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 Sujet du message: Re: Mank (David Fincher, 2020)
MessagePosté: 06 Déc 2020, 13:30 
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Karloff a écrit:
tiens d'ailleurs jetons un petit pavé dans la mare : Citizen Kane, le scénario on s'en tape non ? C'est la mise en scène qui est incroyable non ?



"rosebud" c'est le scénario quand-même et c'est là que le film déconstruit/reconstruit Hearst. C'est du 'mentir-vrai'au sens d'Aragon (Aurélien est de la même année et pas sans ressemblance avec Citizen Kane dans ses procédés, même si c'est transposé dans un contexte bourgeois et français*. Il y a l'idée que le pouvoir ne génère aucune satisfaction réelle, il est le fantasme de cette satisfaction et ne se maintient que par lui-même, potentiellement indéfiniment).
Maintenant Orson Welles n'avait pas toujours besoin de scénario. Celui-ci disparaît avec l'individu chez lui (F for Fake). Passer au collectif, au structure et au groupe c'est déjà être dans une situation brute mais aussi une représentation (dense mais statique) chez lui (il y a un point commun entre l'horloge du Stranger, le plan séquence de la Soif du Mal et les espaces mi tribunal mi-chambre du projet. Ce sont des espaces chargés de sens mais figés).


*quoi que le personnage d'Edmond Barbentane en est fort proche.

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Sur un secrétaire, j'avise deux statuettes de chevaux : minuscules petites têtes sur des corps puissants et ballonés de percherons. Sont-ils africains ? Étrusques ?
- Ce sont des fromages. On me les envoie de Calabre.


Jean-Paul Sartre


Dernière édition par Vieux-Gontrand le 06 Déc 2020, 13:47, édité 4 fois.

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 Sujet du message: Re: Mank (David Fincher, 2020)
MessagePosté: 06 Déc 2020, 13:39 
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Art Core a écrit:
scienezma a écrit:
Comparé au dernier Tarantino (que j'aime pas non plus ms pour d'autres raisons), Fincher est à fond dans son histoire ancienne et cherche jamais à la rendre attrayante, au goût du jour, même s'il tente de creuser des comparaisons avec la situation politique sous Trump (ms c'est franchement tiré par les cheveux - et déjà périmé). On dirait un vieux qui raconte très platement une histoire ultra référencée à ses gamins dont en plus ils n'ont absolument rien à foutre. Ce qui fait bizarre c'est qu'il parle d'un des films les plus connus de l'histoire du cinéma mais que très tôt je me suis dit que je m'en fichais complètement de ces anecdotes, surtout racontées sur un mode aussi moisi, et pourtant je suis encore d'une génération qui connaît Citizen Kane, qui l'a regardé parce qu'il fallait le voir en tant que "chef d'oeuvre du cinéma moderne". Réellement je me demande qui ça intéresse vraiment aujourd'hui ce type de film, indépendamment du fait que c'est "le nouveau Fincher"... ça parle sans recul d'un monde qui pour ainsi dire n'existe plus ou presque mais comme si le scénariste/réalisateur n'en avait pas du tout conscience, comme si c'était hier...


Assez tristement d'accord avec ça. Fincher échoue totalement à rendre son récit universel, à nous y intéresser et je me demande vraiment à qui s'adresse le film (même les cinéphiles n'y trouvent pas vraiment leur compte). Et quand je lis des comparaisons avec le Tarantino c'est terrible pour le Fincher. Le Tarantino va rester, c'est un classique instantané. Mank on en parlera plus dans deux semaines.

J'ai bizarrement jamais pensé au Tarantino devant lMank. Au-delà de Hollywood comme décor, les films n'ont RIEN à voir.

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 Sujet du message: Re: Mank (David Fincher, 2020)
MessagePosté: 06 Déc 2020, 13:43 
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Je suis d'accord en fait, mais j'ai lu plusieurs tweets qui les comparaient.

