Réponse tardive, désolé. Mais beaucoup de boulot en ce moment et le débat commence à devenir trés long...
The Scythe-Meister a écrit:
Certains aspects de la science, l'architecture (non-artistique), d'une manière générale la résolution de problèmes...
Est-ce du même ordre tout ça ? Peut-être... j'en sais rien en fait. Cela dit en ce qui me concerne, il n'y que l'art qui m'intéresse ici. Et pour moi du cinéma sans art ce n'est pas vraiment du cinéma (ou alors du cinéma sans intérêt).
The Scythe-Meister a écrit:
Est-ce que ca en fait du mauvais cinéma? Du "faux" cinéma? Je trouve ca abbérant tellement ca nie des centaines d'oeuvres dans le cinéma et ailleurs.
Après tu défends l'art comme moyen d'expression... mais s'exprimer, c'est aussi exprimer du sens!
Quel oeuvres fondamentales nie-je ? Soderberg ? George Clooney ? Gondry ? J'ai pas l'impression de raté grand chose...
Ensuite qu'un film est du sens, soit, c'est une chose, mais de vouloir donner une signification à chaque plan, chaque figure de style, c'en est une autre. C'est palier le manque d'inspiration par un procédé artificiel. Mais c'est aussi, et surtout, limiter la porté de son film, en faire un objet résumable à ses procédés d'articulations, c'est le privé de toutes émotions, car on prive le spectateur de ce rapport privilégié qu'est l'échange qui s'opère entre lui et l'oeuvre au moment de la vision du film. On lui donne une signification toute faite, une raison d'être pré-établi à l'existence du film. Que lui reste-t-il a faire alors ?
Comment cette banane de Clooney compte-t-il me sensibiliser contre le Maccarthysme avec son noir et blanc maniéré, ses plans léchés et son Jazz en fond sonore ? Moi ça me laisse complètement indifférent quand je vois ça, j’ai pas envi de me rallier à sa cause. Tandis que quand je vois Chaplin regarder un enfant brisé, qui pleure en silence dans
un roi à New York, là je suis touché, là je me dis que le Maccarthysme c’est effectivement dégoûtant.
The Scythe-Meister a écrit:
Je ne confonds rien du tout... parce qu'il n'y a pas de différence. Quel est le sens qui existerait en dehors de la lecture des spectateurs? Quel est ce sens qu'on pourrait affirmer de manière absolue? Celui que tu as décidé toi? Il n'y a rien d'autre que des interprétations, et je n'ai jamais cherché à dire une signification objective... je mettais l'accent sur des mécanismes de donné du sens, ce n'est pas la même chose.
Ok, nous sommes d'accord sur ce point (champagne !). Pour moi, c'est là que réside la force du cinéma.
Et c'est ça que je reproche aux filtres de
Traffic, c'est leur fonctionnalité, le fait qu'ils soient là, non à des fins expressives, mais comme repère spatial, qu'à chacun soit attribué un lieu donné. Peux-tu comprendre (je suis certain que oui) qu'il s'agit là d'une limite ? Que ça n'a aucune porté, que ça encourage même la paresse du spectateur (en lui faisant croire qu'il est intelligent d'avoir compris l'astuce) ?
Je veux dire que c'est nul ! C'est de l'astuce, du bidouillage, mais en aucun cas du cinéma dans le sens où ce n'est pas porteur d'émotion car limité, fermé, condamné...
The Scythe-Meister a écrit:
Tetsuo a écrit:
Je pense que le cinéma est un vecteur d'émotion. J'y vais pour être ému.
Et tu ne peux pas concevoir que certains y aillent pour autre chose sans que ca fasse du cinéma qu'ils apprécient des films sans inspiration, mauvais ou je ne sais quoi?
Très franchement, j'ai beau me creuser, je ne vois vraiment pas d'autre raison d'aller au cinéma que pour être ému. Va falloir m'expliquer.
The Scythe-Meister a écrit:
Tetsuo a écrit:
L'idée est la même.
