Forum de FilmDeCulte

Soderbergh et Del Toro ne le cachent pas, ils sont fascinés par Ernesto Guevara et à travers lui, par la construction méticuleuse de cette révolution cubaine. Quelques hommes se retrouvent autour d’une table pour dîner et décident de libérer Cuba - comme ils auraient pu décider de braquer un casino. Mais ici pas d’acteurs millionnaires (ou presque), pas de bling bling ni de tours de passe-passe formels. La mise en scène s’attaque à un mythe. Soderbergh choisit l’aridité documentaire plutôt que le grand spectacle. L’entreprise de libération sera lente, difficile et physique. L’engagement des dissidents pour leur cause est total et on les suivra au quotidien, suer, cracher leurs poumons, apprendre à lire, planifier la prochaine opération, parler parler parler, et mourir…
Soderbergh filme cette première partie comme il reconstituerait un documentaire à partir d’images d’archives. Sans en faire un film-dossier, il reprend scrupuleusement la chronologie et montre les faits et gestes des guérilleros jusqu’aux plus anodins (par exemple le règlement d’un bête différend entre guérilleros). Des gestes du quotidien pour déconstruire le mythe, bien montrer que Guevara avait du mal physiquement, qu’il n’était pas un guerrier au départ, que la lutte armée fut un sacerdoce.
L’intérêt majeur du film réside pour moi dans ce parti-pris de la rigueur esthétique. Sans effets, Soderbergh rend hommage à ses personnages et à son sujet véritable: le travail militant quotidien des révolutionnaires cubains. Il ne tombe pas non plus dans un prosélytisme politique de mauvais aloi et y préfère l’honnêteté du projet vis-à-vis du spectateur.
De ce point de vue, il en appelle à une certaine exigence du regard. Le spectateur devra abandonner certains repères classiques, ce film n’est pas fun. Malgré son budget conséquent et une allure toute hollywoodienne, le film semble volontairement lui tourner le dos. Les plans prennent leur temps, la caméra est souvent fixe, les scènes de batailles semblent avoir été tournées sans préparation avec des acteurs non-dirigés, la langue majoritaire est l’espagnol, etc.
L’arrivée triomphante dans La Havane, victoire finale de la révolution cubaine, eût été une manière logique de terminer cette première partie mais là encore, Soderbergh nous prive d’une conclusion classique pour lui préférer une dernière anecdote en forme de mise au point politique.
La seule entorse finalement au bon déroulement du film c’est cet emprunt au docu-fiction, lorsque Soderbergh recréé les images d’un voyage diplomatique du Che à New York, en 1964. Un Che tout en retenue, drapé dans sa dignité d’invité (d’étranger presque), filmé en noir et blanc comme par un reporteur télé, le cigare aux lèvres, déjà mythifié. Puis fort de ses idées, tonitruant à la tribune des Nations Unies le bien-fondé de sa révolution. Seule entorse à la chronologie linéaire, seul regard vers Hollywood.

5/6

je m'attendais à rien, moi j'ai tjs peur des biopic, je m'y ennuie facilement, je trouve ça vite vain et académique, j'y vois de la technique de scénario plaquée sur des livres d'histoire et ça m'endort.

La scène de la mort est très belle.

Vu la deuxième partie et quelle déception.
Dans le premier film Soderbergh avait réussi à capturer quelque chose de neuf dans la représentation du personnage du Che par une mise en scène sobre, une attention au détail et une temporalité bien spécifique. Là, il « trahit » en partie son postulat par de multiples gadgets de mise en scène (travail lourdaud sur le son, la mise au point) dans les moments critiques. J’ai trouvé ça dommage et j’ai du mal à comprendre pourquoi il s’est laissé aller à faire autant péter la mise en scène, sur la fin du film surtout.
Je n’aurais peut-être pas eu la même impression devant la version longue de 4h30 mais là, c’est cruel.