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 Sujet du message: Re: Mank (David Fincher, 2020)
MessagePosté: 07 Déc 2020, 13:55 
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Je serai pas aussi cinglant que Art Core, mais c'est aussi mon ressenti, l'impression d'un film assez hermétique et qui n'exploite pas assez son sujet.
J'ai trouvé très intéressant le propos sur les studios, le rapport au socialisme et au nazisme, la manipulation de la presse, mais c'est pas assez mis en avant. De même l'écriture du scénario de CK qui semble être totalement secondaire et survolée.

Bonne déception, même si ça se suit sans problème et que c'est carrément inspiré par moments.

3/6

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 Sujet du message: Re: Mank (David Fincher, 2020)
MessagePosté: 07 Déc 2020, 21:17 
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Je n'ai pas trouvé le film si hermétique, autiste, verbeux où je ne sais quoi. A vous lire je pensais être paumé mais même en ne connaissant rien de cette histoire* on arrive quand même à s'y retrouver et du coup j'ai suivi ce petit pan d'histoire avec intérêt.
Y'a un défaut qu'Art core a souligné c'est le côté inintéressant du personnage principal. C'est vrai que le film choisit d'embrasser entièrement sa cause, de ne pas vraiment le rendre ambiguë sur ses motivations. Tous les producteurs sont dépeints de façon grotesque (LB. Mayer) et Hearst n'a pas beaucoup de scènes pour donner corps à ce qui sera la figure de Kane.
Seul point un peu trouble est l'évocation de Quichote, qui dans la bouche de Mank serait Hearst mais aussi on le comprend Mank lui même (et celui qui tend le miroir, double rôle). Le synopsis raconté lors du banquet est un moment de provocation autant qu'un instant poétique suspendu.
Fincher préfère garder l'empathie du spectateur pour son héros talentueux, ne pas en faire un connard surdoué à la Zuckerberg jusqu'à même lui prêter des actes hyper généreux (le recueil des réfugiés allemands). L'interprétation de Oldman donne une certaine douceur au film (les scènes avec son frère, les femmes qui l'entourent) mais le scénar n'aide pas avec cette structure en flash-back un peu trop mécanique, pas assez ludique (on perd la multiplicité des points de vue du film de Welles), un peu raide.
Dans le fond j'ai trouvé qu'on nous servait un peu trop du prêt à penser sur la place du bien et du mal, un défaut résultant de l'ère trump peut être. Le film ne nous fait pas remettre en cause les actes du personnages, ou du moins n'arrive pas à nous faire ressentir la difficulté qu'il a de suivre sa morale.


*Je dis ça mais le film est fait pour les personnes qui ont quelques repères. Savoir qui est (en gros) L.B. Mayer, Joseph Mankiewvic, Irving Thalberg ou Selznick.. et aussi de quoi parle Citizen Kane, fait mieux apprécier le voyage


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 Sujet du message: Re: Mank (David Fincher, 2020)
MessagePosté: 08 Déc 2020, 10:57 
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J'ai beaucoup de mal à m'enthousiasmer pour cette forme de reconstitution historique propre au cinéma de Fincher - disons depuis son Zodiac en passant par la biographie de Facebook/Zuckerberg, qui se veut assez flottante, sans lyrisme cinématographique (sans formalisme trop appuyé ni prise de position trop marquée), mais quand même dans un toc léché et artificiel (pas loin du kitsch), aussi bien dans les images que dans l'écriture. C'est pas Wikipédia mais pas ultra-inspiré non plus, flottant... Les dialogues sont très référentiels et veulent frôler l'authentique, tout en restant dans les rails de la compréhension par un spectateur pas spécialiste (dans une intrigue le plus souvent). Donc dans un entre-deux de la reconstitution un peu molle dont Fincher se satisfait sans doute. Le jeu d'Oldman est toujours fin et tire le meilleur parti de ce qu'on lui propose ceci dit.

Quant à la critique des studios sur cette période je persiste à penser qu'elle est déjà dans certains films tournés à l'époque, pour n'en citer qu'un le Sunset Boulevard (Boulevard du crépuscule) de Wilder. Les documents filmiques des témoins du moment même si déjà des reconstitutions. Qui permettent tout autant des parallèles avec l'Histoire contemporaine.

