*MODE PARESSE ON*
Je copie-colle les petits commentaires que j'avais laissés sur l'autre topic.
Superbe décennie que celle des années 70. Mon top 15 :
1. APOCALYPSE NOW – Francis Ford Coppola, 1979
Aucun film n’atteint pour moi la démesure de cette évocation hallucinée du cauchemar vietnamien, fruit de la folie d’un artiste mégalomane à la rencontre de ses propres abymes. L’entreprise de Coppola, équivalent cinématographique de l’Enfer de Dante, est une œuvre avant-gardiste, visionnaire, déguisée en la plus coûteuse des superproductions. De la somptueuse photographie de Vittorio Storaro au souffle lyrique d'une mise en scène déployant une imagerie grandiose, de la présence de Marlon Brando, personnification de toutes les contradictions américaines, à celle de Robert Duvall, en officier brûlé par la démence qu’implique l’absence de toute barrière morale, tout y est sans égal. Marqué des sceaux de la barbarie et de la métaphysique,
Apocalypse now donne à ressentir le vertige né de la perte des garde-fous de la civilisation et de l’exploration des zones reculées de la psyché, en un opéra de la mort et de la destruction qui orchestre une saisissante régression (de la technologie vers le corps-à-corps primitif, de la hiérarchie militaire vers le sacrifice païen). Avec cette succession de séquences inoubliables (à elle seule, la scène du pont de Do-Lung a englouti le budget d’un film normal), Coppola, qui voulait à l’origine réaliser un film de guerre traditionnel, a signé une odyssée spirituelle et métaphysique au cœur des ténèbres, la plus sidérante dissection des pulsions et des angoisses humaines, nous emmenant au bord du gouffre et nous obligeant à contempler en face le visage de l'horreur.
2. PHANTOM OF THE PARADISE – Brian De Palma, 1974
Orgie visuelle et musicale qui fouette l’adrénaline et dérègle les sens, le deuxième long-métrage de Brian De Palma est de ceux qui balisent une vie de spectateur. Plus de trente ans après sa sortie, on se rend compte à quel point le réalisateur était en avance, non seulement sur son époque, mais aussi sur son propre cinéma. Parce que ce foisonnement esthétique et sonore où l’on ne sait plus où donner le tête, ce grand bazar jouissif qui mitraille quatre idées à la seconde et affole l’aiguille du plaisiromètre, n’est rien moins qu’un terrain d'expérimentation où le laboratoire formel De Palma fonctionne à plein. Le prodige, c’est que l’on ne s’en rend pas compte sur le coup, emporté que l’on est par la folie contagieuse des images et de la musique, et par le caractère éminemment ludique d’une intrigue délirante qui dépoussière les mythes de Faust et du Fantôme de l’Opéra en mariant le mélodrame, l’outrance, la satire (le show-business y appartient à un Lucifer mélomane), l’horreur, la fantasmagorie... Tonitruant, paroxystique, provocateur, déconcertant, le
Phantom est le genre d’oasis dont dix minutes suffisent à combler les besoins d’un "ciné-addict" pendant un mois. Il n’a pas pris une ride. Cultissime.
3. LE PARRAIN 1 & 2 - Francis Ford Coppola, 1972 & 1974
Six heures de grand spectacle intimiste alternant règlements de compte sanglants et secrets d’alcôve murmurés dans la pénombre du clan Corleone, juxtaposant saga familiale et réflexion sur l’identité de l’Amérique, mariant fresque shakespearienne et chronique romanesque des traditions d’une communauté italo-américaine dépeinte jusque dans ses ramifications politiques et économiques. De ce monument du septième art, on ne sait pas ce qu’il faut retenir en premier. Peut-être la mise en scène somptueuse de Coppola, tour à tour classique et baroque, sculptée dans la lumière de Gordon Willis. Ou la musique de Nino Rota, illustrant aujourd’hui les publicités. Peut-être le génie de l’interprétation, alignant en rafale Marlon Brando, Al Pacino, Robert DeNiro, James Caan, Robert Duvall, Diane Keaton... - qui dit mieux ? Ou le dédale d’une construction dramatique qui joue avec les ressorts de la tragédie jusqu’à un final himalayen. On reste bouche bée devant l’ampleur, la force, la majesté de cette oeuvre immense sur le pouvoir, la vengeance, la trahison, la rédemption, considérée à juste titre comme l’un des créations les plus importantes du cinéma.
