Forum de FilmDeCulte

Le forum cinéma le plus méchant du net...
Nous sommes le 05 Nov 2024, 09:09

Heures au format UTC + 1 heure




Poster un nouveau sujet Répondre au sujet  [ 4 messages ] 
Auteur Message
MessagePosté: 30 Mar 2024, 21:48 
Hors ligne
Expert
Avatar de l’utilisateur

Inscription: 21 Aoû 2021, 19:41
Messages: 2066
Image


Une histoire vraie en VF, traduction tragique qui évoque aussitôt un téléfilm « inspiré de », alors que le titre original permet la double référence au nom du protagoniste (qui a donc vraiment fait ça), mais aussi à la place du film dans le corpus lynchien : straight peut aussi être traduit par « direct ». L’« histoire directe », par un réalisateur notoirement méandreux, aux films supposément insaisissables, alors qu’il n’est pas étranger aux récits d’apparence plus classiques comme en atteste Elephant Man.

Lynch a toujours traité des tabous et non-dits sans avoir jamais attendu qu’ils prennent une place prépondérante dans les discours publics, ce qui a toujours pour corollaire d’imposer un cahier des charges pour en traiter « comme il faut » au regard des impératifs culturels du moment, forcément fluctuants. Handicap, inceste, troubles mentaux… Ici la vieillesse, qui a longtemps souffert d’un vide anthropologique, et que l’on apprécie dans les sociétés occidentales à travers le prisme de la perte d’autonomie, donc du poids qu’elle représente, et de la perspective de l’institutionnalisation, troquant toute recherche de sens existentiel par l'angoisse de l'inéxorable.

L’entrée en matière du film, avant le début du périple, sert à poser le regard que porte Lynch sur ce phénomène naturel, un regard sensible et attentif qui n’est ni complaisant, ni dans l’exploitation— un regard digne, la question de la dignité étant souvent centrale dans son œuvre. Il capte toute la minutie et toute la réticence qui caractérisent les personnes âgées : minuties dans les démarches et gestes ralentis, moins assurés, dans l’expressivité faciale à des âges où les émotions se conjuguent à merveille non seulement entre elles, mais sur ces traits marqués par le vécu, donc d’autant plus lisibles (les vieux n'ont souvent qu'à être naturels pour être bons acteurs)— réticences à se soigner, à s’avouer encore totalement vaincu par la marche du monde qui fait semblant de ne pas voir ce que le grand âge implique en mode « on verra quand on y sera » (tout ce qui en fait, en réalité, le plus grand tabou de notre culture), réticences qui par ailleurs alimentent l’obstination du personnage à entreprendre l’impossible, et fait éclore la simplicité au cœur de la notion du temps qui est compté— dans le symbolisme évident de la route, du tracteur qui roule à deux à l’heure, de la teneur des échanges au coin du feu avec tous les gens, souvent plus jeunes, qu’Alvin rencontre, tantôt affligés, goguenards ou hystériques, tous aux prises avec ce qu’Alvin a appris, par la force des choses, à laisser couler. Et ce jusqu’au monologue bouleversant qui entame le dernier tiers du film, en compagnie d’un autre papy, au cours duquel remonte le vécu traumatique au cœur de l’expérience de cette génération qui rend d’autant plus urgente la nécessité intemporelle de l’amour fraternel, la menace du conflit irrésolu alors qu’il est bientôt trop tard.

Comme d’habitude, Lynch accorde la même importance au fond qu’à la forme, avec cette récurrence de motifs (vues aériennes des champs, véhicules agricoles, thème musical, échanges au coin du feu etc.) qui ponctuent l’odyssée, son sens du cadre qui tient du plasticien pur, les rappels à ses obsessions : flammes, ciel étoilé, face à face anxieux devant une maison fermée et silencieuse, et bien sûr son chérissement pour les silences et les visages, tous deux expressifs au possible.

_________________
Looks like meat's back on the menu, boys!


Haut
 Profil  
 
MessagePosté: 30 Mar 2024, 23:08 
Hors ligne
Expert
Avatar de l’utilisateur

Inscription: 14 Oct 2007, 11:11
Messages: 8072
Je me souviendrai toujours de la découverte de ce film, qui était passé sur Arte y'a genre 20 ans. J'étais en pleine découverte de Lynch et je m'enchainais ses films traumatiques un à un, et donc j'étais très heureux de pouvoir souffler un peu en regardant un film a priori plus léger, plus appréhendable... Pour finalement en ressortir bouleversé encore une fois. Je ne m'y attendais absolument pas. Un film simple mais beau à en tomber.