J'ai pas non plus de passion pour le Citizen Kane de Welles qui caracole en tête de beaucoup de tops de toute l'histoire du cinéma mondial, un bon film sans aucun doute mais j'ai de tout autres films fétiches. Donc les dessous de sa création centrés sur ce personnage de scénariste un peu trouble, je ne les dévore pas.

Le noir et blanc numérique est là pour quelque chose, dans le gazeux de la chambre où Herman Mankiewicz est reclus, mais parfois dans un gris franchement pas convaincant - la longue scène de la promenade nocturne dans le parc du démiurge Hearst avec les animaux exotiques en CGI.

Quelle lourdeur de ce dispositif qui traverse tout le film des flashbacks appuyés par une typo façon machine à écrire, je comprends pas.

Bof ou mouais sur ce film, qui n'est pas mauvais mais jamais vraiment fascinant, manque d'ampleur ou d'agir sur le réel, ce qui est sans surprise car tout à fait caractéristique du cinéma de Fincher depuis des années, et des production Netflix en général (avec heureusement quelques exceptions dans leur récente série de films d'auteurs comme le Scorsese ou le Michael Bay hé hé).


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 Sujet du message: Re: Mank (David Fincher, 2020)
MessagePosté: 09 Déc 2020, 11:27 
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Art Core a écrit:
Je trouve qu'à peu près rien ne fonctionne. La première heure est une horreur, la construction est très chaotique et j'ai l'impression de comprendre la moitié des dialogues, ça se veut sans doute "sorkinien" avec ces phases de dialogues où l'on marche, où l'on fait référence à des persos qu'on connait pas et à des choses qu'on nous a pas présenté et du coup j'avais l'impression de passer totalement à côté. Et le problème c'est que ça m'était égal tant ce que dit le film n'est tout simplement pas intéressant.



Malheureusement je suis assez d'accord avec ça... La première heure est vraiment hostile, je ne comprenais rien du projet, des liens entre les persos, et au final je n'ai donc étais que très peu touché par le cheminement du scénariste qui mêle ses expériences affectives et politiques pour en tirer une œuvre complexe et contrastée, parce qu'on est complètement perdu tout le long et l'assemblage des morceaux me semble impossible à la première vision.

Alors ce n'est pas sans intérêt, loin de là, et le fait de n'avoir découvert Citizen Kane que récemment (#lahonte) joue aussi.

Sans doute à revoir et à murir, mais difficile d'avoir envie de le revoir, là tout de suite.


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 Sujet du message: Re: Mank (David Fincher, 2020)
MessagePosté: 09 Déc 2020, 11:33 
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Qu'est ce qu'il y a d'incompréhensible dans la première heure ?


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 Sujet du message: Re: Mank (David Fincher, 2020)
MessagePosté: 09 Déc 2020, 11:38 
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C'est des tartines de dialogues sur des problématiques qui ne nous ont pas été tellement présentés. Le film se veut tourbillonnant et c'est vraiment une écriture "sorkinienne" mais j'ai trouvé que ça fonctionnait pas. Plusieurs fois avec ma femme on s'est fait la réflexion à haute voix "j'ai pas compris de quoi ils parlaient là" quand des persos en évoquent d'autres qu'on ne nous a pas présentés par exemple ou font des sous-entendus obscurs. Mais tout le film est dans cette maladresse. Genre le jeune loup scénariste qui arrive dans l'équipe, scène sympa, plutôt drôle, ils vont dans le bureau du boss et improvisent un scénar en direct et quoi ?... Ce perso n'a plus aucune espèce d'importance par la suite, ce groupe de scénaristes on les verrai plus bosser ensemble. Impression que la construction du film est trop chaotique, avance à vue et arrive pas à nous accrocher.

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 Sujet du message: Re: Mank (David Fincher, 2020)
MessagePosté: 09 Déc 2020, 11:38 
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Cantal a écrit:
Qu'est ce qu'il y a d'incompréhensible dans la première heure ?


Alors j'étais peut-être pas dedans, mais les dialogues évoquent tel ou tel perso avec tel ou tel enjeu, et je comprenais un truc sur deux parce que j'avais pas identifié tous les personnages et les enjeux de pouvoirs qui vont avec.


