Forum de FilmDeCulte

Michel, professeur de mathématiques à la retraite, vit seul depuis la mort de sa femme et occupe ses journées à l’écriture d’un essai sur les croyances qui façonnent la vie quotidienne. Un jour, il recueille Dora, une jeune femme sans domicile fixe, qu’il trouve blessée sur le pas de sa porte et l’héberge le temps de son rétablissement. Sa présence ramène un peu de fraîcheur dans la vie de Michel, mais peu à peu, l’appartement devient le théâtre de phénomènes mystérieux.

Pour parler du film il faut déjà évacuer son amateurisme total. Son numérique tout plat, son montage ridicule, sa non-lumière (sauf sur quelques plans plus "travaillés"), le son très aléatoire (le générique indique "prise sauvage") et des trucs vraiment honteux comme quand une bouteille tombe d'une table et vient visiblement buter sur le pied de la caméra d'où un gros tremblement du plan. Mais Jean-Claude il refait pas la prise, il la garde telle quelle. C'est vraiment un film tourné avec rien dans l'appartement même de Brisseau avec quasiment aucune équipe technique (il y a 4 noms au générique, l'actrice principale est la première assistante...).

Alors si on peut se réjouir de la visibilité qu'un tel cinéma obtienne (bon surtout aidée par la carrière de Brisseau et son Léopard d'Or de Locarno) c'est aussi assez pénible à regarder. Non pas que ce soit tellement mauvais ou ridicule. D'ailleurs on est loin du ridicule des dialogues des Anges Exterminateurs. Mais le film ne contenant pour ainsi dire que deux acteurs dans un décors unique (le vaste appartement - littéralement rempli de bouquins, de DVD et de VHS - de Brisseau), on a vite fait d'avoir l'impression d'un petit film d'étudiant qui n'était presque pas censé être montré au public. Car ça ne raconte au final pas grand chose. Une espèce de relation filiale/incestueuse naît entre l'alter ego de Brisseau et la jeune femme alors qu'on discute phénomènes paranormaux et qu'on philosophe sur la foi. On retrouve les mêmes élement d'ailleurs que dans ses autres films, présence de figures féminines hautement sexualisées (même si c'est moins le cas ici ça n'empêchera pas l'actrice d'être nue dès sa deuxième scène) dans un univers qui ne cesse de digresser vers un fantastique étrange et onirique. C'est la même chose ici, Brisseau n'est que la victime passive de cette jeune femme qui amène chez ce vieil homme taciturne et solitaire de la magie et de la poésie. Ce sont d'ailleurs les meilleurs moments du film, quelques plans très poétiques au détour d'une porte, une apparition fugace au fond d'un couloir, une femme nue négligemment allongée sur un lit (l'exact même image qui traumatisait l'enfant dans De Bruit et de Fureur).

Mais au fond on en sort sans en tirer grand chose, le film n'échappe pas au ridicule et il faut des efforts considérables pour passer outre le contenant effrayant de nullité pour essayer de toucher un contenu quelconque. Alors finalement ce qui est plus touchant c'est presque le projet en lui-même et le cinéaste. Car quoi qu'on en dise Brisseau construit tout seul dans son coin une oeuvre riche bien qu'opaque et peu aimable. Et l'aspect hors-système de celui-ci, sa maladresse permanente et son amateurisme évident en deviennent presque émouvant. Car rien n'arrête Brisseau, il continue et continuera à faire ses films dans son coin et sa figure ogresque planera encore quelque temps sur le cinéma français pour le meilleur ou pour le pire.

2/6

_________________
CroqAnimement votre

Bon je pense que les efforts et la tolérance vont suivant chacun car pour ma part l'aspect bricolé du film m'a moins gêné plastiquement que Passion et sa photo horrible pour prendre un exemple récent... Le tout il faut dire repose essentiellement sur l’interaction ultra fluide et naturelle entre les deux personnage, et si à un moment je me suis mis à imaginer un acteur à la place de Brisseau (mauvais comme un cochon), qui donnerait plus de distance à tout ça, le trouble que provoque tout ce qu'accompagne inévitablement sa figure en l'opposant à ce type de jeune femme diapahane est finalement un plus indéniable dans la tension de la situation. Tout comme on sent finalement une implication très directe dans les intérêts littéraires exposé et les questions sur la vieillesse de son personnage... bref peu importe en fin de compte un réel comédien ou un autre décor, et je trouve que le gars évite quand même bien le narcissisme. On ne parle jamais de cinéma par exemple, à part qu'on sait que le gars tenait un cine-club... Les films regardés sont hors-champs aussi.
Les passages fantastiques et apparitions font penser un peu au père Rollin, mais il y a un plan supra flippant au milieu du film, et pas mal d'humour. Bref c'est très agréable, le film a de vrais moments de poésie et une belle dynamique, même si les dernières scènes avec l'espèce de suspens est un peu nul... et que le bouquin sur lequel les deux personnages travaillent a l'air aussi assez con (pas trop aimé les échanges intellectuels sur l'imaginaire véhiculé par les religions et la recherche de spiritualité "authentique", surtout pour déboucher sur cette citation de Van Gogh, c'est assez léger... et c'est dommage parce que ça aurait pu pousser en parallèle la dimension de "film essai "plus loin).