Haut
 Profil  
 
MessagePosté: 31 Mar 2024, 11:23 
Hors ligne
Robot in Disguise
Avatar de l’utilisateur

Inscription: 13 Juil 2005, 09:00
Messages: 36638
Localisation: Paris
Müller a écrit:
Une histoire vraie en VF, traduction tragique qui évoque aussitôt un téléfilm « inspiré de », alors que le titre original permet la double référence au nom du protagoniste (qui a donc vraiment fait ça), mais aussi à la place du film dans le corpus lynchien : straight peut aussi être traduit par « direct ». L’« histoire directe »
Je te trouve dur car le titre français se débrouille pas trop mal avec son histoire vraie, au sens "une histoire simple", des "émotions vraies".

_________________
Liam Engle: réalisateur et scénariste
Image


Haut
 Profil  
 
MessagePosté: 31 Mar 2024, 16:05 
En ligne
Expert
Avatar de l’utilisateur

Inscription: 20 Sep 2007, 09:31
Messages: 4989
"Une vraie histoire" serait peut-être mieux.


Haut
 Profil  
 
Afficher les messages postés depuis:  Trier par  
Poster un nouveau sujet Répondre au sujet  [ 4 messages ] 

Heures au format UTC + 1 heure


Articles en relation
 Sujets   Auteur   Réponses   Vus   Dernier message 
Aucun nouveau message non-lu dans ce sujet. Elephant Man (David Lynch - 1980)

ForgetMeNot

1

2107

21 Juin 2024, 23:04

Müller Voir le dernier message

Aucun nouveau message non-lu dans ce sujet. Absurda (David Lynch - 2007)

Cosmo

1

1778

02 Juil 2007, 19:52

Zad Voir le dernier message

Aucun nouveau message non-lu dans ce sujet. Dune (David Lynch, 1984)

[ Aller à la pageAller à la page: 1, 2, 3 ]

Walt

40

4869

10 Mar 2024, 22:44

Billy Budd Voir le dernier message

Aucun nouveau message non-lu dans ce sujet. Eraserhead (David Lynch, 1977)

[ Aller à la pageAller à la page: 1, 2, 3, 4 ]

Film Freak

45

899

19 Juin 2024, 17:33

Paprika Voir le dernier message

Aucun nouveau message non-lu dans ce sujet. Sailor et Lula (David Lynch - 1991)

[ Aller à la pageAller à la page: 1, 2, 3 ]

Karloff

34

2154

25 Juin 2024, 09:13

Déjà-vu Voir le dernier message

Aucun nouveau message non-lu dans ce sujet. Mulholland Drive (David Lynch, 2001)

[ Aller à la pageAller à la page: 1 ... 5, 6, 7 ]

Bronislas

92

11352

15 Juin 2017, 08:37

Le Cow-boy Voir le dernier message

Aucun nouveau message non-lu dans ce sujet. Blue Velvet (David Lynch 1987)

[ Aller à la pageAller à la page: 1, 2 ]

Cosmo

15

2461

20 Déc 2022, 13:50

elmergantry Voir le dernier message

Aucun nouveau message non-lu dans ce sujet. Inland Empire (David Lynch - 2007)

[ Aller à la pageAller à la page: 1 ... 9, 10, 11 ]

Karloff

158

20833

22 Juin 2024, 17:27

Müller Voir le dernier message

Aucun nouveau message non-lu dans ce sujet. Lost Highway (David Lynch - 1997)

Müller

11

869

21 Déc 2022, 00:48

pitoyable_frre Voir le dernier message

Aucun nouveau message non-lu dans ce sujet. Twin Peaks: Fire Walk With Me (David Lynch, 1992)

[ Aller à la pageAller à la page: 1, 2, 3 ]

Müller

32

1693

28 Mar 2023, 21:33

Tonton Voir le dernier message

 


Qui est en ligne

Utilisateurs parcourant ce forum: Aucun utilisateur enregistré et 32 invités


Vous ne pouvez pas poster de nouveaux sujets
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets
Vous ne pouvez pas éditer vos messages
Vous ne pouvez pas supprimer vos messages

Rechercher:
Aller à:  
Powered by phpBB® Forum Software © phpBB Group
Traduction par: phpBB-fr.com
phpBB SEO
Hébergement mutualisé : Avenue Du Web