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 Sujet du message: Re: Mank (David Fincher, 2020)
MessagePosté: 09 Déc 2020, 12:17 
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Art Core a écrit:
C'est des tartines de dialogues sur des problématiques qui ne nous ont pas été tellement présentés. Le film se veut tourbillonnant et c'est vraiment une écriture "sorkinienne" mais j'ai trouvé que ça fonctionnait pas. Plusieurs fois avec ma femme on s'est fait la réflexion à haute voix "j'ai pas compris de quoi ils parlaient là" quand des persos en évoquent d'autres qu'on ne nous a pas présentés par exemple ou font des sous-entendus obscurs. Mais tout le film est dans cette maladresse. Genre le jeune loup scénariste qui arrive dans l'équipe, scène sympa, plutôt drôle, ils vont dans le bureau du boss et improvisent un scénar en direct et quoi ?... Ce perso n'a plus aucune espèce d'importance par la suite, ce groupe de scénaristes on les verrai plus bosser ensemble. Impression que la construction du film est trop chaotique, avance à vue et arrive pas à nous accrocher.

Bah so, c'est le neveu de Marion Davies donc celui par qui Mank intègre le cercle de Hearst et Davies.

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 Sujet du message: Re: Mank (David Fincher, 2020)
MessagePosté: 09 Déc 2020, 12:44 
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Certes mais c'est plus toute la manière de présenter le truc comme si ça allait être la base du récit, de voir comment bossaient les scénaristes à l'époque etc... et qu'en fait ben pas du tout.

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 Sujet du message: Re: Mank (David Fincher, 2020)
MessagePosté: 09 Déc 2020, 13:21 
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Je n'ai pas eu le sentiment d'être particulièrement perdue par la narration durant la première heure, par contre ça m'a fait l'impression d'être un festival de Name dropping, sans quelques connaissances du milieu hollywoodien de cette époque je peux comprendre que l'on s'y perde assez facilement (au-delà des personnages principaux que sont les frères Mankiewicz, Marion Davies - dont probablement personne ne connait sa carrière d'actrice - et les producteurs Thalberg et Mayer, on croise subrepticement Ben Hecht - à la carrière autrement plus fournie que Mank -, Von Sternberg, Lionel Barrymore, Joan Crawford, et j'en oublie certainement beaucoup). Ça donne certes un certain cachet d'authenticité, mais Fincher n'en tire malheureusement pas grand bénéfice. Non moi ce qui m'a vraiment gêné durant la première heure, c'est la photo, j'avais l'impression d'un film tourné dans un tunnel à l'éclairage blafard, j'ai du écarquiller les yeux tout le long pour distinguer ce qui se passait à l'écran, ce que j'ai trouvé particulièrement pénible (Mass dira que c'est parce que j'avais mal réglé ma TV, mais d'un autre côté je n'ai jamais eu ce soucis avec les mêmes réglages pour aucun autre film en N&B). D'ailleurs c'est globalement l'un des gros points noirs du film (qui en a pourtant bien d'autres), j'ai trouvé sa photo très moche de bout en bout, et ses choix de lumière n'ont certainement pas aidé à faire passer la pilule.

Après mon plus gros problème c'est que je n'ai tout simplement pas compris le projet de Fincher. Qu'il veuille faire un film sur Citizen Kane sans véritablement parler de Welles soit, c'est un choix qui se respecte, même si dans ce cas j'aurais préféré que Welles reste jusqu'au bout hors champ, plutôt que de le voir, à la va vite et mal incarné, dans une ou deux scènes totalement dispensables. Par contre je ne m'explique pas que la relation Mank-Hearst soit autant survolée, parce que du coup ça aurait dû être ça le cœur du film, aussi parce que les rapports de force entre individus et le désir de contrôler l'autre est la pierre angulaire de son cinéma. Au final on doit se contenter de deux pauvres scènes, celle du tournage qui scelle le début de leur relation, et l’esclandre dinatoire qui m'a furieusement rappelée celle (autrement plus réussie et dont je ne doute pas que Fincher s'en soit largement inspiré) où Gary Cooper prend conscience qu'il est manipulé et viens pareillement perturber un diner mondain dans L'Homme de la rue de Capra. Reste Mank lui-même, alcoolique et joueur invétéré, qui trace sa route entre acoquinement avec le monde des puissants et une apparente conscience politique (ce dont on peut douter à la lecture du fil de JJG, on serait là dans du pur révisionnisme historique), cette dernière prenant finalement le dessus pour aboutir à l'écriture du scénario de Citizen Kane. Tout cela est bien sympathique, mais il y aurait eu d'autres angles bien plus pertinent pour aborder à la fois la genèse du film de Welles et l'Hollywood des années 30. Ça n'est en tout cas pas avec ce nouveau film insipide que je vais enfin m'enthousiasmer pour les libertés que certains réalisateurs trouveraient chez Netflix.


