis le début de l'année, j'ose à peine écrire.


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MessagePosté: 21 Fév 2017, 12:45 
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MessagePosté: 02 Mar 2017, 18:41 
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Inscription: 01 Fév 2016, 20:06
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Je suis un peu partagé, mais globalement vous avez tout dit. C’est trop long dans sa partie centrale et ça n’évite pas les redondances, mais la dernière partie justifie le tout en étant l’aboutissement du questionnement du personnage principal, et apporte un certain équilibre entre persécution / colonisation.

Le questionnement sur la vanité purement humaine quant à l’identification au Christ (scène géniale du reflet), le rôle des idoles et le matérialisme de la foi, tout ça est plutôt bien vu mais je ne peux m’empêcher d’y voir un certain manque de profondeur (dans le 2 premiers tiers en tout cas), et le film ne m’a pas forcément retourné, malgré la splendeur visuelle générale.

Sur la dernière partie, j’ai par contre trouvé admirable tout l’aspect purement symbolique de l’apostasie, décrite par les bourreaux eux-mêmes comme un simple acte (puisqu’on ne peut pas changer le cœur d’un homme), à mettre d’ailleurs en relation avec les objets religieux distribués aux paysans par Rodrigues. Et malgré ça, le moment où Ferreira piétine la Bible (il me semble que c’est la Bible), que d’émotions… Tout le renoncement spirituel qui accompagne ce simple geste, pour ensuite revivre sa foi et sa croyance dans une certaine forme de sérénité et de manière non prosélyte (son "Dieu soit loué" ou quelque chose dans le genre en discutant avec Rodrigues est-il un réflexe de langage ou bien le signe d'une conviction profonde?). Je crois que j’ai pas encore fini de digérer le film, mais il y a une grande richesse de lecture. Le personnage Kichijiro est également bien vu sur cet aspect, étant tour à tour misérable, persécuté, sauvé, judas, manipulé par les bourreaux…

Par contre comme Art Core, j’ai du mal avec la dédicace finale (au moins à la comprendre), qui semble appuyer sur les persécutions alors que le film avait réussi à trouver un équilibre plus intéressant.

4,5/6


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MessagePosté: 02 Mar 2017, 19:09 
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Inscription: 24 Nov 2007, 21:02
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Localisation: In the Oniric Quest of the Unknown Kadath
Je crois que la parole de Neeson c'est "notre seigneur".

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CroqAnimement votre


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MessagePosté: 02 Mar 2017, 19:36 
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Inscription: 01 Fév 2016, 20:06
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Art Core a écrit:
Je crois que la parole de Neeson c'est "notre seigneur".


"Our lord", exact.


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MessagePosté: 02 Mar 2017, 19:40 
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Inscription: 30 Sep 2016, 19:39
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Fais-tu partie des gens qui soient choqués que le film soit tourné en anglais? N'ayant pas vu le film, sur le principe, ça ne me choque pas plus que ça.

Je repensais juste nostalgiquement à mon adolescence où j'ai essayé de croire que Scorsese était un grand réalisateur et où j'étais catho. Ce projet faisait fantasmer ma petite âme d'ado à donf.
Quelle tristesse.
Maintenant je regarde le dernier Kore-Eda où il donne sa version de Chandler (mélangé avec Ozu), le film n'a pas beaucoup d'intérêt mais il est beau quand même - problème que j'ai avec un certain pan du cinéma japonais qui se signale par sa discrétion.


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MessagePosté: 02 Mar 2017, 20:05 
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Inscription: 01 Fév 2016, 20:06
Messages: 8692
bmntmp a écrit:
Fais-tu partie des gens qui soient choqués que le film soit tourné en anglais? N'ayant pas vu le film, sur le principe, ça ne me choque pas plus que ça.


Un exemple catastrophique à ce niveau est Enfant 44, qui fait parler les protagonistes principaux en anglais (avec un accès russe il me semble? et quelques mots de type tovarich histoire de bien faire dans le subtile) et les quidam en russe, ce qui donne un côté bancal pourrave (tous les persos étant soviétiques).