Heu si tu crois que Magritte et Duchamp c'est la même chose il y a un problème...
Je parle de l'idée du tableau résumable à un concept, pas des deux peintres.
The Scythe-Meister a écrit:
Arrête de dire que je confonds quoi que se soit. Là tu appliques des théories arbitraires. Qu'est-ce qui te permet de dire que les tableaux des surréalistes ne valent que par leur idée-concept? Chez Duchamp oui. Mais n'est pas un surréaliste!
Ha ! Tout de même. Si ce que je dis sur Magritte ne te plait pas, tu n'as qu'à reprendre mon exemple initial et comparé Duchamp et Bacon. On pourrait repartir de là mais je vais quand même te répondre sur Magritte, sinon tu vas encore te plaindre que j'élude tes arguments...
The Scythe-Meister a écrit:
Chez Magritte, le traitement est la plupart du temps aussi important que la représentation, pareil chez Ernst ou Dali... Prends "L'empire des lumières"... est-ce que le tableau se résume au concept d'user d'une lumière irréaliste? Bien sur que non, c'est la réalisation de cette idée qui crée le tableau, sa mise en forme, dans le contraste entre la maison et le ciel, dans la séparation des deux scènes et la distinction des deux lumières... D'ailleurs Magritte explique dans un texte qui accompagne ce tableau que la conception du tableau n'est pas visible, on ne peut pas voir un idée... ce que le tableau représente, "c'est ce qui est visible pour les yeux, c'est ou ce sont les choses pour lesquelles cette idée était nécessaire." Ce n'est pas du tout un rapport du collage d'un sens à une image, mais un rapport de représentation...
Il ajoute : "cette évocation de la nuit et du jour me semble douée du pouvoir de nous surprendre et de nous enchanter. J'appelle ce pouvoir : la poésie." Ca va en l'encontre de tout ce que tu dis...
Il faudrait que je sois aveugle pour ne pas voir qu'il y a une certaine grâce dans ce tableau, quelque chose d'envoûtant. Assurément, Magritte a du talent. Mais, je trouve que ça repose néanmoins sur une idée-concept qui alourdit considérablement le tableau. Je trouve que ça limite énormément sa porté (je trouve ça chiant finalement ce genre de "trucs", c’est facile). Pour moi il aurait gagné à s'en abstenir, et à peindre un ciel de nuit. Et tu peux m'apporter toutes les justifications du peintre que tu veux,
ça ne changera en rien ma perception. En l'occurrence je trouve ça un peu facile (et présomptueux) de qualifier son phénomène d'inquiétante étrangeté de poésie.
The Scythe-Meister a écrit:
Si on prend le fameux "le trahison des images", on est plus proche de ce que tu critiques. On est ici dans une forme de représentation d'une idée. Mais est-ce que pour autant le tableau se résume à l'idée qui en amène la création? Non, l'idée, le concept, c'est justement la création d'un tableau qui donne à penser sur la nature du tableau lui-même... sans le tableau, sans cette pipe là, l'idée n'est rien d'autre qu'une idée parmi d'autres. Certes, on est plus dans les catégories formelles traditionnelles, mais ca ne rend pas l'oeuvre négligeable pour autant. Le concept appartient au processus de création, la création elle-même comme oeuvre ne s'y résume pas, et regarder le tableau, l'experimenter ne consiste pas à retrouver le concept derrière le tableau, mais à être dans un questionnement uniquement rendu possible par la forme du tableau, aussi banale techniquement soit-elle.
Bref, il faut arrêter de tout généraliser!
Je ne généralise pas, j'avais donné des exemples précis.
Bon, je dois bien avouer que tu défends bien ton affaire. Cela dit, plus je parle avec toi plus je me rend compte à quel point l'idée de concept en art me gène, je trouve ça presque antinomique. Pour moi un concept existe en soit, en dehors de l'oeuvre. Le peindre, revient à l'illustrer. On peut l'illustrer avec talent (Dali), mais ça s'arrête là, ça ne dépasse jamais le statut d'une idée
mis en image. De la même manière que certains films ne sont que
des scénario illustré.
