Les avis dithyrambiques du forum m'ont vraiment donné envie de voir le film. Au début j'ai eu peur de la bande-annonce, de son côté pompier qui me semblait bien loin de Del Toro. Mais au final le pompiérisme, bien que présent, est plutôt bien dilué dans un film subtil au sentiment de désespoir assez présent. Les humains ont pour moteur l'arrogance lorsqu'il n'ont plus aucun choix.
Pour moi, ZE SCENE du film est celle où l'on revit le trauma de Mako enfant. À ce moment, la force visuelle élève le film au rang de film de Kaiju ultime, avec ces contre-plongées vertigineuses sur la bête. L'horreur. Et cette douce lenteur cauchemardesque qui s'attarde sur le visage de la jeune Mako évoque admirablement le manga. L'espace y est hyper bien géré, calculé. À ce moment, j'étais à 5/6, comme pour Hellboy 2.
Mais pourquoi diable le film n'est-il pas à la hauteur de cette scène? Ça me désole.
Pourtant, il y avait des personnages formidables. D'abord ce trafiquant d'organe de Kaiju joué par Ron Perlman. Mais plus particulièrement ces deux savants (ce mathématicien sorti d'un film de la Hammer et ce scientifique geek à la gueule de J.J. Abrams). Leurs scènes figurent facilement parmi les meilleures du film, et j'ai reconnu là le Guillermo Del Toro déjanté que j'aime bien. Là aussi j'étais à 5/6.
Alors, qu'est-ce qui cloche? Malheureusement ce pourquoi le film a été conçu. Ces scènes de bastons entre Kaiju et Jaeger, chorégraphiés sans passion à l'image de cette piètre et ennuyante scène de combat sélective entre l'humaine Mako et l'humain Charlie (à la différence que chacun des plans a coûté des milliers). Bien sûr, il y a des trucs inouïes qui m'ont sorti de ma torpeur, comme ce Kaiju qui se met à voler et fighte le Jaeger dans l'espace. Mais c'est bien trop peu. Il n'y a pas assez de délire dans ces scènes. La plupart du temps c'est monotone, sans panache, sans inventivité, avec un systématisme dans l'action (du genre le Jaeger défonce la gueule au Kaiju, puis c'est au tour du Kaiju de défoncer la gueule au Jaeger. Et ainsi de suite. On attends chaque coups, comme dans le fight mal chorégraphié entre Mako et Charlie. Rien ne surprend. Parfois il y a des morceaux qui tombent. Ça souffre de part et d'autre. Mais au-delà des fulgurances sus-nommées, il n'y a pas de tension ni de progression dramatique forte, pas non plus de tactique de combat très intéressante cinématographiquement parlant. C'est comme de regarder un pote jouer à Mortal Kombat. On ne se sent pas impliqué). Et le pire c'est qu'en plus de ce systématisme, le film donne l'impression de se répéter à travers ces scènes. Comme plusieurs l'ont fait remarqué, elles se passent quasiment tous en mer, la nuit. Rien ne les distingue vraiment les unes des autres. C'est pourquoi je suis passé de spectateur qui jubile (devant le rêve de Mako) à celui de specateur somnolant. Pourtant, ce n'était pas l'intérêt qui manquait (d'ailleurs j'ai toujours ma collection de figurine Transformers des années 80).
Peut-être qu'il manque, très tôt dans le film, cette scène de menace où le Kaiju entre en ville et décime les gens en grande quantité (on voit quelques plans de destruction dans le prologue, mais ça ne suffit pas j'ai l'impression). Il y a bien le rêve de Mako, mais il n'implique qu'elle. Il aurait fallu impliquer le peuple un peu plus. Peut-être que les scènes de bastons qui s'ensuivent aurait été plus implicantes.