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 Sujet du message: Re: Mank (David Fincher, 2020)
MessagePosté: 09 Déc 2020, 15:10 
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Karloff a écrit:
il y a quelque chose qui me dérange chez Fincher, cette différence entre ce qui dit dans ses films et ce qu'il est. Enchainer pub et clip pour ensuite fustiger la société de consommation (Fight Club), ici faire l'éloge du socialisme alors que bosser pour Netflix tient justement de l'individualisme créatif (et pourquoi pas, hein)

Je crois que c’est une des questions posées directement dans le film, à travers les ambiguïtés de Mank lui-même.

Cantal a écrit:
C'est vrai que le film choisit d'embrasser entièrement sa cause, de ne pas vraiment le rendre ambiguë sur ses motivations.

Dans le fond j'ai trouvé qu'on nous servait un peu trop du prêt à penser sur la place du bien et du mal

Je n’ai pas trouvé. Mank n’est pas du tout un type admirable. C’est un révolutionnaire de salon, un auteur qui n’écrit rien qu’il estime digne d’être signé de son nom. Il a des sympathies socialistes, mais quand un ami lui demande de l'aide, il file seulement un dollar, qu'il sort de la poche de qqun d’autre en plus. Et quand la Writer's Guild lui demande son soutien contre les arnaques de Mayer, il refuse de s’engager au motif qu'il ne veut faire partie d'aucun club.

Dans tous les cas, Mank est perçu et se vit lui-même comme un raté, un type fini qui n’a pourtant rien commencé. C'est ce qu'il dit au tout début à sa femme: "Je n'ai rien accompli". C’est un des scénaristes les mieux payés d'Hollywood, il a eu des succès à New York, co-écrit des dizaines de films, fondé une famille, il a sauvé tout un village des nazis, comme tu le dis. Mais rien de tout ça ne compte, ne correspond à l'idéal qu'il se fait d'une vie accomplie.

C’est une espèce de romantique attardé, pour qui il y a le rêve, le grand art, les grands écrivains d’un côté, et de l’autre le travail, les basses œuvres, les scénaristes. Moralité: il se condamne à l’impuissance, qu’il retourne en cynisme, en mépris de tout (cf sa phrase sur Hollywood : une machine à fric, un repaire d’idiots). Il se condamne à l’impuissance parce qu’il sépare son art de son travail, et sa morale de sa pratique. Le vrai héros du film, à ce titre, c’est Upton Sinclair, qui, lui, ne sépare rien. Sinclair écrit des romans provocateurs, des romans qui forcent à penser, qui engagent sa morale et son art ; il pique l’argent d’Hollywood pour faire un film au Mexique sur la révolution russe ; il tient des meetings dans la rue, tente le jeu des élections. Voilà le vrai homme orchestre, celui qui fait tout, pour qui il n’y a nulle opposition entre l’art et la vie, et que Mank peut seulement admirer en cachette, en l’observant du bout de la rue.

A l’opposé d’Upton Sinclair, il y a le contre-modèle, le caméraman ami de Mank, qui accepte de tourner les films de propagande contre Upton Sinclair, bien qu’il en ait honte ensuite. Pourquoi a-t-il accepté alors ? « Parce qu’ils m’ont laissé les rênes ». Exemple même du singe de la parabole racontée par Hearst : le singe qui croit être le metteur en scène, et qui ne fait que danser sur la musique du maître.