Pour moi ce n'est pas ça un acte de création artistique, ce n'est pas cette distinction nette entre la forme et le fond, trop visible, trop séparable, trop indépendant l'un de l'autre. Ca peut-être brillement exécuté, je trouve ça trop simpliste comme manière de faire, trop évident.
Je ne dis pas que les surréalistes c'est nuls, que c'est vide ou quoi, mais que, au final, ça ne va pas bien loin (et ce "questionnement" dont tu parles ne serait que celui de la forme envers le fond, dans le cas de
l'empire des lumières : rendre visible un paradoxe).
The Scythe-Meister a écrit:
Mais c'est très facile de "définir" "le radeau de la méduse". On peut dire que c'est "une représentation picturale du naufrage de la frégate La Méduse de 1816". Ca ne fait pas exister le tableau dans son concept pour autant, ou alors ca en fait exister une infinité de tableaux possibles. En fait ce n'est pas une définition, mais une description, dans les deux cas. On peut le faire avec tous les tableaux. Je pourrai décrire la joconde avec les moustaches d'une autre manière, dire "c'est le portrait d'une femme avec deux étranges traits noirs sous le nez" (si je ne suis pas de culture occidentale par exemple, si je ne connais pas la joconde). Il y a sans doute plus de manières de décrire "le radeau de la méduse" que le tableau de Duchamp mais ca ne crée pas une différence ontologique pour autant. On peut formuler un concept d'un tableau, mais ca ne fait pas exister le tableau précis, ca permet juste d'en imaginer une infinité... Ontologiquement, c'est faux de dire que la tableau existe avant. A moins de croire au monde des idées de Platon.
Et bien je ne suis pas d'accord. Tu résumes là le sujet
du radeau de la méduse, mais impossible de visualiser quoi que ce soit d'après ce que tu dis, tandis que "un portrait d'homme avec une tête de pomme" c'est déjà plus parlant. Le problème du concept c'est qu'il vampirise le reste, il est au centre de l'oeuvre, et empêche cette dernière de s'élever. J'ai d'ailleurs toujours eu de très grosse réserve sur l'art conceptuel.
The Scythe-Meister a écrit:
Comme c'est toi qui le dis dans le cas de Traffic et le reste... donc tu assumes bien que ta distinction est totalement subjective!
Tu sais, honnêtement, le débat objectivité/subjectivité je me le suis farci dix milles fois. Avant j'étais pour le tout objectif, convaincu qu'on pouvait dire d'un film si oui ou non, de manière absolue, il était bon ou pas. Et en fait je me rend compte aujourd'hui que je m'en fout un peu de tout ça. Je pense qu'un film ça se vie avant tout, c'est une expérience personnelle, propre à chacun. Ce qui est intéressant, dans le font, c'est ce qu'on va en ressortir, en extraire nous même, fort de nos goût et de nos vies.
Je comprends la fameuse phrase d'Oscar Wilde quand il dit qu'il y a une part d'autobiographie dans une critique. J'ai mes convictions sur l'art, le cinéma, la morale etc... De leur alliance avec ma sensibilité je me forge un avis. Après est-on d'accord avec ces convictions ? Je crois que c'est la vraie question, plus de savoir si c'est objectif ou pas (ce qui ne veut pas dire grand chose…).
Et il ne faut pas prendre ces convictions comme une "grille de jugement" comme les nomme bêtement karloff (qui n'a vraiment rien compris à Daney), mais comme le fait que je crois en quelque chose, quelque chose que je veux défendre. La critique c'est autobiographique mais aussi politique.
The Scythe-Meister a écrit:
Non, tu viens de prouver le contraire, en ramenant tout toujours à des arguments fallacieux fondés sur des théories arbitraires et des décisions que tu prends personnellement pour juger les films.