4. BARRY LYNDON – Stanley Kubrick, 1975
Passablement mégalo, Stanley Kubrick, créateur tout puissant de la planète ciné, décide un jour de construire un monde. Echaudé par le capotage de son
Napoléon, le démiurge persiste dans la veine historique et verse dans la reconstitution du Siècle des Lumières. Du coup, tout ce qui a été fait avant lui est enterré (depuis, tout le monde a compris que ce n’était même pas la peine de rivaliser). Kubrick tient à condenser dans sa fresque monumentale l’essentiel de sa vision misanthrope d’une humanité régie par les ambitions et les vanités : en une somptueuse démolition des valeurs du XVIIIè siècle,
Barry Lyndon sera la plus cinglante peinture de la décrépitude de classes supérieures en voie d’écroulement, épinglées dans leur morgue figée avec une acuité distanciée et implacable. Profonde réflexion sur l’Histoire, dont la splendeur altière, la noblesse et la richesse picturale dominent, au bas mot, à peu près toute la seconde moitié du siècle cinématographique, le film de Kubrick reste, trente ans après sa sortie, un monument qui subjugue par son ambition, sa richesse et son perfectionnisme, par son mariage saisissant de pessimisme et de sérénité contemplative, et par la compassion profonde qui sourd constamment de la cruauté des guerres en dentelles.
5. CHINATOWN – Roman Polanski, 1974
Voir Jack Nicholson, privé fouineur, se faire astiquer le nez par un nabot interprété par Polanski lui-même, c’est déjà énorme. Quand Faye Dunaway, fascinante, est de la partie en femme fatale cachant un terrible secret, ça devient splendide. Lorsque, enfin, John Huston se livre à un étourdissant numéro de pourriture corrompue jusqu’à la moelle, on tient un objet rare. Et tout cela n’est qu’une partie du joyau qu’est
Chinatown, plongée en eaux troubles dans les dessous nauséeux d’une société rongée par le vice, la duperie, les rapports de force souterrains, essence du film noir retrouvée par un cinéaste génial qui n’aime rien tant que reprendre les clichés du genre pour les réinterpréter à sa sauce. On se perd avec délice dans les ramifications d’une intrigue délicieusement retorse, on y goûte le mystère de la ville, magnifiquement filmée, qui donne son nom au film, on tombe sous le charme suranné d’une esthétique et d’une ambiance ressuscitant (en couleurs) tout un pan du cinéma que l’on croyait oublié, on y devine la perversion de rapports humains qui titillent nos plus troubles instincts (Polanski s’y connaît un peu dans ce rayon). Racé, vénéneux, désenchanté,
Chinatown est le plus extraordinaire film d’atmosphère qui soit.
6. MANHATTAN – Woody Allen, 1979
Ca commence par un feu d'artifices dans le ciel de New York, illuminé par Gordon Willis et baigné dans la musique de Gershwin (signatures prestigieuses qui accompagneront tout le film). Ca continue avec un défilé ininterrompu de femmes dont Woody se fait le portraitiste tendre, lucide et percutant : Diane Keaton en délicieuse intello snobinarde, Meryl Streep qui largue notre juif new-yorkais pour une nana, Mariel Hemingway en Lolita fragile... Puis il y aura des digressions poétiques inattendues, des réflexions touchantes, légères et mélancoliques égrenées sur Dieu, la vie, la mort, la déception amoureuse, l'angoisse artistique, des séquences hilarantes et d'autres poignantes, une pause sur un banc face au pont de Brooklyn (tout le monde connaît l'image)... Ca se terminera sur la liste des choses qui font que la vie vaut la peine d'être vécue - et rien que voir l'intello binoclard se livrer à cet exercice vaut bien deux ou trois films par ailleurs. Tout cela est nourri au ton doux-amer, à l'humour au vitriol, à la réplique étincelante, à l'intelligence spirituelle et malicieuse, à la douce nostalgie. Ca s'appelle
Manhattan, c'est un chant d'amour à la ville en même temps que le plus beau film de son auteur. On connaît la chanson, certes, sauf que ça continue de distiller une ineffable magie.
