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Je ne sais pas s'il existe un film plus formellement sublime qui soit à ce point handicapé par une écriture relativement banale...et en même temps, je crois que c'est le projet?

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C'est tout de même incroyable de voir Coppola suivre son run fou sur près de 10 ans (Le Parrain, Conversation secrète, Le Parrain II, Apocalypse Now) avec un projet à la fois plus petit et potentiellement plus ambitieux encore. Enivré justement par son succès auprès de la critique, du public et de ses pairs (deux Oscars, deux Palmes, tranquille), il s'octroie un budget de 26 MILLIONS DE DOLLARS (à titre de comparaison, c'est plus cher que Les Aventuriers de l'arche perdue sorti la même année et presque aussi cher que son film de guerre) pour reconstruire un Las Vegas de carte postale dans les studios fraîchement acquis par sa boîte.

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Mais avec son format 1.37 inattendu, le film n'est pas du tout le musical hommage grandiose à la New York New York de son compatriote contemporain, même s'il partage un goût pour les décors assumés. Ce n'est même presque pas un musical, les chansons de Tom Waits étant extra-diégétiques bien qu'elles commentent l'action (c'est un film indien en fait). C'était ma première déconvenue : je ne suis pas du tout client du style de l'artiste et toutes les chansons se ressemblent, leur rythme jazzy-mollasson n'aidant pas l'adhésion à une trame un peu faible dans un premier temps.

Les Parrain et Apocalypse Now tiennent respectivement de la tragédie antique et et de l'opéra mais le regard de Coppola conservait tout de même une facture "réaliste" que One From The Heart abandonne complètement, au profit d'une approche quasi-expérimentale dans son exercice de style. C'est un peu comme si Coppola s'était dit "et si j'écrivais un bête drame en deux-pièces cuisine mais que je le mettais en scène comme une fantasmagorie friquée?".

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Dans cette optique, la caractérisation minime et archétypale du couple a du sens. Le cinéaste choisit délibérément un schéma réduit à sa substantifique moelle pour y imposer un traitement qui permettrait de le transcender. Mais on va pas se mentir, ça nuit sans doute un peu à l'empathie pour deux amants que l'on a jamais vraiment vu s'aimer.

Toutefois, j'ai été immédiatement séduit par le générique survolant des miniatures, à commencer par cette silhouette plantureuse de femme dessinée dans le sable, un peu comme un générique de James Bond fantasmerait Vegas, avec une esthétique au néon qui annonce la couleur (et putain, c'est comme ça qu'on photographie au néon, c'est vraiment pas la même vibe que les films récents, ici ça n'a rien de criard ou froid, c'est doux).

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Dès le départ donc, le film joue de son artificialité et de sa théâtralité, même quand il ne s'agit pas des lumières de la ville. La maison où vit le couple est filmée comme une scène où vont et viennent les personnages, parfois tous deux visibles à des points opposés du cadre mais jamais on ne saurait parler de théâtre filmé tant la mise en scène est habile, que ce soit dans sa composition pour les plans fixes ou bien dans ces longs mouvements qui suivent les déambulations des personnages.

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Ailleurs, Coppola met également à bon usage le fait de tourner en studio pour faire dialoguer deux décors différents lorsque le couple est séparé, faisant apparaître un appart en transparence d'un autre.

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L'ouvrage est plus musical dans sa forme en fait. Les images chantent, elles riment, le réalisateur utilisant toute la gamme de notes jusque dans les effets les plus kitsch, comme cette surimpression de silhouettes de visages au liseré de lumière.

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Et au milieu, il y a même (enfin) un vrai numéro musical.

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C'est vraiment beau tout le temps. Toujours stimulant dans le langage cinématographique.

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Je suis étonné parce que j'ai l'impression que le film n'a pas autant d'héritiers qu'il pourrait (go Todd Phillips).

Ça m'a fait penser à Eyes Wide Shut pour la trame générale (une dispute de couple déclenche une errance - ici, pas que du mec - voire une quête qui mène à l'infidélité avant les retrouvailles) et dès que ça sort de la maison, l'intrigue devient un peu plus agréable à suivre mais j'ai du mal à trouver cette fin de romcom (déclaration à l'aéroport inclus) cohérente.

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Cela dit, tu sens que Coppola réécrit son histoire avec Eleanor qui vient de mal se terminer et peut-être que, in fine, tout cet apparat factice ne fait que pointer du doigt vers la nature fantasmatique du film.

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Le titre français est aussi méta que le titre original en fait. Le titre original s'apparente à un commentaire du cinéaste sur son propre film tandis que le titre français pourrait désigner davantage le ressenti du spectateur pour un véritable geste de cinéma, aussi imparfait soit-il.

C'est un peu mon cas en tout cas.

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MessagePosté: 04 Avr 2024, 08:43 
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Je viens de lire la BD sur le tournage d'Apocalypse Now qu'on m'a offerte (BD moyenne mais ce qui est raconté est dingue). Très envie de voir le docu Hearts of Darkness et ce Coup de coeur qui était supposé représenter un peu un projet plus "simple" alors que la mégalomanie du mec est toujours totale.

