Cantal a écrit:
Un peu de geekisme sur la restauration 4k.
Curieux d'avoir l'avis de ceux qui reverront le film dans sa version restaurée, pour savoir s'il trouve qu'elle rehausse ou dénature l'original (et en quoi). On verra ce qu'en dira l'article à paraître mercredi chez Critikat. En l'espèce et sans avoir de motif de comparaison possible, j'ai adoré l'expérience, ce qui n'a rien d'étonnant vu que je dois être à peu près le seul à apprécier à la fois
The Canyons de Schrader et
Paranoïa de Soderbegh (deux films qui me semblent très fortement influencés par Inland Empire, et pas que sur l'aspect esthétique).
Première conclusion, je dois absolument revoir toute la filmographie de Lynch, parce que vu dans de mauvaises conditions et/ou il y a trop longtemps. Je me rends compte par exemple que je n'ai jamais cherché à voir ce qui en ferait un auteur, relever ainsi les thèmes ou les motifs qui reviendraient de manières récurrentes, au-delà des lourdes tentures rouges derrière lesquelles se cachent mondes parallèles et autre tréfonds de notre psyché. Et pis, je n'en avais jamais ressenti le manque jusqu'à aujourd'hui. Inland Empire aura donc eu (entre autre) un effet de révélateur sur la place de l'actrice (ou de la femme, en fait des deux) dans son cinéma. Parce que de
Blue Velvet à celui-ci, en passant par
Mulholland Drive et
Twin Peaks, je suis totalement passé à côté de ce faisceau de figures féminines martyrs, violées, violentées, abusées. Et Inland Empire opère la fusion entre toutes ces figures, puisque entre boucles temporelles et géographiques, c'est une véritable histoire de la misère de la condition féminine qu'il nous montre à voir, réduite aux projections (actrice, putain, épouse infidèle ou enceinte) qu'en font la gent masculine. Et c'est aussi dans cette perspective que les films sus-nommés de Schrader et Soderbergh entre en parfaite résonance avec l'univers lynchien.
Sinon pour en revenir à sa forme, le film est à la hauteur de ce que je pouvais en imaginer tout en étant très différent de ce à quoi je m'attendais. Parce que, malgré tout ce que j'avais pu entendre, je ne m'attendais pas à ce niveau d'expérimentation, que Lynch soit capable de boucler la boucle de sa propre filmographie en retournant à son stade initial, celui d'
Eraserhead. Je reconnais que c'est extrêmement exigeant, d'autant plus sur 3 heures, qu'il faut accepter de lâcher quasi totalement prise, je me suis d'ailleurs étonné de m'être fait surprendre par la première mise en abime du tournage dans le tournage, me suis alors promis de ne plus me faire avoir mais à partir du trou de cigarettes dans la soie, les enchâssements entre les différents niveaux se confondent à un tel point qu'il est absolument impossible (du moins à la première vision) de ne pas se perdre. On bascule donc dans le purement sensitif, et c'est nécessairement, au choix, horripilant ou jouissif. Dans la catégorie des film cerveaux, catégorie dévoyée dans laquelle on classe à peu prêt n'importe quoi, je ne vois pas beaucoup d'équivalent à ce ride ultime, on pourrait peut-être faire la comparaison avec
La Clepsydre, mais le film de Lynch est heureusement plus digeste (en tout cas pour moi).
Un bon
5/6, à revoir dans le cadre de ma prochaine rétro Lynch.
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