7. AGUIRRE, LA COLÈRE DE DIEU – Werner Herzog, 1972
Pérou, au cœur du XVIè siècle. Un groupe de conquistadors, mené par un chef dément, s’enfonce dans la jungle, en quête de richesses, de terres, d’absolu. Werner Herzog transforme l’épopée en opéra macabre, fait de l’aventure d’Aguirre, personnage shakespearien auquel Klaus Kinski, possédé, halluciné, confère une intensité inouïe, une parabole terrifiante sur le pouvoir, l’oppression, le ravage exercé par l’ambition et la mégalomanie sur les esprits. Le film s’ouvre sur la longue procession des soldats descendant à travers le brouillard le flan d’une colline. La musique de Popol Vuh lui donne une dimension mystique. Les deux heures qui suivent orchestrent une implacable spirale vers la folie et la mort, une descente aux enfers aux allures de blasphème noir, illuminé par des images glorifiant une nature grandiose. Peu de films atteignent la puissance d’envoûtement et l’intensité à la fois grotesque et lyrique de ce cauchemar éveillé. Que ceux qui ne l'ont pas encore vu se hâtent de le découvrir : c’est un poème immersif, viscéral, sublimé par le souffle de la mise en scène, dont la puissance tient à la rencontre de l’hyperréalisme historique et des préoccupations spirituelles d’un cinéaste qui se fait scrutateur du cœur et des âmes.
8. VOYAGE AU BOUT DE L’ENFER – Michael Cimino, 1978
S’il n’y avait qu’une image à retenir de cette fresque fondamentale (parmi les dizaines qui le méritent), ce serait peut-être le regard perdu de Christopher Walken, pressant le canon d’un revolver sur sa tempe dans un boui-boui sud-asiatique : l’image terrible, indélébile, d’une génération marquée dans sa chair par le traumatisme du conflit vietnamien. Il y a dans
Voyage au bout de l’enfer une ampleur, une épaisseur romanesque, un lyrisme qui retrouvent la puissance harmonieuse des plus grands films : l’Amérique et l’Asie, la nature et le monde industriel, la chasse et la guerre, l’individualisme et la solidarité, le deuil et l’espoir sont ici indissolublement liés, par la vertu d’une mise en scène d’une rigueur et d’un classicisme admirables. Loin de se complaire dans la description des horreurs du conflit, Cimino se borne à évoquer celles-ci au cours de séquences aussi brèves qu’éprouvantes, précédées de splendides échappées bucoliques, d’une scène de mariage digne de celle du
Parrain, et clôturées par un hymne d’espoir bouleversant ("God Bless America"). L’interprétation exceptionnelle parachève la grandeur de cet immense classique du cinéma américain, qui n’a rien perdu de sa force depuis trente ans.
9. LES MOISSONS DU CIEL – Terrence Malick, 1978
Ermite génial du cinéma américain, Terrence Malick se fend ici d’un sublime mélodrame rural où la splendeur de la faune et de la flore s’oppose aux aspirations dérisoires des migrants, où la prairie perdue, saccagée par la folie des hommes, figure l’Eden mythique, et où l’éblouissante symphonie des images restitue le processus des mutations culturelles et sociales tant comme principe mythique que comme cycle évolutif. Quelques part entre Murnau,
La Nuit du Chasseur de Laughton et les toiles de Hopper ou Wyeth, Malick poursuit ses recherches picturales (relayées par la splendide photographie de Nestor Almendros) et laisse éclater une sensibilité de poète sans aucun équivalent dans le cinéma américain : un kiosque à musique battu de mousselines y vogue sur une mer d’herbes bleuies par l’aurore, des hommes et des femmes dorés à l’or fin ramassent des ballots de paille chevelus comme des anges, le prosaïque s’y mesure constamment avec le cosmique, le réalisme avec le romantisme, au long d’une tragédie intemporelle où se jouent l’amour, la jalousie, la mort et les passions qui embrasent les hommes.
