Forum de FilmDeCulte

Le forum cinéma le plus méchant du net...
Nous sommes le 18 Déc 2024, 09:06

Heures au format UTC + 1 heure




Poster un nouveau sujet Répondre au sujet  [ 49 messages ]  Aller à la page 1, 2, 3, 4  Suivante
Auteur Message
MessagePosté: 13 Jan 2017, 00:31 
Hors ligne
Meilleur Foruméen
Avatar de l’utilisateur

Inscription: 25 Nov 2005, 00:46
Messages: 87031
Localisation: Fortress of Précarité
Image

Pfooo.

Rares sont les films dont je me suis dit en sortant de la salle que j'allais avoir du mal à mettre des mots dessus.
Heureusement qu'un concours de circonstances m'a tenu éloigné de mon ordi toute la journée, cela m'aura permis de cogiter avant d'essayer de poster un avis et si le projet du film m'apparaît limpide désormais, l'oeuvre, sans doute la plus audacieuse et différente de Scorsese depuis 15 (Gangs of New York) ou 20 ans (Kundun), ne m'a pas semblé se livrer facilement dans un premier temps.

Silence est aussi riche dans son étude de la foi que son titre l'est en niveaux de lectures.

À la conférence de presse, on a eu droit à une inévitable question un peu bête de la part d'un gars qui dit qu'il s'agissait formellement du film "le moins scorsesien" de son auteur. Voilà ce qui se passe quand on a pas beaucoup de culture.
Dès le tout premier plan, Silence est très beau - ça reste un film avec une photo de Rodrigo Prieto et des décors de Dante Ferreti - mais marque effectivement le retour de Scorsese à un style de film plus austère que ses derniers. Le mec enchaîne Le Loup de Wall Street, dont la structure et le rythme sont cuits à la perfection dans le moule déjà vu des Affranchis et Casino, avec un film qui renvoie à l'aridité de La Dernière tentation du Christ. Une fois de plus après ce dernier, ainsi que Kundun, Scorsese troque le territoire urbain qui définit tant son cinéma - de Mean Streets à Le Loup de Wall Street, la rue est omniprésente dans la filmographie du cinéaste - pour des contrées désertiques, comme si le chemin de croix de ses protagonistes croyants, qu'il s'agisse de Jésus ou du Dalai Lama, ne pouvait se faire qu'au travers d'un tel décor, représentation visuelle de la privation, de l'absence de réponses. Du silence.

Il est dit dans le film que le christianisme ne peut pas prendre au Japon car c'est un pays marécageux où rien ne peut pousser et si Scorsese travaille la texture de ses images avec ces plongées divines sur l'eau ou l'herbe balayées par le vent, ce n'est jamais pour sublimer la nature mais pour en épouser le caractère imposant. Des grottes hantées sur les plages de sable noir jusqu'à la marée crucifiant inlassablement les victimes de la persécution, Silence propose un voyage au cœur des ténèbres, avec le Père Ferreira (Liam Neeson) en lieu et place de Kurtz, et donc en réalité un séjour introspectif dont le paysage n'est autre que l'illustration. Chaque fois qu'intervient le doute, arrive la brume.

Par sa durée et par son Scope, Silence témoigne d'une indéniable ampleur mais ce n'est pas 2h41 de vistas incroyables, aussi esthétiques que peuvent être les cruelles scènes de torture, c'est 2h41 de Jésuites enfermés qui ne font pas grand chose à part se poser des questions sur la conduite à adopter et à parler à un Dieu qui reste muet.
Durant tout le deuxième acte, sans doute le plus répétitif, le temps peut paraître long mais cette prise de temps est nécessaire pour montrer le supplice, celui vécu par les chrétiens japonais mais aussi celui de Rodrigues (Andrew Garfield) dans son exhaustivité. Malgré cela, la démarche n'est jamais complaisante. Silence c'est l'anti-La Passion du Christ (d'ailleurs, entre le Gibson et le Scorsese, les convictions religieuses d'Andrew Garfield ne sont plus un mystère). Zéro emphase, zéro musique. Le silence.

