C'est l'heure des quotes. Globalement je trouve l'affaire complexe et je comprend plein d'arguments qui l'entourent. Je trouve juste que les réponses manquent de nuance et de contextualisation. C'est surtout ça qui me fait chier.
Film Freak a écrit:
Encore faudrait-il qu'il l'ait payé. On peut entrer dans les détails de la première condamnation et de l'acharnement du procureur de l'époque mais le mec a tout de même fui la justice.
Il a reconnu sa culpabilité et ensuite il a fui, oui, mais dans un certain contexte, tel que décrit ici par Geimer:
Il a aussi indemnisé la meuf (tardivement sans doute et trop peu peut-être, mais il l'a fait), et ça on en parle peu.
Film Freak a écrit:
Le problème c'est que cela ne concerne pas uniquement Samantha Geimer, cela concerne toutes les victimes de viol (voire même toutes les victimes potentielles de viol). C'est une chose de faire la part des choses entre l'oeuvre et l'homme mais pousser le vice jusqu'à le foutre président d'une cérémonie médiatisée, c'est accentuer la normalisation ou plutôt la minimisation de son acte. Dans un monde où il est encore difficile de réussir à faire condamner un violeur, parce que la parole de la victime n'est pas suffisamment prise au sérieux, parce qu'on est encore dans une société patriarcale où l'homme (blanc cis hétéro
) est privilégié, qui plus est quand il s'agit de célébrités, un système, une industrie, un peuple qui continue à "cautionner" de la sorte n'aide pas à faire progresser les choses. Et cette attitude néfaste se retrouve partout, dans l'Académie des César qui ferme les yeux jusque dans les articles qui n'évoquent presque jamais le mot "viol" ou "mineure".
On est entièrement d'accord là-dessus. Pendant hyper longtemps c'est des trucs qui ont été tus et il y a maintenant une prise de conscience.
Mais c'est surtout le timing par rapport à ce mec-là qui me gêne. Et c'est pour ça que j'évoquais le droit à l'oubli et la prescription, même si pas forcément dans leur sens strictement légal. Le mec qu'on "punit" (si tant est que priver un mec de faire un discours dans une cérémonie pourrie serait une punition) n'est plus la même personne qu'il était il y a quarante ans. Je ne parle pas en bien ou en mal, j'en sais rien, mais c'est aussi le sens de la prescription: la personne n'est juste plus la même.
Alors après il y a la dimension symbolique de lui refuser tout honneur, mais là encore j'ai l'impression qu'il s'agit d'un défouloir a posteriori. C'est même pas comme si ce viol n'avait été révélé que récemment, non, c'est un truc dont on a déjà parlé moult fois au cours des années ; ou comme si la victime réclamait encore justice. C'est juste qu'on est dans un moment culturel de backlash (et je dis pas ça de manière méprisante) contre la culture du viol, comme en atteste la libération de la parole sur Bill Cosby ou Donald Trump ou d'autres (c'est pas pour rien que maintenant un seul tweet a suffit à allumer la polémique, polémique qui n'a pas prise lors de sa dernière compétition à Cannes ou à la sortie de son dernier film), et que parfois on perd la notion de contexte.
Bref, pour résumer:
- Il y a un problème dans la manière dont le crime de Polanski a été longtemps néantisé dans le monde du cinéma
- Je comprend que certains puissent être gênés et aient du mal à faire abstraction
- Il est évident que certains défenseurs de Polanski sont terriblement à côté de la plaque et (involontairement) insultants
- Le mec n'a pas purgé de vraie peine mais il a reconnu sa culpabilité, a indemnisé sa victime, n'a pas récidivé
- C'était il y a quarante ans (malheureusement ça fait aussi partie du contexte) - je ne dis pas que ça amoindrit la gravité du crime, juste que ce n'est plus la même personne dont on parle
Tout ça pour dire que je trouve qu'il y a tellement d'autres cas récents/cachés/récidivistes/niés ou autre qui peuvent servir de wake up call que ressortir littéralement quarante ans plus tard cet affaire-là sur ce mec-là n'a pas vraiment de sens, si ce n'est celui de se défouler et montrer que "maintenant, on laisse plus rien passer" (même quand c'est vieux, même quand le mec a reconnu, même quand, etc, etc, etc.). Je comprend la position de principe mais il y a des choses qui me gênent.
Vous comprenez maintenant pourquoi j'avais du mal à tenir en 140 caractères.