10. CONVERSATION SECRÈTE – Francis Ford Coppola, 1974
Bien calée entre les deux volets du
Parrain, la première Palme d’Or cannoise de Coppola est une pièce indispensable dans la tétralogie d’une rare cohérence que le cinéaste a dressé, dans les années 70, sur la société américaine (
Apocalypse now en étant la dernière partie). Génial jumelage d’une efficacité narrative toute américaine (le film est un thriller aussi complexe que passionnant) et de préoccupations cérébrales d’inspiration nettement antonioniennes (il reprend peu ou prou les choses là où
Blow up les avait laissées),
Conversation secrète devance d’un an le scandale du Watergate en plongeant dans le quotidien troublant d’un homme dont le métier est de s’immiscer dans la vie des gens, et qui se fait peu à peu contaminer à son tour par une paranoïa qui le dépossédera de tout. Magistrale étude de la peur sous forme de pièce intimiste, montrant la fin d'un espion qui s’effondre, lui-même victime de son art, ce film transforme la captation du son en odyssée quasiment métaphysique, et fait de chaque forme acoustique un moyen autonome à l’aide duquel l’intrigue est poussée en avant et le spectateur fourvoyé, jusqu’à perdre pied avec ce qui constitue la réalité. Vertigineux. Voir aussi
Blow out au même rayon.
11. LE MIROIR – Andrei Tarkovski, 1974
Tarkovski rompt toute attache avec la chronologie linéaire à travers ce film-poème directement autobiographique et volontairement composite (mélange d’époques, de documents, d’images mises en scène), sans cesse au bord de se dissoudre en une collection de moments épars. Parcouru de scènes foudroyantes et frémissantes, imprégné d’une profonde nostalgie et sous-tendu par l’image obsédante de la mère, une mère énigmatique, proche et indifférente à la fois,
Le Miroir retranscrit par le biais d’une sensorialité exacerbée les vibrations intimes du monde, de ses images, de ses sons, comme un immense labyrinthe-forêt qui nous donne le sentiment de toucher au plus près les impressions premières : les choses qui bougent et qui brillent, le blanc d’une jatte de lait, la houle du vent qui passe... C’est une somptueuse et flamboyante auto-analyse, composée de rêveries, de souvenirs et de monologues intérieurs, dont le titre renvoie peut-être justement à cet "autre côté", cet univers ensorcelant, au-delà des mots, où plus rien ne compte que les sensations.
12. PROVIDENCE – Alain Resnais, 1977
Providence : résidence du narrateur, écrivain en quête de personnages, et sans doute le titre de son dernier roman. Providence : concept chrétien de prédestination, extrapolée à la notion de genèse artistique, dont nous est exposée ici le processus aléatoire et douloureux. En toute cohérence,
Providence, donc : oeuvre magistrale d’Alain Resnais, construction-gigogne, caractéristique de la démarche de son auteur, film qui se fait et se défait sous nos yeux, où les acteurs sont des pantins dont un magicien sarcastique tire les ficelles, où les scènes s’emboîtent en suivant la logique de l’imaginaire, où les actions se chevauchent, se permutent, se répondent dans l’esprit embué d’un démiurge facétieux. Amère réflexion sur la mort, les dédales de la création, la confusion des sentiments, où, comme toujours Resnais, la forme, éblouissante, novatrice, donne au film sa cohérence. On y joue en virtuose sur l’énigme des lieux et le sortilège des objets, les protagonistes semblent sortis d’un théâtre de l’absurde, on y distille une sorte de poésie surréaliste et funèbre : il y a ici infiniment à voir, à penser et à rêver. Pièce capitale dans la filmographie d’un des plus grands artistes français du XXè siècle.