Un silence qui est donc celui de Dieu, muet face aux questions du dévot, mais également celui dudit dévot, lorsqu'il comprend enfin que la foi ne dépend pas d'icônes ou de totems.
Peut-être encore plus que dans l'arc du personnage principal, ce propos se retrouve symbolisé par le sublime personnage de Kichijiro (Yōsuke Kubozuka), d'abord vu comme un lâche alors qu'il s'agit peut-être de celui qui a tout compris, caractérisant à lui seul la particularité à la fois charitable et hypocrite de la notion de confession et de pardon propre au catholicisme.
Avant Rodrigues, Kichijiro a compris qu'il fallait abandonner son orgueil, un péché capital après tout. Le plan-clé du film, c'est celui où Rodrigues voit le visage de Jésus dans son propre reflet narcissique et éclate de rire. S'il se voit un temps en martyr similaire, ce n'est que plus tard qu'il comprend que la foi est quelque chose d'intérieur. Elle est en lui.
Et d'ailleurs, quand il finit par entendre la voix de Jésus, j'ai cru reconnaître la voix de Ciaran Hinds, aperçu au tout début du film, et j'en ai eu la confirmation après dans un article. Choix qui en dit long.

Dès le départ, la mise en scène évoque la question du point de vue, triplant la voix off comme dans ses films de gangsters, brisant délibérément la faute des 30 degrés dans un raccord lors d'un champ-contre-champ entre trois personnages pour passer du point de vue de Rodrigues à celui de Garupe (Adam Driver). Tout au long du film, ces points de vue vont se confronter, sur l'attitude à adopter, sur les préceptes à enseigner, pour être un bon chrétien.

Et ainsi s'exprime le point de vue de Scorsese, remettant en question la religion en ne limitant pas la spiritualité aux normes imposés par l'Église.
Et si la foi se vit en silence, cela signifie aussi qu'elle se vit sans prosélytisme. Au départ, on croit que le film ne va pas évoquer le péché originel des chrétiens parti convertir une autre culture à leur croyance mais au fur et à mesure, les japonais ne sont plus diabolisés mais justifiés. Le film renvoie face à face le colonialisme européen et l'inquisition japonaise et le constat est le même dans un sens comme dans l'autre, résidant dans le dicton local cité dans le film : "Les montagnes et les rivières peuvent être bougées mais pas la nature de l'Homme". Tu peux essayer de convertir un peuple et tu peux essayer de pousser un croyant à renier sa foi mais l'entreprise est vouée à l'échec.

Même en tant qu'athée, ou peut-être justement parce que le suis, j'ai trouvé Silence d'une densité et d'une beauté humaine vraiment puissante.

_________________
Image


Haut
 Profil  
 
MessagePosté: 13 Jan 2017, 01:48 
Hors ligne
Expert
Avatar de l’utilisateur

Inscription: 25 Déc 2008, 02:29
Messages: 14042
Tu t'es sorti les doigts©.

©Film Freak


Haut
 Profil  
 
MessagePosté: 13 Jan 2017, 01:54 
Hors ligne
Putain, sérieux mec
Avatar de l’utilisateur

Inscription: 24 Juin 2009, 12:09
Messages: 5651
Film Freak a écrit:

Dès le départ, la mise en scène évoque la question du point de vue, triplant la voix off comme dans ses films de gangsters, brisant délibérément la faute des 30 degrés dans un raccord lors d'un champ-contre-champ entre trois personnages pour passer du point de vue de Rodrigues à celui de Garupe (Adam Driver). Tout au long du film, ces points de vue vont se confronter, sur l'attitude à adopter, sur les préceptes à enseigner, pour être un bon chrétien.



Oui, c'était génial ça sur la séquence où on les voit la première fois.

Ca m'a rappelé sur le coup le plan de début de Bridge of Spies (dont Scorses a dit être admiratif lors d'une conf avec Spielberg).

_________________
Image


Haut
 Profil  
 
MessagePosté: 13 Jan 2017, 08:52 
Hors ligne
Expert
Avatar de l’utilisateur

Inscription: 30 Mar 2012, 13:20
Messages: 11302
Ta critique donne envie tout en me faisant craindre un film chiant.

Pas de parallèle avec Mission ? Moins démonstratif, je présume.


