Depuis le temps que je vous lis, il fallait bien que je me décide à poster une bafouille un jour ou l'autre ici.
J'ai trouvé que le film avait tous les défauts et les qualités de la trilogie, et ça m'étonne toujours de voir à quel point Jackson est régulier et cohérent dans ce qu'il filme.
Les qualités sont connues, c'est formellement très classe, bourré d'idées de mise en scène, à tel point qu'on sort du film vraiment fatigué par tant de pyrotechnie. Le souffle épique est là, on sent la dévotion à la représentation de la Terre du Milieu, qui fourmille de détails, aussi bien dans ses aspects merveilleux que monstrueux. J'adore les créatures maléfiques telles que Jackson les voit, on perçoit vraiment sa patte dans leur design, notamment dans la dimension horrifique qu'il donne au mal.
Mais j'ai aussi retrouvé le plus gros défaut de la trilogie, cet aspect des romans (et plus profondément, de la narration en général) qui a complètement échappé à Jackson, et qui fait que je ne parviens pas à aimer sincèrement ces films, comme s'ils n'étaient finalement que l'ombre de ce qu'ils auraient pu être.
Adapter de la fantasy, ça signifie adopter le schéma de la quête, c'est à dire des aventures dans des lieux successifs jusqu'au dénouement final. Et c'est ce que fait Jackson, mais avec une telle dévotion à la linéarité du récit que ses films en deviennent complètement désincarnés (dans le sens que oui, ils sont beaux, inventifs, mais ils sont gelés, glacés). La désolation de Smaug, c'est une succession de vignettes, avec dans chacune d'elle, une aventure. La forêt, la ville des elfes, la ville des humains, la montagne. A chaque lieu, sa péripétie, son lot de passages obligés. Le grand échec de Jackson, ici et dans la trilogie, c'est que ces scènes ne se parlent jamais; il n'y a rien qui les lie, si ce n'est la linéarité du récit. La scène des tonneaux est virtuose, certes, mais elle n'est que ça. Elle ne mène à rien, elle ne répond à rien, elle n'est que beauté plastique. Aussitôt vue, elle disparaît.
Ce qui était admirable chez Tolkien, c'est que chaque nouvel événement participait à la création d'un univers vivant, comme s'il y avait en permanence une musique qui se jouait derrière les péripéties. Je ne ressens pas ça chez Jackson, chez qui, lorsqu'une scène est à l'écran, est seule à se dérouler; on ne ressent pas qu'il y a un univers derrière, qu'il y a un mouvement vital derrière la linéarité, et plus grave, qu'il y a des personnages qui participent aux événements. J'en veux pour preuve : après trois heures de film, je n'arrivais toujours pas à savoir quel nain était qui, et finalement, je m'en fichais éperdument. Il y en a trois ou quatre qui sortent du lot (le chef, le vieux, le gros, et le romantique), mais c'est trop maigre.
Finalement, et ça me chagrine d'en arriver à une telle conclusion alors que La désolation de Smaug est un film vraiment généreux et ludique, je trouve que le cinéma de Jackson est un cinéma sans enjeux. Il ne dit rien au-delà de lui même, c'est à dire que c'est une grammaire bien apprise, mais qui ne parvient pas à m'enthousiasmer.
Donc voilà,
3.5/6.
3 ans plus tard, j'arrive à la même note, mais, après avoir revu la première trilogie l'année dernière, pas vraiment pour les mêmes raisons. Il y a, contrairement à ce que j'écrivais, une vraie grosse différence qualitative entre les deux.
Je trouve le film un peu plus solide que le premier, même s'il est toujours aussi moche, avec ses couleurs numériques misérables que n'importe quel plan en dur enterre la seconde d'après. Mais je trouve l'ensemble un peu plus incarné, plus cohérent, avec le début de la corruption de Thorin qui donne quand même un sacré coup de fouet à des caractérisations jusqu'ici vraiment plan-plan et archétypales.
Sinon, ça bouge bien, c'est cohérent, ça fait le taf.