Allez, une fois n'est pas coutume, je vais m'allier à Swinton.
THX 1138 (1971) Découvrir le film bien des années après que Lucas soit devenu l'homme que l'on connaît aujourd'hui offre une expérience assez hallucinante. J'ai eu la chance (ou pas) de le voir pour la première fois dans les meilleures conditions possibles (Director's Cut Remasterisé projeté sur l'un des plus grands écrans d'Europe) mais je n'en garde finalement plus grand chose aujourd'hui si ce n'est son magnifique dernier plan. J'ai le souvenir d'un bon film trop froid pour ma part mais il ne me déplairait pas de le revoir.
American Graffiti (1973) Sorte d'ancêtre du teen movie, avec son aspect choral qui cerne à merveille la fin de l'insouciance adolescente. Culte.
Star Wars Episode IV: A New Hope (1977) Même si je voulais mettre une note à ce film, ce serait impossible. Parce qu'il nous est impossible de recontextualiser. Aujourd'hui, on peut le trouver un peu simple, un peu lent, un peu cheap même peut-être mais pour la plupart des membres de ce forum, il est impossible d'imaginer ce que cela devait être de découvrir un tel film à l'époque. Cette formidable digestion d'influences incroyablement diverses en un tout cohérent qui donnait naissance à un univers comme on en avait jamais vu (d'aussi expertement et sérieusement réussi) au cinéma. Avec les suites et les préquelles, cet épisode paraît tout petit, voire insignifiant. Mais c'est la BASE.
Star Wars Episode I: The Phantom Menace (1999) Star Wars Episode II: Attack of the Clones (2002) Star Wars Episode III: Revenge of the Sith (2005) Lors de mon avant-dernier revisionnage de la saga en intégralité, j'écrivais ceci :
j'ai été surpris de constater qu'en fin de compte, les épisodes V et VI aussi étaient assez peu "complexes" dans leur narration. Il s'y passe réellement très peu de choses. Ce qui est vraiment riche c'est qu'il s'agit sans doute du premier véritable exemple de world-building au cinéma. En littérature, en BD, ça existait évidemment depuis longtemps. En comparaison, les épisodes I, II, et III font un réel effort à ce niveau-là vu qu'ils racontent l'ascension politique de Palpatine, c'est super tordu. Certains diront tirés par les cheveux, moi j'apprécie la complexité parfois confondante des magouilles du futur Empereur.
Au-delà de toutes les conneries (la décision de faire de l'Episode I un film pour gosses, faisant d'Anakin un gamin - joué par un Jake Lloyd horrible qui se croit en 1999 et balance des "Yippee" et autres commentaires pseudo-comiques durant la bataille finale - et créant l'inénarrable Jar Jar - qui marche dans du caca, qui se fait péter dessus, qui nous fait du burlesque durant la bataille finale ; les scènes culcul la praline de la romance du II), il y a un vrai effort dans l'intrigue, dans la mise en place. Et j'aime la nouvelle richesse de l'univers, on y voit plus de planètes, plus de peuple, plus de tenants et d'aboutissants. Et en même temps, jamais Lucas ne perd de vue l'aspect série B épique (la course de pod à la Ben Hur, l'enquête de film noir au début du II, l'arène de gladiateurs à la fin, et le début de la Guerre des Clones!).
Au niveau des personnages aussi, j'adore Han et Leia, mais ils restent globalement plus unidimensionnels que les personnages de la prélogie. Han Solo, aussi badass soit-il, n'est dans le fond pas très intéressant comme personnage, c'est pas vraiment un protagoniste quoi. Les sentiments qui animent Obi-Wan et Anakin dans les Episodes I, II et III sont quand même plus fouillés (et en passant, ceux qui considèrent que Darth Maul crève comme une merde devraient repenser à la manière dont Darth Vader est dispatché dans l'Episode IV, tournoyant comme un con dans son petit vaisseau étriqué, dans le genre traitement indigne de figure iconique, ça se pose là). Même Jango est pas inintéressant (j'adore l'idée du chasseur de primes solitaire qui veut un clone de lui-même qu'il élève comme un fils). Dans les Episodes IV-V-VI, il n'y a vraiment que Luke (et Vader sur le VI) qui bénéficie d'une réelle complexité. Avec de belles choses poétiques qu'on ne retrouve pas dans les I-II-III, comme la scène de la forêt chelou sur Dagobah où Luke fait face à ses démons. J'aime même la symbolique lourde du gant noir dans le VI. Ca suffit à faire la force des épisodes V et VI avec les scènes de Skywalker père et fils face à face. L'issue des deux duels, celui du V ("No, I am your father") et celui du VI ("Fatheeeer!!!"), Ce qu'il se passe là, c'est mythique. Tragique. Le décor pas possible qui épouse la situation et le tourment du héros sur la fin du duel du V, la musique sur la fin du duel dans le VI, avec les choeurs super déprimants en fond, pfouaaaaah. Surpuissance. Et les duels sont encore plus ouf dans les I-II-III, notamment le dernier évidemment. De toute façon, tout le dernier acte de l'épisode III possède une force inaltérable, à partir de l'ordre 66 jusqu'à la fin, c'est la folie. Et la scène du casque et du premier souffle, c'est les frissons.