Ici, à part quelque mot en portugais (paraíso pour paradis) qui ne se justifient pas trop (et encore, on pourrait dire que la dose homéopathique vise à bien rappeler que les prêtres étaient portugais, par petites touches, sans parasiter la cohérence), il n'y a pas de quoi être choqué (à partir du moment où Scorsese a décidé de tourner en anglais et en japonais), tout comme pour un film de vikings qui serait en anglais. L'histoire n'est pas réécrite pour en faire des prêtres anglophones, et la barrière de la langue japonais / étrangers est réaliste, donc pas de réel souci pour moi (en plus les portugais sont 3 ou 4 dans le film, et quasi exclusivement au Japon... l'histoire auraient pu être sur des français et tourné en anglais que ça ne m'aurait pas plus choqué je pense). Voilà voilà.


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MessagePosté: 05 Mar 2017, 09:51 
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tape dans ses mains sur La Compagnie créole
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Inscription: 28 Juil 2005, 10:08
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Localisation: 26, Rue du Labrador, Bruxelles
Enfin vu. Pas déçu!
Je me retrouve complètement dans l'avis de Freak.
La première heure est belle et prenante, la deuxième fait littéralement du surplace (et faut bien avouer qu'on trouve le temps long, un quart d'heure de raboté n'aurait pas été du luxe), puis viennent les "fameuses" 40 dernières minutes, passionnantes et sublimes jusqu'au plan final.
J'ai kiffé l'ambiance du film (et sa splendeur esthétique), sa gestion du son, et surtout sa réflexion, riche, pertinente et passionnante, sur la foi, sur l'évangélisation, sur la religion en général... Sans être un chef-d'oeuvre, c'est incontestablement un grand film sur le sujet.
Garfield, tant décrié, ne m'a pas du tout gêné. Tout le cast est impeccable.

On était deux dans la salle.
Superbe film, excellente séance.

5/6

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Ed Wood:"What do you know? Haven't you heard of suspension of disbelief?"


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MessagePosté: 05 Mar 2017, 14:18 
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Robot in Disguise
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Inscription: 13 Juil 2005, 09:00
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Arnotte a écrit:
sublimes jusqu'au plan final.

Je suis le seul que ça choque
une caméra qui traverse une paroi dans un Scorsese, qui plus est d'époque ? Déjà que certains sont choqués par la hanse dans PANIC ROOM...

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Liam Engle: réalisateur et scénariste
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MessagePosté: 05 Mar 2017, 14:22 
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tape dans ses mains sur La Compagnie créole
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Inscription: 28 Juil 2005, 10:08
Messages: 22723
Localisation: 26, Rue du Labrador, Bruxelles
Disons que c'est pas ce que j'aurais fait moi :) (un cut et on airait parfaitement compris) mais ça ne m'a pas "choqué", non.

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MessagePosté: 06 Mar 2017, 06:37 
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Inscription: 19 Fév 2010, 10:06
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Qui-Gon Jinn a écrit:
Arnotte a écrit:
sublimes jusqu'au plan final.

Je suis le seul que ça choque
une caméra qui traverse une paroi dans un Scorsese, qui plus est d'époque ? Déjà que certains sont choqués par la hanse dans PANIC ROOM...

l'anse

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MessagePosté: 07 Mar 2018, 23:58 
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Inscription: 16 Aoû 2012, 12:19
Messages: 1663
Qui-Gon Jinn a écrit:
Arnotte a écrit:
sublimes jusqu'au plan final.

Je suis le seul que ça choque
une caméra qui traverse une paroi dans un Scorsese, qui plus est d'époque ? Déjà que certains sont choqués par la hanse dans PANIC ROOM...

Je le trouve justement très adapté (et beau, et cinématographique).

Sinon je n'ai pas grand chose à ajouter. J'aime beaucoup ce que ça dit sur la duplicité du christianisme, de sa politique, et de son rapport au monde extérieur.

Propos assez universel et encore d'actualité en fait.


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