Quelles types de décisions prends-tu pour juger des films ?
The Scythe-Meister a écrit:
Mais bien sur que non... je les rapprochais juste sur des points précis que j'ai expliqué plus haut et sur lesquels tu n'as pas répondu, incapable que tu es pris dans tes théories fermées sur elles-mêmes.
Puisque tu y tiens je vais y répondre à ton satané paragraphe, sinon je sens que tu vas me le reprocher pendant mille ans :
Citation:
Ces histoires de sens qui préexistent... je trouve qu'on retombe très vite dans une conception hyper-formaliste du cinéma. Tu citais Carpenter, mais c'est un réalisateur qui utilise à fond son histoire et son scénario, et qui surtout un excellent cinéaste de récit. Sur beaucoup de ses films, sa mise en scène concerne l'efficacité beaucoup plus qu'un surcroit de signification par rapport au scénario. Il met vraiment en scène, dans une conception classique d'efficacité de la naration. Prends la manière de filmer l'ennemi dans Assaut, toujours de loin, comme une masse indifférenciée, on est en plein dans ce concept préétabli que tu reproches à la mise en scène de Soderbergh!
Mais pas du tout ! Ca c'est de la mise en scène pure, ça rejoint exactement ce que je te disais sur son rapport au monde, un rapport extrêmement angoissé et tétanisé, ou le danger est invisible et omniprésent. Aucun concept pré-établi là-dedans, mais simplement le choix de montrer (ou pas) quelque chose d'une certaine manière, ce qui est une démarche purement cinématographique.
Ce qui est très différent de donner une signification, une fonctionnalité, au moindre élément de la réalisation et d'y enfermer ainsi le film. Carpenter c’est pas que de l’efficacité, c’est une vision du monde.
The Scythe-Meister a écrit:
Tetsuo a écrit:
Mais bien sur, mais moi je ne parle que de cinéma. Quand je dis que "la peur ne peut être sucitée que cinématographiquement" j'entend bien au cinéma.
J'aurais tendance à dire que tu ne dis pas grand chose en disant ca...
Je dis simplement qu'on peut difficilement tricher avec la peur au cinéma, qu'une histoire effrayante ne suffit pas pour la susciter (contrairement à la compassion et la tristesse qui bien souvent se contentent de pathos du type
Love story etc...). C'est pourquoi les films qui font le plus peur ont souvent était mis en scène par des grands cinéastes : Murnau, Hitchcock, Kubrick, Polanski, Carpenter etc...
The Scythe-Meister a écrit:
Oh si je saisis très bien, ce que tu dis n'est vraiment pas compliqué, c'est toi qui restes planté comme un piquet sur tes idées sans saisir les vraies subtilités importantes. Je te renvoie aux questions du code, du rapport au récit et à la naration, des mécanismes de donné du sens, du rapport au scénario et au préconçu, de la légitimité de différentes manière de faire de l'art, et toi tu restes butté sur ton idée du rapport entre concept et représentation, alors que c'est beaucoup plus complexe et raffiné qu'une simple distinction entre concept/representé et forme qui se donne son propre sens...
Je suis vraiment obligé de te répondre là ?
The Scythe-Meister a écrit:
Non, tu peux avoir une opinion, mais dire que toutes les filmo d'un réalisateur et d'un acteur sont nulles en généralisant à partir d'un seul film n'a pas grande valeur si tu veux être crédible.
Tout d'abord je parlais de la filmo de Clooney, dont j'ai vu la majorité des films qu'effectivement je trouve totalement inintéressants (Sauf
Batman et les
Tomates). Ensuite, ça a dévié sur Soderberg, dont les films que j'ai vu (quatre au total) me laisse de marbre (avec un soupçon d'irritation), à l'exception de
Traffic, qui est vraiment du foutage de gueule, qui est vraiment ce que je déteste le plus au cinéma. Je n'ai franchement pas l'impression d'avoir un point de vu illégitime là.