Bon, je précise d'entrée de jeu que mon avis ne s'adresse en AUCUN CAS aux gens qui n'ont pas aimé le précédent, pour la simple et bonne raison que ce n'est pas mon cas donc mon opinion ne sera pas un baromètre fiable aux yeux de ces personnes. Donc les trolls et autres taquineurs du dimanche peuvent gentiment passer leur chemin (ou plutôt, ils n'ont qu'à lire les messages de Karloff et Tetsuo).
Moi, le premier chapitre, je l'ai adoré.
Je l'ai adoré au cinéma et je l'ai encore plus adoré en version longue chez moi.
Mais je l'ai adoré pour des raisons spécifiques qui peuvent faire partie de ce qui a déplu à une importante proportion du public.
J'adore les chansons par exemple.
Ici, il n'y a plus de chanson.
Tout ça pour dire qu'à l'inverse de la quasi-totalité des critiques, je ne saurais qualifier aussi franchement ce deuxième épisode comme "meilleur".
Au risque de me rabattre sur un cliché, il est surtout complètement différent. Finie l'exposition, qui restait à mes yeux une toujours passionnante découverte de l'Histoire de la Terre du Milieu, et le cadre relativement intime (à l'échelle de l'univers de Tolkien quoi). A l'instar de
Les Deux Tours, ici le récit se fragmente et s'étend, mêlant les différents peuples de la Terre du Milieu, nains et hobbit toujours mais désormais elfes et humains également. L'heure n'est plus aux chansons. La guerre pointe le bout de son nez.
Malgré ses origines, je n'ai jamais trouvé que
Un voyage inattendu faisait "film pour enfants". Une chose est sûre, c'est plus du tout le cas ici. Règle immuable des films du milieu, les choses s'aggravent, les enjeux se multiplient : ça rigole plus. Un changement d'atmosphère qui se manifeste dans le ton, que ce soit dans la forme plus sombre ou le fond plus grave, ou encore dans la violence (combien de décapitations dans ce film?).
En contre-partie, ce tome faisant le pont entre deux autres, il fait parfois figure d'épisode de transition, sans réel début ni vraie fin (cliffhanger le plus frustrant du monde). A chaud, et sans avoir vu le dernier volet, j'aurai tendance à dire que c'est le chapitre qui souffre le plus de la division du livre en trois films. Je n'avais pas trouvé de scènes vraiment superflues ou trop longues dans le précédent alors qu'ici, certaines scènes m'ont paru dispensables (ex : Beorn, mais on me dit que c'est important pour la suite) ou étirées (le passage à Laketown).
Là où je trouve le film légèrement inférieur à son prédécesseur, c'est dans ce que ça raconte.
Un voyage inattendu racontait la naissance d'un conteur, appelé à sortir de ses livres pour vivre une véritable aventure, et en parallèle, la quête d'un foyer pour un peuple errant.
La Désolation de Smaug est plus difficilement réductible à un (ou deux) arc(s), donc sans doute un poil moins incarné.
En ce qui concerne les personnages, le film apporte toutefois de nouvelles problématiques intéressantes, comme ces trois protagonistes qui souffrent du poids de leur héritage : Thorin et la peur de devenir fou comme son père et son grand-père (mis en parallèle avec l'influence grandissante de l'Anneau sur Bilbo), et Legolas encore sous l'égide d'un père rancunier et, disons-le franchement, raciste (et dont le rapport avec Tauriel semble dessiner un parcours de héros tragique bien plus intéressant que son rôle de
sidekick badass dans
Le Seigneur des Anneaux).
Tauriel, parlons-en, vu qu'il s'agit du seul protagoniste créé non pas par Tolkien mais par Jackson & Co. Évidemment, elle sert à avoir une présence féminine dans cette trilogie, mais c'est surtout le rôle qui lui est donné qui s'avère pertinent. Outre son interaction avec Legolas, justifiant la présence augmentée de ce dernier dans l'adaptation (alors qu'il est figurant dans le livre), elle est carrément là pour incarner le propos du film.
Un propos déjà traité en partie dans
Le Seigneur des Anneaux, articulé autour de questions sur les choix en temps de guerre, approfondi ici via divers fils narratifs : la neutralité des elfes qui passe pour cruelle (toutes les scènes avec Thranduil, le Roi-Elfe et père de Legolas, sont géniales), l'intéressement des humains qui passe pour de la cupidité (avec un gouvernant à l'exact opposé du Theoden de
Les Deux Tours en la personne du Master of Laketown dont les actes et interrogations offrent un soupçon de sous-texte politique à cette trame que j'attends de voir développée dans le suivant), et la responsabilité des différents leaders balançant entre leur intérêt personnel et le bien commun (Gandalf pris entre Dol Guldur et la Compagnie, Thorin pris entre Bilbo et les Nains).
Je dis pas non plus que le film déploie une mécanique semblable aux machinations de
Game of Thrones hein, mais l'intrigue est plus dense qu'elle n'en a l'air, derrière toute l'imagerie de film d'aventure épique.
Parce que si la série adaptée de George R.R. Martin fournit quelque chose que la saga de Tolkien ne propose pas, l'inverse est tout aussi vrai. Et
La Désolation de Smaug en est probablement l'exemple le plus frappant. Et le plus divertissant.
Vous allez beaucoup entendre parler de la scène des tonneaux, et à juste titre. Elle entre directement dans le top des meilleures scènes de la franchise et des meilleures scènes d'action de l'année. J'avais déjà trouvé inventive la poursuite dans la grotte des Goblins, seul gros morceau de bravoure de
Un voyage inattendu, mais alors ici c'est festival. Y a quasiment une idée à la minute dans l'action, dans les cascades, dans les coups, les mises à mort, et visuellement, c'est juste un régal pour les sens. J'avais pas vu une telle fluidité dans la mise en scène de l'action depuis la course-poursuite de Bagghar dans
Tintin. C'est ce niveau-là de folie. Avec un Legolas dont le degré de
badassitude à l'arc et à l'épée a été multiplié par dix.
Et ce n'est qu'un des nombreux
set-pieces du film qui en compte plein et en tous genres, avec des bestioles, avec des pouvoirs magiques, et putain, avec un dragon.
Oui, j'ai pas encore parlé de Smaug, à qui Benedict Cumberbatch prête ses inimitables cordes vocales (et même plus). Le design n'est peut-être pas original mais j'ai jamais vu un dragon comme ça, incarné de la sorte, aussi imposant, menaçant, arrogant. Et putain, même le dragon il a du sens, métaphore sur pattes de la cupidité, arrivé lorsque Thror a commencé à faire son Picsou, émergeant des pièces lorsqu'il est réveillé par Bilbo et
Il EST le Mal qui ronge les gens, qui les BRÛLE de désir.
En fait, plus j'y pense et plus je trouve le film riche. J'ai dû oublier des tas de trucs, plein de détails (l'absence de musique sur plusieurs scènes-clé, couillue et efficace, par exemple, tout ce que Bilbo fait invisible dans la forêt aussi et ce qu'on y voit et surtout ce qu'on y entend).
C'est encore un film qui pousse le jusqu'au-boutisme de l'
heroic fantasy plus loin, plus premier degré que jamais, n'ayant peur de rien.
J'ai hâte de le revoir (en HFR).
J'ai hâte de le redécouvrir (en version longue).
Et j'ai hâte, mais HÂTE, de voir
There and Back Again.
Un gros 5/6.