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MessagePosté: 04 Avr 2024, 11:35 
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Pour info, j'hésitais entre regarder la version salles (107min) et le nouveau montage que Coppola a montré à Venise l'an dernier, sorti en Blu-ray 4K en mars (93min), mais les retours n'indiquaient pas une version supérieure alors j'ai pris la version précédente éditée en Blu-ray et il s'avère que c'était déjà un remontage (98min).

La version 93min reprend la plupart des changements de la version 98min mais réinstaure certaines choses de la version 107min.

Bref.

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MessagePosté: 08 Avr 2024, 08:52 
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Ah ouais la méga douche froide :|. Je ne connaissais du film que quelques images vues ici ou là, forcément très alléchantes, le concept du tournage (ce Las Vegas recréé intégralement dans un immense hangar) et évidemment le statut maudit du film. Le générique du début est pourtant une merveille absolue, ces panneaux lumineux sur lesquels s'affichent le nom des prestigieux techniciens avec une caméra virevoltante, ce désert factice où les dunes sont en forme de nus féminins, c'est superbe (vraiment au panthéon des plus beaux génériques d'ouverture de l'histoire du ciné). Mais très vite apparaît l'immense limite du film. Coppola n'a strictement rien à raconter. Quel scénario anémique c'est impressionnant. Une histoire d'amour lambda, on s'engueule, chacun fait une recontre pour mieux se retrouver à la fin. Ok. Des gens comme Woody Allen (enfin celui de l'époque) sont capables de te faire un chef-d'oeuvre de prémisses pareilles. Mais là on est en très loin, les dialogues sont plats, les situations sont d'une banalité totale, les personnages taillées à la serpe (la rêveuse contre le terre à terre)... Cela vient aussi de cet incompréhensible casting avec deux acteurs principaux absolument calamiteux et sans le moindre charme, surtout Frederic Forrest, d'une fadeur à peu près totale. Quand même une anomalie, pourquoi un film de 26M$ réalisé par l'un des cinéastes les plus en vue du moment se retrouve avec deux têtes d'affiche d'une part aussi peu connues et d'autre part aussi médiocres ? Alors c'est peut-être un peu voulu pour réhausser l'aspect presque fantasmatique des deux rencontres qu'ils font plus tard, avec des personnages qui semblent presque trop beaux pour être vrai (c'est en fait surtout vrai pour Nastassja Kinski) mais le résultat n'est tout simplement jamais convaincant, jamais charmant, jamais romantique ou fougueux.

Il faut finalement attendre environ une heure de film pour que son projet se fasse enfin véritablement cohérent et soudain jouissif. Quand enfin Coppola se lâche lors d'une scène de simili comédie musicale dans la rue, le film décolle et son projet plastique devient cohérent avec ce qu'il raconte. Tout ce tronçon, avec la magnifique scène dans la station service qui suit, sauve un peu le film mais c'est peut-être 20mn sur l'ensemble du film. Impossible de ne pas penser au cinéma de Baz Luhrmann et désolé mais Moulin Rouge est un film infiniment meilleur que ce Coup de coeur tout rassis. On peut penser également au Damien Chazelle de La La Land et là encore, comment ne pas y voir d'un côté un film qui réussit et de l'autre un film qui échoue ?

Le problème se fait même plus profond plus le film avance, le personnage principal est un homme minable et détestable, le personnage de Nastassja Kinski qui tombe amoureuse de lui en un regard c'est un peu hilarant (même si oui elle est bien plus l'incarnation d'un fantasme) et tout le film va vers une fin qui je craignais depuis le début et qui ne manque pas d'arriver. Une espèce de validation d'un comportement misogyne de connard. Parce que oui c'est aussi un peu ça. Un homme pas content que sa copine se barre et qui va la stalker et la faire chier jusqu'à ce qu'elle revienne. Bref dynamique amoureuse totalement dépassée d'un point de vue masculin non seulement gênant mais aussi plus profondément problématique.

Evoquons aussi l'autre énorme point noir du film, la bande-originale atroce de Tom Waits, ramassis de morceaux d'ascenseurs jazzy insupportables réhaussés par sa voix rocailleuse qui balance banalité sur banalité. Ca ringardise le film puissance 10. Puis les tentatives d'humour cartoon qui débarquent de nulle part vers la fin du film, pareil, gros malaise, c'est ridicule, ça ne marche pas du tout. Le film ne fait que se chercher au niveau du ton. Se prenant affreusement au sérieux et n'assumant pas vraiment la comédie qui aurait dû être son adn principal pour que ça fonctionne.

Alors reste ce projet visuel pharaonique. Le film est riche et souvent très beau, il assume une artificialité totale sans que ça pose le moindre problème. C'est toujours inventif (ces scènes qui apparaissent sur les murs, comme la projection mentale du personnage), Coppola joue avec ses décors et ses néons et c'est un vrai plaisir visuel. Mais comme dit plus haut ce n'est véritablement mis en valeur que lors de deux scènes clefs, celle de la comédie musicale et celle de la station service. Le reste n'est souvent que purement cosmétique. Surtout que c'est pour raconter ce grand néant qu'est ce récit plus lambda tu meurs dans des dialogues totalement clichés.