Haut
 Profil  
 
MessagePosté: 13 Jan 2017, 08:55 
Hors ligne
Meilleur Foruméen
Avatar de l’utilisateur

Inscription: 25 Nov 2005, 00:46
Messages: 87031
Localisation: Fortress of Précarité
Pas vu Mission.

Je pense que beaucoup de gens risquent de se faire chier, oui.

_________________
Image


Haut
 Profil  
 
MessagePosté: 13 Jan 2017, 09:48 
Hors ligne
Expert
Avatar de l’utilisateur

Inscription: 30 Mar 2012, 13:20
Messages: 11302
C'est clairement évoqué dans plusieurs critiques internationales ( trop long, trop lent reviennent souvent) ou même dans les plutôt positives comme celle du New Yorker ( film imparfait ne démarrant qu'après 2 heures)


Haut
 Profil  
 
MessagePosté: 13 Jan 2017, 10:03 
Hors ligne
Expert
Avatar de l’utilisateur

Inscription: 24 Nov 2007, 21:02
Messages: 28508
Localisation: In the Oniric Quest of the Unknown Kadath
Impatience folle.

_________________
CroqAnimement votre


Haut
 Profil  
 
MessagePosté: 13 Jan 2017, 10:07 
Hors ligne
Meilleur Foruméen
Avatar de l’utilisateur

Inscription: 25 Nov 2005, 00:46
Messages: 87031
Localisation: Fortress of Précarité
Mr Degryse a écrit:
( film imparfait ne démarrant qu'après 2 heures)

Oui alors faut ne rien comprendre au film et au principe de storytelling pour dire ça.

_________________
Image


Haut
 Profil  
 
MessagePosté: 13 Jan 2017, 11:05 
Hors ligne
tape dans ses mains sur La Compagnie créole
Avatar de l’utilisateur

Inscription: 28 Juil 2005, 10:08
Messages: 22783
Localisation: 26, Rue du Labrador, Bruxelles
Art Core a écrit:
Impatience folle.

Oui ça monte là. Je le vois le 20!

_________________
Ed Wood:"What do you know? Haven't you heard of suspension of disbelief?"


Haut
 Profil  
 
MessagePosté: 13 Jan 2017, 11:07 
Hors ligne
Expert
Avatar de l’utilisateur

Inscription: 30 Mar 2012, 13:20
Messages: 11302
Citation:
Oui alors faut ne rien comprendre au film et au principe de storytelling pour dire ça.


Possible pas encore vu.


Haut
 Profil  
 
MessagePosté: 13 Jan 2017, 11:17 
Hors ligne
Antichrist
Avatar de l’utilisateur

Inscription: 04 Juil 2005, 21:36
Messages: 24038
La réponse de l'école jésuite à la proposition évangeliste de Terrence Malick.

5/6 film très fort, je trouve le deuxième acte trop long, j'ai un peu de mal avec Andrew Garfield. Mais le décrochage narratif de la dernière demi-heure m'a soulevé de mon fauteuil et le film devient alors limpide et d'une force.


Haut
 Profil  
 
MessagePosté: 13 Jan 2017, 11:24 
Hors ligne
Expert
Avatar de l’utilisateur

Inscription: 30 Mar 2012, 13:20
Messages: 11302
Citation:
j'ai un peu de mal avec Andrew Garfield.


C'est aussi ce qui revient assez souvent

Camilla Long du Sunday times :

“What is this film actually about? If there is an actor who can persuade me that stamping on an image of Christ is a moment of thrilling drama, it is not Garfield ... "


Cela reste le film de 2017 que j'attends le plus


Haut
 Profil  
 
MessagePosté: 13 Jan 2017, 11:29 
Hors ligne
tape dans ses mains sur La Compagnie créole
Avatar de l’utilisateur

Inscription: 28 Juil 2005, 10:08
Messages: 22783
Localisation: 26, Rue du Labrador, Bruxelles
Karloff a écrit:
le décrochage narratif de la dernière demi-heure

Ouuuuh tu me prends par les sentiments toi..

