Qui-Gon Jinn a écrit:
Karlito a écrit:
Puck a écrit:
Là où ça se complique pour moi, c'est que Polanski n'a pas fait face à la justice.
C'est là qu'est l'os.
On va pas se mentir: même s'il avait purgé une peine à l'époque, le backlash anti-"culture du viol" est tellement fort en ce moment qu'il y aurait sans doute eu polémique quand même.
(ceci dit, peut-être que s'il avait purgé une peine il ne serait pas la star qu'il est aujourd'hui, qui sait ?)
Non non il était vachement connu dans les années 60 et 70, Chinatown, Rosemary's Baby, le Bal des Vampires et le Locataire sont cultes pour la génération de mon père, un peu l'équivalent de l'aura de Kubrick, avec un côté plus européen et Nouvelle Vague (il est mystérieusement arvenu très jeune à se mettre au carrefour entre plusieurs courants importants et irréconciliables de l'époque: cinéma de la glaciation de l'Europe de l'Est, Nouvelle Vague française, amorce du Nouvel Hollywood, film théâtral réactivant le jeu elisabethéen à l'anglaise dans un contexte post-68 post hippie, post-Altamont -son Macbeth est très bon). Manchette dans son journal est vraiment ému et profondément navré au moment de la mort de sa femme et écrit des lignes qui peuvent relier l'affaire Polanski à cet évènement ultérieur. Pourtant, il n'a pas la compassion facile lorsqu'il parle de ses contemporains, mais avec Polanski il est admiratif. Finalement dans ses films comme dans sa position, il y a l'idée d'une violence (en partie donnée, en partie subie) qui concilie de manière inexplicable les contraires, et à laquelle le juste n'échappe pas non plus, même s'il le souhaiterait (mais atteindre réelement l'innocence désirée ce serait donner à la persécution la valeur d'un privilège métaphysique...justement ces films déjouent cela, Polanski n'exploite pas un rapport de "victime fondamentale" à la Shoah qui fonctionnerait comme un filon).
Pour ma part je n'ai pas d'avis pertinent sur l'affaire Polanski, ce marronier éternel. Je crois qu'il ne faut pas se soustraire à la justice mais ne pas l'absolutiser moralement non plus, il peut y avoir une violence de la justice, et un formalisme et de la rhétorique qui l'annulent de l'intérieur. Elle a par exemple réussi à acquiter Bernard Westphael en Belgique qui a un comportement autrement plus choquant (et déconnecté du réel...le mec veut refaire de la politique, de quoi tuer la ligne Mélenchon pour 200 ans en Wallonie) que Polanski. Par ailleurs les arguments pour défendre la victime peuvent aussi l'enfoncer, la vague puritaine et antiféministe actuelle et la logique des réseaux sociaux qui permettent de s'improviser procureur public du présent et du passé incluent souvent ensemble à la fois Polanski et sa victime (on glose sur les causes de se rétractation, son éducation, ici on commente même son cul tout en chargeant Polanski...tout le monde s'y retrouve un peu trop facilement en somme).
Je crois que Polanski a dans sa personnalité un côté maso-mégalo, compulsif, qui travaille bien dans son cinéma (tous ses films sont un peu des autoportraits détournés, la violence y est toujours du même ordre, et rattrape toujours le protagoniste central) mais le dessert dans le réel (tourner Tess avec la Kinski juste après l'affaire était un peu une provocation, et une manière d'inscrire ce scandale comme une signature d'auteur, même si le film est bon). Dans ses films récents the Ghost Writer est très bon, le Pianiste intéressant par le raccord entre son masochisme et une lecture arendtienne de l'extermination des Juifs d'Europe. Quant aux Césars la cérémonie ne représente pas vraiment grand chose.