Je n'ai pas vu le film en IMAX malheureusement, ni en 3d. J'ai l'impression que ça a joué sur mon appréciation de ces scènes. De plus, j'étais assis au milieu de la salle. Les scènes de combats, pratiquement tous filmés en plan très rapprochés dans la noirceur avec des secousses sysmiques secouant la caméra et des goutelettes qui te tombent à la gueule, étaients tous irregardables à ce niveau. Quand pour bien apprécier un film, tu te dois de t'asseoir à l'arrière de la salle complètement, il y a un sérieux problème avec le film (on appelle ça un film pour iPad?). J'ai l'impression que Del Toro n'avait aucune inspiration pour filmer ces scènes. Il s'en est tenu à la nouvelle gimmick populaire qui est de rendre le tout réaliste, en gros-plan, comme si on était dans le cockpit du Jaeger, avec la nervosité de la caméra et la prolifération de supra-détails. Je savais Del Toro intéressé par la peinture, mais une peinture ne fait pas nécessairement une belle image mouvante. À un certain moment du film, on se rend compte que l'intérieur de la gueule d'un Kaiju est bleu fluo. Son gosier est la seule chose qui ressort dans l'image, alors qu'on essaie de se spatialiser dans un plan hyper chargé et sombre. Pas évident. Disons qu'on touche à l'abstraction à certains moments. N'est pas James Cameron et Peter Jackson qui veut (quand tu te dis que même la caméra chaotique de World War Z est plus lisible même au milieu d'une salle, il y a un problème aussi). À ce point, j'aurais préféré y voir deux types en costumes se fightant très simplement dans une bassine d'eau que d'assister à un tel spectacle de sur-sophistication réaliste aux supra-détails tellement nombreux que tu ne vois que dalle. C'est pire que le Transformers de Bay. Il n'y a aucune forme qui ressort de l'amas abstrait, alors que pour toucher l'imaginaire d'un enfant, un certain minimalisme est préférable pour que naisse la magie. Je ne sais pas qui a été le premier à croire qu'il fallait en faire des tonnes niveau sophistication pour que les gamins y croient. C'est franchement oublier Mélies, et le premier Godzilla.
Par moment dans Pacific Rim, il n'est plus du tout question de fantaisie tellement tout est parfait à l'écran. C'est le réel avec un grand R. Le réel dépourvu du moindre zeste de folie qui pouvait rendre les Avatar de ce monde tolérable. Au point tel que j'ai pris plus de plaisir à regarder les scènes de bastons de Power Rangers The Movie, même si c'est du 2.5/6. Shame on me! Mais au moins, il n'y avait pas de tentative d'amoindrir la ringardise à coups d'hyper réalisme. Le ludisme y était pur, loin des ambitions formelles appliquées jusqu'à l'ennui. Le sommeil m'a d'ailleurs gagné pendant les dernières scènes de bastons de Pacific Rim. Je ne sais trop si c'est à cause de leur répétition ou de leur sophistication, mais j'ai dormi comme un loir. Assommé, j'étais. J'ai roupillé pour mieux me réveiller au moment où les bastons se terminaient, là où il y avait vraiment du cinéma, là où il y avait de l'artisanat. C'est bien ça qui est dommage, car il y a bel et bien un film fort disséminé entre ces scènes de combat. Les personnages sont dessinés grossièrement, mais l'énergie entre eux fonctionne admirablement. Leur look aussi. Même le personnage principal, que certains trouve fade, arrive à porter le film . Il est certains que ça aurait pu aller plus loin. Et c'est bien dommage que Del Toro renonce à ce qu'il avait développé dans certaines scènes (Le trauma de Mako n'aura finalement été utilisé qu'à des fins sentimentales, puisque la façon dont elle le surmonte n'est pas vraiment développé. Et ce fameux lien nécessaire aux pilotes des Jaeger, cette mémoire commune dans laquelle ils prennent force, est une bonne idée. Mais c'est à peine développé. Del Toro ne s'en sert pas vraiment dans le scénario pour tisser des liens ou des conflits digne de ce nom entre les personnages. Il y avait pourtant là beaucoup de matière à rendre le film plus engageant.)
Au final, Pacific Rim est peut-être le film le moins barj, le moins fou, de son créateur. J'aurais aimé que Ron Perlman gagne une plus grande place, que les scientifiques prennent le contrôle et amène le film dans une science-fiction plus hardcore. Oui, je sais qu'il s'agit d'un film de monstre géant, mais il est dommage que Del Toro se soit piégé dans un projet structuré comme un film de boxe à la Real Steel. Et c'est dommage que tout se passe dans la même pataugeoire au large des grandes villes du monde. Je me mets à la place de Del Toro, et je me dis qu'il a dû en chier de devoir réaliser des scènes quasi semblables. À mon avis il n'a pas assez osé ou il s'en est ennuyé, déléguant à son équipe d'effets-spéciaux le soin d'apporter vie à tout ça. J'ai senti qu'il était plus à l'aise et impliqué avec tout ce qu'il y avait autour (seule chose qui fonctionne). C'est mon impression. Au final, Del Toro aura peut-être été trop poli et révérant envers le genre.
Et ramenez-nous les costumes en caoutchouc!;-)
3/6