_________________
Ed Wood:"What do you know? Haven't you heard of suspension of disbelief?"


Haut
 Profil  
 
MessagePosté: 13 Jan 2017, 11:38 
Hors ligne
Expert
Avatar de l’utilisateur

Inscription: 24 Nov 2007, 21:02
Messages: 28508
Localisation: In the Oniric Quest of the Unknown Kadath
Pas d'AP prévu sur Paris pour l'instant :(.

_________________
CroqAnimement votre


Haut
 Profil  
 
MessagePosté: 13 Jan 2017, 12:41 
Hors ligne
Expert
Avatar de l’utilisateur

Inscription: 20 Fév 2008, 19:19
Messages: 9937
Localisation: Ile-de-France
Citation:
À la conférence de presse, on a eu droit à une inévitable question un peu bête de la part d'un gars qui dit qu'il s'agissait formellement du film "le moins scorsesien" de son auteur. Voilà ce qui se passe quand on a pas beaucoup de culture.


Ce mépris :lol:


Haut
 Profil  
 
Afficher les messages postés depuis:  Trier par  
Poster un nouveau sujet Répondre au sujet  [ 49 messages ]  Aller à la page 1, 2, 3, 4  Suivante

Heures au format UTC + 1 heure


Articles en relation
 Sujets   Auteur   Réponses   Vus   Dernier message 
Aucun nouveau message non-lu dans ce sujet. Aviator (Martin Scorsese - 2004)

[ Aller à la pageAller à la page: 1, 2, 3, 4 ]

Zad

49

7708

18 Fév 2010, 00:47

Film Freak Voir le dernier message

Aucun nouveau message non-lu dans ce sujet. The Last Waltz (Martin Scorsese - 1978)

Qui-Gon Jinn

0

1648

22 Sep 2007, 13:07

Qui-Gon Jinn Voir le dernier message

Aucun nouveau message non-lu dans ce sujet. The Age of Innocence (Martin Scorsese - 1993)

[ Aller à la pageAller à la page: 1, 2, 3 ]

Noony

30

3483

09 Sep 2023, 11:04

Vieux-Gontrand Voir le dernier message

Aucun nouveau message non-lu dans ce sujet. Les Affranchis (Martin Scorsese - 1990)

[ Aller à la pageAller à la page: 1, 2 ]

Blissfully

25

4995

03 Sep 2023, 19:41

Mickey Willis Voir le dernier message

Aucun nouveau message non-lu dans ce sujet. Alice n'est plus ici (Martin Scorsese - 1974)

Blissfully

5

2202

20 Aoû 2023, 09:00

Paprika Voir le dernier message

Aucun nouveau message non-lu dans ce sujet. Mean Streets (Martin Scorsese, 1973)

Film Freak

13

1710

19 Aoû 2023, 20:59

Mickey Willis Voir le dernier message

Aucun nouveau message non-lu dans ce sujet. The Departed (Martin Scorsese, 2006)

[ Aller à la pageAller à la page: 1 ... 19, 20, 21 ]

Film Freak

305

29404

15 Oct 2022, 12:15

Baptiste Voir le dernier message

Aucun nouveau message non-lu dans ce sujet. Kundun (Martin Scorsese - 1997)

F-des-Bois

10

2275

23 Mai 2010, 23:09

Kurtz Voir le dernier message

Aucun nouveau message non-lu dans ce sujet. After Hours (Martin Scorsese, 1985)

[ Aller à la pageAller à la page: 1, 2 ]

Film Freak

27

4283

14 Fév 2024, 15:43

Art Core Voir le dernier message

Aucun nouveau message non-lu dans ce sujet. The Irishman (Martin Scorsese, 2019)

[ Aller à la pageAller à la page: 1 ... 8, 9, 10 ]

Film Freak

140

9826

14 Oct 2023, 18:04

Mickey Willis Voir le dernier message

 


Qui est en ligne

Utilisateurs parcourant ce forum: Aucun utilisateur enregistré et 4 invités


Vous ne pouvez pas poster de nouveaux sujets
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets
Vous ne pouvez pas éditer vos messages
Vous ne pouvez pas supprimer vos messages

Rechercher:
Aller à:  
Powered by phpBB® Forum Software © phpBB Group
Traduction par: phpBB-fr.com
phpBB SEO
Hébergement mutualisé : Avenue Du Web