D'ailleurs, ce III est sans doute celui dont le rythme est le plus proche des anciens, ça prend grave son temps et en le regardant dans le contexte des 6 films, j'ai pas trouvé l'évolution d'Anakin aussi précipitée qu'autrefois et j'ai eu du mal à situer les rares choses qui m'avaient un peu déplu les autres fois (à part "I wanna have our baby back on Naboo, j'ai trouvé Portman moins foireuse que lors de mes précédentes visions"). Et puis il y a cette scène muette des regards qui est superbe, où se trouve tout le basculement du personnage...
Nan vraiment, le III est encore meilleur que dans mon souvenir. Et les duel finaux, c'est la teuf.
C'est autre chose que le combat de papys de la fin du IV avec le vieux barbu facétieux qui disparaît et l'autre qui tâte ses fringues du pied pour voir où qu'il est passé le couillon. Pareil pour les dogfights, qu'il s'agisse de la bataille sur Hoth ou de l'attaque de la 2e Etoile Noire (d'ailleurs, si j'ai un petit point noir à noter dans l'Episode VI, c'est plus ça que les Ewoks : la scène de la barge sur Tatooine est faible en comparaison avec Hoth et l'attaque de l'Etoile Noire fait trop redite avec l'Episode IV, même si l'intérêt est ailleurs, sur Endor et entre les Skywalker).
Faut dire que Lucas est le réalisateur le plus faible de la saga. Kershner et Marquand ont bénéficié du triple du budget de Lucas sur le IV mais ils s'avèrent quand même autrement plus dynamique. Quant aux épisodes I-II-III, je soupçonne les infographistes d'avoir fait le gros du travail. J'avais lu quelque part que la magnifique scène des regards de l'Episode III était l'idée de quelqu'un autre que Lucas. Le début de la Guerre des Clones dans l'arène, avec l'armée de Jedi fonçant dans l'armée des bad guys, provient de la fausse bande-annonce où un mec avait rajouté des sabres lasers sur des plans de Bravheart. Et puis copain Steven qui vient aider pour les duels finaux du III.
Mais bon, au fond, je m'en fous un peu. La saga Star Wars est sans doute l'oeuvre la plus collaborative qui soit. C'est pas juste Lucas, c'est aussi Dykstra, Kasdan, McQuarrie, Chiang, Burtt, etc. Des idées de Lucas au design des persos en passant par les SFX, et sans oublier l'apport des fans ("Vous aimez pas Jar Jar? J'excise le perso du II et du III. Vous kiffez Boba Fett, je fais de Jango Fett un élément-clé de la saga."). C'est le son du pod de Sebulba ou des charges sismiques de Jango. C'est le design des vaisseaux et des clone troopers. C'est le jeu de miroirs et d'échos entre les deux trilogies. Et c'est ça aussi la force (oooouuuh) de Star Wars. Les films ont leur lot de défauts, c'est absolument indéniable, mais quand un défenseur vous dit maladroitement en réponse "ouais mais c'est Star Wars!", c'est moins la parole d'un vendu sans argument que la manifestation d'une vérité concernant la saga : que le corps crée par ces films, cet univers, ces idées, est plus fort que la vulgaire somme de ses parties cinématographiques concrètes. Ca n'excuse pas les erreurs grossières que Lucas commet parfois mais ça explique pourquoi certains considèrent que Star Wars (qui n'est plus juste un ou plusieurs films, une ou deux trilogies, telle ou telle scène, mais une entité à part entière dont les éléments sont indissociables et forment un tout), it's more than that.
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