FingersCrossed a écrit:
il y a dans un premier temps ce que les copains ont signalé et qui m'a gêné aussi : ces enquêtes éparses, qui ne se relient pas
Quelles enquêtes éparses ? Il n'y en a que deux : des fillettes disparues qui sont rapidement retrouvées / le féminicide.
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genre littéralement y a des personnages à qui on dit au revoir sans le savoir à 45 minutes de film ?
Moi j'adore, ça ! Justement, ça participe au fait d'être cueilli au Napoléon. On est quasi sûr de les retrouver, pas vrai ? On a envie de les revoir, ils sont tellement sympathiques ! Sauf que Samuel se retrouve isolé, sans plus personne sur qui compter. Rattrapé par son enquête, par le thriller. Le pire aurait été de les solliciter pour s'en sortir en équipe... Appeler Christian ? Il est à l'autre bout de la France. Aubin ? Il est à Paris. Solveig n'est pas loin ? Mais elle est avec sa fille.
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c'est vrai que ça donne un aspect pilote de série. après, soyons francs : c'est pas du tout invraisemblable que ça donne une série. france 2, canal, netflix, ça peut être diffusé sur les 3. et ce serait un très bon concept, une grande enquête la durée de la saison et des petites affaires individuelles en plus par épisode.
Si l'occasion se présente, j'en serais ravi ! Une idée que j'aime bien, c'est qu'à force de courir après le fait divers, tu risques d'en devenir un, d'en faire partie.
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j'aime les faits divers, j'aime la presse, et tout ça m'a paru un peu hors-sol.
Ah ? Je pense avoir été au contraire très pragmatique. Tout est presque décevant, tellement leur rédaction est petite, leur journal un peu minable, leurs efforts totalement vains. En revanche, ce que je trouve intéressant, c'est de voir qu'en dépit de leur cynisme, ils s'attachent à leurs affaires, leurs témoins, leurs victimes. Et parfois même à leurs coupables. Parce qu'ils les rencontrent en tête à tête, boivent le café chez eux, parcourent leur jardin, respirent leurs odeurs.
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il m'est arrivé de lire le nouveau detective pour en savoir plus sur des histoires qui m'intéressaient, et j'avais été choqué de voir qu'ils ne produisent aucune info : c'est juste une revue de presse version trashouille de ce qui était paru dans le parisien les jours d'avant.
Sur les grandes affaires peut-être, et encore. Mais il y a toutes les autres, qui sont factuellement justes. Au contraire, ils ont un côté brut à foutre un PV d'audition tel quel, le verbatim tel quel, sans prendre la peine de lisser pour le spectateur. Tout ce que les autres journaux tentent de suggérer, eux ils y vont cash. Moi c'est l'effet que ça m'a fait, en le lisant toute une année durant. Quand Samuel dit "si c'est vrai, on imprime", tu sens un peu l'inconscience de livrer les choses brutes au lecteur, sans se préoccuper du choc que ça peut leur procurer (voire en espérant même le choc que ça va procurer).
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et ça correspond globalement à la chute dramatique des financements de la presse, tout le monde a réduit au max les notes de frais, les budgets, tout le monde recycle ce qui peut se choper depuis paris. alors c'est évacué vite fait avec la réplique sur le fait que maman va réduire les notes de frais, mais il n'en demeure pas moins que cette vision quasi adolescente du métier de rêve qu'est le journalisme - redresseur de torts, équivalents de flics mais sans hiérarchie, consistant à parcourir la france et le monde aux frais de la princesse en ayant comme seule pression de résoudre le crime à la fin de la semaine, ce qu'ils font ! - m'a paru renoncé volontairement à dire des choses qu'il y a pourtant à dire sur l'époque. les journalistes sont indispensables, y compris pour ce genre de choses, et on est dans une crise lourde du journalisme.