Il n'y a que l'excellent Raul Julia qui apporte un peu de pep's et de charme au film (excellente scène au restaurant où elle découvre qu'il est serveur) mais c'est bien trop peu surtout que son personnage se fait honteusement jarter du film à la fin au profit de cette conclusion limite honteuse. Non vraiment je trouve que c'est sincèrement un mauvais film, mal écrit, casting totalement raté, musique atroce, le tout dans un écrin pourtant luxueux et d'une opulence qui en met plein les yeux. Mais de loin difficile de pas y voir le projet d'un réalisateur totalement mégalo qui se disait que tout ce qu'il touchait se transformait en or. Même si en lisant les conditions de production on réalise que c'est plutôt qu'il a simplement trouvé un film test pour tenter un tournage totalement différent et expérimental, mais il a oublié d'écrire un véritable scénario.

J'étais sûr d'aimer le film mais de là à le regarder avec une espèce d'agacement constant devant sa vacuité totale et son vieux fond misogyne je m'y attendais pas u tout.

2/6

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MessagePosté: 08 Avr 2024, 09:12 
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Ah ben il le dit lui-même en fait :

Citation:
Coppola à propos de son film dans Brazil (Janvier 2010):

Je ne pense pas que l'insuccès de COUP DE COEUR soit dû à l'aspect visuel du film. Et encore moins à sa musique, car il y avait là vraiment de superbes chansons et Tom Waits avait fait un super boulot.
Je crois que c'est le script qui pêchait. Le scénario original était de Armyan Bernstein et je pense que les gens s'attendaient à ce que j'essaie de traiter en profondeur ce vaste sujet qu'est l'amour et les relations entre hommes et femmes. Or, au final, le script demeurait très superficiel. Je pense que le résultat est très intéressant, c'était assez expérimental de bien des façons, mais c'est au niveau du contenu, pas du contenant, que ça a foiré.
Ce qu'il manque, c'est un vrai poids émotionnel, le film est bien déshumanisé, je pense...c'était le cas au moment de sa sortie et ça l'est tout autant aujourd'hui.

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MessagePosté: 11 Avr 2024, 08:21 
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Ca reste l’un de mes Coppola préférés (loin devant par exemple son monument sur le Vietnam, dont l’importance n’a cessé de s’étioler à mes yeux au fils des re-visions successives).

Pour l’apprécier, il faut juste prendre le film pour ce qu’il est : une petite comédie romantique, une histoire de remariage (plutôt de re-concubinage) comme Hollywood en a tant fait, qui nous dit que l’illusion amoureuse est tout aussi trompeuse que l’illusion de ne plus s’aimer. Et quoi de plus cohérent pour parler de ça que de choisir Las Vegas, ville mirage par excellence, que Coppola dans un délire maniériste, va reconstituer en studio.

Pas du tout d’accord avec l’appréciation d’Art Core sur les acteurs : Teri Garr et Frederic Forrest incarnent des personnages qu’on peut trouver médiocres, ce n’est pas pour autant que leur jeu l’est. Il sonnent juste de bout en bout.

Et encore moins sur la musique de Tom Waits, mélodiquement très riche, très variée (il suffit simplement de ne pas s’arrêter à une première écoute).


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MessagePosté: 28 Juin 2024, 16:58 
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Art Core a écrit:
Ah ouais la méga douche froide :|.

J'étais sûr d'aimer le film mais de là à le regarder avec une espèce d'agacement constant devant sa vacuité totale et son vieux fond misogyne je m'y attendais pas u tout.

2/6


J'ai eu a peu près la même réaction que toi.

J'ai aussi lu l'excellente BD sur Apocalypse Now, et me suis refait le Redux et ce film-ci il y a quelques jours, bien motivé.

Le problème ne vient pas du visuel, effectivement très beau (et oui, j'ai aussi pensé à Eyes Wide Shut, pour ce côté un peu "faux", qui donne au film une ambiance d'illusion)

Le problème vient du scénario qui a furieusement vieillit et de son casting qui ne fonctionne jamais. Même Raul Julia, il est bien, mais son personnage il sonne totalement faux. Les deux acteurs principaux sont juste mauvais, mais faut à eux ou au scénario vide... Et Kinski n'a hélas pas grand chose à jouer à part d'être "jolie".

Coppola semble s'essayer à la légèreté et ne pas y parvenir. Comme si à force de vouloir faire de la romance, il tombe immédiatement dans le niais. Rien ne fonctionne trop, on navigue entre du screwball agaçant (avec les seconds rôles) ou de la romance archi vue et niaise au possible (et désolé pour Tom Waits, mais la musique n'aide pas).

Bref, la supra déception. Je me lançais le film hyper concentré dessus, en mode "le rattrapage qui va devenir le classque". Et non..


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MessagePosté: 28 Juin 2024, 20:48 
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