Je reprends une dernière fois, avec pédagogie et par charité.
Ton message donc, qui fait suite à une discussion sur les mégabassines, la souveraineté alimentaire, et l'agriculture mondialisée.
Citation:
Tu crois que la guerre en Ukraine, c'est un combat pour la democratie d'un côté et pour la grandeur de la Sainte Russie de l'autre ? C'est une guerre pour les terres agricoles, qui étaient (et continuent) à être préemptées par de grandes sociétés agricoles, dont des françaises ? Et que si la Russie n'a pas rasé le pays, ce n'est pas parce que son armée est nulle ou pour des raisons humanitaires mais parce que l'agriculture ukrainienne doit absolument continuer à tourner pour que les famines n'explosent pas un peu partout dans le monde ? Et que c'est d'ailleurs un des rares points sur lequel des accords sont trouvés, sinon la Russie ne se retrouverait pas seulement au ban des nations occidentales mais du monde entier ?
Franchement, c’est ridicule d’être pareillement catégorique puis de dire on verra dans dix ans dans la foulée… La guerre n’a pas vraiment de sens d’un point de vue économique mais bon, elle était censée durer quelques jours à peine et se passer avec les mêmes aménités que près de dix ans plus tôt en Crimée. Il me semble peu probable que les USA soutiennent militairement en 2022 l’Ukraine pour que celle-ci puisse vendre son blé en Afrique.
On reprend quand même phrase par phrase :
Tu crois que la guerre en Ukraine, c'est un combat pour la democratie d'un côté et pour la grandeur de la Sainte Russie de l'autre ?Je n'ai pas dit ça. Mais d'aucuns qui se battent en Ukraine disent que c'est, entre autres, ce dont il s'agit. Poutine, qui au fil des mois a pu avancer de multiples raisons, a fini par dire à Tucker Carlson que c'était pour restorer la Grande Russie d'antan. Alors si ce n'est pas le gouvernement nazi de Kiev, la persécution des populations russophones, l'éradication de la langue russe (faux) les biolabs américains à la frontière, la proximité dangereuse de l'OTAN, ou la restauration de l'Empire Russe, toutes raisons avancées par Poutine et son régime, la principale raison est sans doute tue : et c'est le contrôle des riches terres noires ukrainiennes (dont la Russie est par ailleurs largement pourvues).
C'est une guerre pour les terres agricoles, qui étaient (et continuent) à être préemptées par de grandes sociétés agricoles, dont des françaises ?On y est. Je ne reviendrai pas sur l’usage, malheureux de ton propre aveu, du terme préempter. Que signifie, ou plutôt que sous-entend, cette phrase ? La Russie ferait donc secrètement la guerre pour le contrôle de ces terres agricoles ? Et le soutien occidental à l’Ukraine s’explique par la volonté d’en conserver l’usufruit (ou plutôt que quelques sociétés agricoles, dont françaises, en conservent l'usufruit) ? Ok pourquoi pas la théorie est posée.
Et que si la Russie n'a pas rasé le pays, ce n'est pas parce que son armée est nulle ou pour des raisons humanitaires mais parce que l'agriculture ukrainienne doit absolument continuer à tourner pour que les famines n'explosent pas un peu partout dans le monde ?Phrase contradictoire, la Russie n'a pas vitrifié l'Ukraine non pas pour des raisons humanitaires, mais pour éviter que des famines aient lieu un peu partout dans le monde (pour la contradiction, je vois la très subtile distinction que tu fais entre les belligérants - ce n'est pas par bonté d'âme envers les Ukrainiens que Poutine ne rase pas l'Ukraine - mais c'est par bonté d'âme envers les populations qui reçoivent le blé ukrainien qu'il ne l'a pas rasée - c'est magnifique).
Bon sinon l'impact de la guerre est bien entendu catastrophique : des kilomètres carrés de champs minés, retournés par des obus, un barrage explosé. Ai-je besoin par ailleurs besoin de te signaler que raser des champs vides n'a pas de sens (les miner un peu plus par exemple) ? Sinon l'Ukraine a redéployé une partie de son agriculture depuis, à l'abri des bombes russes - le retour en force des céréales ukrainiennes sur le marché avec les exemptions de droit de douane accordées par l'UE ont d'ailleurs mis un coup à la balance commerciale française et a provoqué la grogne des agriculteurs que l'on connaît.
Hypothèse de mon côté, si la Russie ne rase pas tout, c'est qu'elle s'exposerait sinon à d'autres réponses que des sanctions économiques et un soutien logistique à l'Ukraine.
Et que c'est d'ailleurs un des rares points sur lequel des accords sont trouvés, sinon la Russie ne se retrouverait pas seulement au ban des nations occidentales mais du monde entier ?Il n'y a pas de rapports entre tes phrases, mais j'essaie. Il y a eu un accord qui a duré un an jusqu'en juillet 2023 et où la Turquie a fait office de médiateur. 20 millions de tonnes de céréales, destinées à être acheminées par la Mer Noire, étaient bloquées à Odessa par la Russie et pourrissaient. La Russie a dans le même temps menacé de ne pas exporter son blé, jouant de peurs un peu semblables à celles qui agitaient les journaux européens sur l'approvisionnement en gaz. Entretemps elle a perdu le contrôle sur la Mer Noire. et a décidé de ne pas renouveler l'accord, ce qui n'empêche pas l'Ukraine d'exporter ses céréales. (La Russie a tout loisir d'exporter sa production agricole avec les pays qui le désirent par ailleurs).
En 2022, il y avait la crainte que le conflit puisse faire dégénérer en famine une situation alimentaire déjà précaire dans certains pays (à cause de la hausse des prix conjointe de l'énergie et des céréales). La catastrophe n’a semble-t-il pas eu lieu, ce qu'on peut constater de manière certaine, c'est que la Russie s'est servi de ces craintes pour faire du chantage. Doit-on en déduire qu'il s'agit principalement d'un conflit pour les terres agricoles ? Non, et ce que tu en dis n'est pas sérieux, même si cet aspect n'est pas inintéressant.
Cette focalisation sur les terres agricoles, tout en tenant un discours pro-agriculture non conventionnelle ne manque pas d'être paradoxal : on sait qu'on produit de la nourriture en quantité largement suffisante pour nourrir la population mondiale (c'est un grand argument des anti-productivistes) , et même bien davantage, l'agriculture est un secteur largement subventionné et peu lucratif (ainsi à Taïwan paraît-il on dédommage grassement les riziculteurs, qu'on fait passer derrière les microprocesseurs pour les besoins en eau). C'est un outil pour faire du chantage dans une économie mondialisée mais faut sans doute pas non plus en surestimer l'importance.
Je m'étonne également que tu puisses faire coexister dans ton esprit cette théorie et un point de vue très favorable à Poutine, ainsi que tu l'as montré à maintes reprises.