Je le mentionne là, mais c'est pas mon sujet. Evidemment, c'était plus précis et placé à différents endroits du récit, mais j'ai resserré au montage sur le conseil des producteurs. Parce qu'ils s'en battent la race, et qu'ils partent du principe que le spectateur aussi. Là où je les rejoins, c'est qu'on sait tous que la presse papier est déclinante, et que c'est le chant du signe. Y a qu'à voir la gueule de Darroussin. Y a un décalage monstre avec la façon dont on s'informe, nous tous. Qu'ils ergotent entre eux, ça passe, mais en faire plus, ça me paraît périlleux. Et trop démonstratif. Pour moi, quand Maman dit que Paris Match est devant eux sur les tirages, et que juste derrière, c'est Le journal de Mickey, t'as un peu tout dit.
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et la même chose vaut pour les faits divers en général, et l'affaire en particulier. on est à un moment un peu spécial et intéressant : ils sont extrêmement présents, ont un impact puissants sur le débat public, et en même temps font l’objet d'une politisation extreme. il y a les faits divers de droite, les faits divers de gauche. ceux dont on nie mordicus toute vérité collective, ceux dont on l'exacerbe jusqu'au grotesque. il y a une impossibilité de juste analyser les faits pour comprendre les tendances et les combattre, parce que les faits pourraient induire une vision de la société qui ne plait pas aux uns ou aux autres.
Darroussin l'évoquait clairement dans le discussion avec Ava ; il faisait l'état des lieux du fait divers. Sauf que ça n'intéressait pas grand monde... J'ai tenté d'en parler, mais c'était du verbe, et à un moment donné, le film réclamait de basculer avec Samuel pour avancer concrètement dans le film.
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en l'occurence, pour revenir au sujet, quelles sont les tendances qu'on observe sur ce genre de meurtres ? ce sont soit des ex, soit des marginaux / étrangers / oqtf. mais les crimes gratuits sur des inconnues par des natifs (style emile louis, fourniret, les viols de la sambre...) ont quasiment disparu. peut y avoir plusieurs hypothèses : meilleure prise en charge psy tout au long de la vie ou dès les premières affaires, ils se font arrêter très tôt et donc n'ont pas l'occasion de devenir de vrais criminels, ou simplement le fait que maintenant on sait qu'entre l'adn, les caméras de surveillance et les bornages c'est quasi mission impossible de faire ça sans se faire prendre - ce que ne savent pas les étrangers qui ont grandi dans un toute autre système.
donc du coup, l'enquête et l'affaire ne m'ont pas plu. forcément, les bases font penser à la nuit du 12 : c'est injuste mais c'est inévitable et ça abîme. et ensuite, que l'enquête évacue instantanément les différentes possibilités et les réalités actuelles, pour s'orienter hyper rapidement sur la piste du crime frère (j'ai trouvé que ça faisait enquête de france 2 ce truc évident qui ressort direct), et pour finir par des bandes de masculinistes blancs, c'est à dire vraiment les diables que delphine arnotte adore... comme pour l'aspect journaliste, j'ai trouvé ça bizarrement hors-sol, alors que justement les faits divers aident à comprendre la société mais enfin à condition de regarder les choses en face.
Beaucoup de choses que t'évoques pourraient/devraient être abordées au format série, mais dans un seul film, qui plus est de divertissement, c'est ultra tendax. Et trop exhaustif.
Pour la partie féminicide / mascu, là par contre, désolé mais c'est loin d'être hors sol. Si tu sors de l'équation "mari / petit ami", et si tu veux éviter le tueur en série, la seule option qui reste, c'est celle-ci. Et elle est très actuelle, très ancrée.
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que ce soit inspiré d'une histoire vieille de 25 ans, ce que je ne savais pas, m'aide à comprendre mon impression et mon reproche. le film est contemporain mais se déroule, concrètement, il y a 25 ans
Pas du tout ! Y a 25 ans, la dynamique de la CB (le refuge dans l'analogique pour fuir le numérique) n'aurait eu aucun sens. Le survivalisme non plus. Le masculinisme encore moins.
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le journalisme d'il y a 25 ans, les meurtres atroces d'il y a 25 ans.
Le journalisme d'il y a 25 ans, c'était précisément des enquêtes au long cours. Quant aux meurtres d'il y a 25 ans, là je ne vois vraiment pas de quoi tu parles...