13. LE LIMIER – Joseph L. Mankiewicz, 1972
Amateurs de mécaniques scénaristiques complexes (et Dieu sait que beaucoup de petits maîtres aujourd’hui s’enorgueillissent de rendre fous leurs spectateurs à ce niveau-là), le raffiné Joseph L. Mankiewicz vous convie à sa dernière attraction, celle où il réduit son cinéma à ses composantes essentielles : une intrigue d’une rigueur mathématique, une joute implacable entre représentants de classes antagonistes, une machination labyrinthique fondée sur une vertigineuse succession de coups de théâtre, énigmes, déguisements, ripostes et coups fourrés. Attention : le jeu n’est pas une fin en soi, mais une traduction de tous les thèmes du cinéaste (goût et illusion du pouvoir, complot, arrivisme, plaisir pervers de la domination intellectuelle, hantise de l’impuissance...) et se décline, avec une impassibilité voyeuriste, en un étourdissant récital en huis-clos sur l’envers du décor social, un fascinant manège des vanités, un double jeu de dupes et de faux-semblants où la parole est reine et où deux acteurs au sommet de leur art, servis par des dialogues étincelants, se livrent à un époustouflant face-à-face psychologique. A consommer sans modération.
14. SÉRIE NOIRE – Alain Corneau, 1979
Corneau adapte Jim Thompson, suit la trajectoire sans rémission d’un prolétaire marqué par la malédiction des mal partis, et poétise la mise en question d’une société corrompue par l’argent avec un désespoir sardonique digne de Céline : il mêle dans un même mouvement rire et cruauté, pantin sordide et tête à claques, romantisme frénétique et cauchemar spectral. L’amour fou, dans sa version la plus obscure, la plus mythomane, voisine avec le théâtre de l’absurde, la fatalité de la claustration, la condamnation à l’aliénation sans espoir de rédemption. Stupéfiante illustration de l’obstination d’un homme en détresse à vouloir aller jusqu’au bout du vertige et de l’abîme dans lequel il sait qu’il s’engloutira,
Série noire laisse anéanti. Dans cet univers d’une noirceur absolue, les acteurs font des étincelles. Bernard Blier, faux-cul et âme de crapaud crasse, déverse des tombereaux d’ignominie satisfaite. Fragile lolita, Marie Trintignant est comme un petit éclat de lumière qui menace à tout instant de s’étendre. Mais surtout, surtout, Patrick Dewaere, cabotineur ahuri qui invente son existence pour ne pas y sombrer, semble jouer sa vie à chaque plan, dans l’une des performances les plus hallucinantes dont le cinéma français ait été témoin.
15. UNE FEMME SOUS INFLUENCE – John Cassavetes, 1974
Tourné, comme presque tous les films de Cassavetes, dans des conditions particulières,
Une femme sous influence marque le point d’accomplissement inégalé de la méthode et de la sensibilité du cinéaste. Jamais celui-ci ne juge, ne cherche à justifier ou analyser les comportements de ses personnages, celui de son héroïne ou de ceux qui la "subissent". Portrait bouleversant d’une mère déchirée entre plusieurs pouvoirs, entre plusieurs rôles, le film se livre à un happening concerté qui tourne au psychodrame éprouvant, et parvient à faire coïncider durée filmée et durée vécue en créant une situation où les comédiens trouvent à s’exprimer physiquement en toute impunité, en toute impudeur. Au mépris des canons arbitraires de la psychologie, Casavetes épouse la mouvance de sentiments imprévisibles, parcourant toute la gamme des émotions, de la comédie la plus débridée au mélodrame le plus strident. Littéralement habitée par Gena Rowlands, femme et muse du cinéaste, dans le rôle de sa vie,
Une femme sous influence nous convie à une aventure existentielle unique, exténuante, parfois terrifiante lorsque le regard s’attache aux seuls épiphénomènes là où on attendait une perspective sociologique ou psychanalytique que le cinéaste fuit d’un bout à l’autre.