daniel auteuil : « avec
le fil, je crois avoir tué le film de boomer pour france 2. je suis allé au bout de l’exercice, on ne pourra pas aller plus loin. »
francois ozon : « hold my beer ».
c’est vraiment fascinant, quand même. je pense que c’est le réalisateur français actif à la carrière la plus impressionnante. il a une intelligence stratégique foudroyante, il maitrise et connait parfaitement le marché, il sait quoi faire et quand pour se faire plaisir, tenter le coup, ou faire un truc safe, donner au marché ce qu’il veut, satisfaire les profs à la retraite qui forment l’essentiel de son public. et en même temps, le résultat ne sent pas le cynisme. on ne sent même pas la censure ou les pressions des commissions ou des partenaires, il semble en permanence avoir integré toutes les contraintes et exigences et naviguer dedans de manière lucide et apaisée : s'y plier est un exercice, point. il réalise un film par an depuis 25 ans donc il est manifestement tout à fait conscient qu’un film de plus ne changera pas sa vie ni celle de qui que ce soit, et tout ça dans assez de genres différents pour qu’on sente que ce sont surtout des exercices pour lui, il s’y emploie avec application, plaisir, sans passion.
ici donc c’est vraiment le film français de vieux pur et dur. incroyable vraiment, à quel point c’est conçu pour son public. il m’a fait penser à kylie minogue qui met des danseurs en slip dans ses concerts : elle sait qui est son public, ce qu’il veut, et est tout à fait déterminée à lui apporter. là, quand je voyais hélène vincent dans sa jolie petite maison de vieille, en train de faire son jardin, en train de lire son livre, s’occuper avec joie de son petit fils, la mise en valeur de ces vies-là (couplé au bashing de sa fille, parisienne stressée accro à son portable et qui réclame du fric…), je regardais la marée de têtes blanches dans la salle et je me disais : mais pour eux c’est du porn. le rythme est affolant, il se passe un vague truc toutes les 25 minutes - les films siestes-friendly c'est un délire franchement -, c’est construit sur les « non-dits », ce qui est bien commode pour faire passer un vague sous-entendu pour un rebondissement fracassant.
tout ça est à peine un film. il cite simenon mais he wishes hein. un spectateur amène fera le rapprochement avec chabrol toute dernière période à la grande limite, quelqu'un de plus désagréable dira que c’est un roman de 250 pages de tatiana de rosnay. après c’est sympa de faire du cinéma, on voit du monde, des gens intéressants, ça paye bien, petite aventure de 2 mois et tout. faut se cogner l'avis de pas mal de gens un peu débiles pendant le montage mais bon quand on sait les prendre ça se rode. et puis c’est pas crevant : tout le film est en plan moyen, un nombre vertigineux de plans à base de « hélène va dans la cuisine et regarde dans le four si la quiche est cuite », ça ne devait pas faire des journées ultra stimulantes. si quiconque à fini en burn out à l’issue du tournage faut changer de métier.
est-ce à dire que j’ai détesté ? même pas. j’ai bien aimé l’histoire. je trouve très chouette de se focaliser sur cet âge, plus de 80, avec l’idée que des choses essentielles s’y construisent, l’idée que derrière un petit vieux se cache toujours une vie plus complexe que ce que la figure de la créature inoffensive et vulnérable laisse supposer. le rythme était reposant. hélène vincent était chouette. j’ai adoré le trio ludivine sagnier - sophie guillemain - malik zidi. les petits détails ‘kinkys’ de l’affaire, fantômes du françois des débuts, étaient sympas. rien n’était activement mauvais ou désagréable. le titre est très bon.
je m’en voudrais de passer plus de temps à écrire ça que françois n’en a pris à écrire son scénario donc je vais m’arrêter là, mais c’est mignon ce petit compagnonnage : françois, son public de boomers, puis de mon mari et moi, plus personne n’est bouleversé par quoi que ce soit mais c’est un petit rendez-vous récurrent, pas désagréable, il n’y a plus la passion des débuts mais on s’entend toujours bien malgré tout.