Tous ces faits, toutes ces rencontres, agissent comme une série de déclics pour Mank. Le film décrit, très classiquement en fait, un itinéraire moral, un apprentissage, et, dans le même temps, un processus de création, puisque les deux sont liés. En découvrant les films de propagande, Mank se sent coupable. C'est lui qui avait commis l'erreur de suggérer à Thalberg d'utiliser les moyens de la MGM pour faire perdre Upton Sinclair. Paroles en l'air qui lui reviennent alors comme un boomerang, et lui font comprendre qu’il n’a été jusque là qu’un beau parleur qui n'assume la responsabilité de rien.

L’autre déclic, c’est quand Hearst lui raconte la parabole sur le singe du joueur d’orgue de Barbarie – à travers laquelle Hearst cherche à humilier Mank, à lui rappeler quelle est sa place, celle d’un amuseur qui s’illusionne sur son pouvoir et ne fait que danser sur la musique du vrai maître. Un bouffon.


Tout ce cheminement conduit Mank a prendre conscience qu’il n’est qu’un singe dansant pour le plaisir des vrais maîtres. Ecrire Citizen Kane, c’est renverser les rôles : devenir le musicien, faire de Hearst son singe. (c’est dit explicitement dans la scène nocturne au zoo : « Nobody makes a monkey out of William Randolph Hearst » qui résume bien l’ambition de Mank quand il écrit Citizen Kane).

Chez Fincher, le but des personnages, c’est souvent d’écrire un livre. C’est le cas dans Zodiac, Gone Girl, Mindhunter, et celui-ci. Ses films décrivent un processus de création littéraire, et il y a peu de films américains qui respirent autant que les siens l’amour des livres, qui citent autant d’auteurs, explicitement, dans le dialogue.
Il ne s’agit pas d’écrire n’importe quel livre : il s’agit d’écrire un livre sur un « monstre », aux différents sens du terme : un serial killer ou Hearst.

Le plus intéressant je trouve, c’est que ce processus de création n’est pas mis en scène comme une création ex nihilo (rien à voir avec toute la mythologie romantique de l’auteur inspiré, qui sort tout un monde de sa tête). Ses personnages veulent devenir des auteurs, mais des auteurs qui créent à partir de personnages réels. Ca change tout. Parce que soudain, la création est mise en scène, est pensée comme une chasse, une chasse à l’homme, une chasse au monstre. Dans ses films, le créateur est un chasseur. La création est une chasse à l’homme, The most dangerous game, comme il est répété dans Zodiac, en référence aux Chasses du comte Zaroff.

Ses principaux films sont des chasses à l’homme, dès Seven, jusqu’à Mindhunter, dont le titre donne un peu la clé de son cinéma. Si créer, c’est chasser, choisir une proie, alors ça ne se fait pas sans danger, sans risques. La situation peut se retourner, parce que la proie et le chasseur n’ont pas de position fixe : le chasseur peut devenir proie, et la proie redevenir le prédateur. D’où ce trouble, chez les écrivains de ses films, qui se demandent toujours dans quelle mesure ils ne sont pas le jouet, la proie, le singe, du monstre qu’ils essaient de traquer et de capter dans leurs livres.

La parabole sur le singe est aussi une histoire de chasse:
HEARST: "Now, the organ grinder's monkey is tiny in stature, and having been taken from the wild, he's naturally overwhelmed by the enormous world around him
Le musicien est un chasseur avant d'être un musicien.

Cantal citait Don Quichotte, explicitement évoqué dans Mank. Mais à mon avis la référence qui ouvre bien des pistes dans ce film, et les films de Fincher en général, c’est Moby Dick, le grand livre de la chasse. Le bouquin est évoqué dès les premières scènes de Mank :

Orson Welles – Ready to hunt the great white whale ?
Mank – Just call me Ahab

Significativement, c’est à Achab que Mank s’identifie – et pas à Ismaël.


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 Sujet du message: Re: Mank (David Fincher, 2020)
MessagePosté: 09 Déc 2020, 15:33 
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J'étais déjà découragé de voir le film et ce texte plein de spoilers m'a requinqué.

Même si Fincher me laisse totalement indifférent la moitié du temps et que Mank me semble faire partie de ce lot.


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06 Mar 2022, 21:48

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