Article du Parisien :
Législatives : pourquoi la nuance politique Nupes a été rejetée par le ministère de l’Intérieur
Jean-Luc Mélenchon se plaint que la Nupes soit « effacée du tableau des résultats », mais le ministère de l’Intérieur estime que ses candidats comptent « rester attachés à leur parti d’origine ». L’affaire pourrait aller jusqu’au Conseil d’Etat. On fait le point.
Entre deux tweets critiquant la nomination d’Elisabeth Borne a Matignon, Jean-Luc Mélenchon s’est vivement emporté lundi soir sur un tout autre sujet. « Nous découvrons que le ministère de l’Intérieur refuse d’enregistrer la nouvelle Union populaire pour les déclarations de candidature (aux élections législatives). Effacer ses adversaires du tableau des résultats, est-ce encore la démocratie ? », interroge faussement le leader insoumis, ancien candidat à la présidentielle et qui rêve désormais d’être nommé Premier ministre. « J’accuse le ministère de l’Intérieur de vouloir présenter l’actuelle majorité en tête et de masquer le score de la Nupes », tonne auprès du Parisien Manuel Bompard, fidèle lieutenant de Jean-Luc Mélenchon et candidat dans la 4e circonscription des Bouches-du-Rhône.
Pour bien comprendre ce sujet, il faut revenir à la démarche pour se présenter à des élections législatives. Tout prétendant doit déposer sa candidature en y inscrivant l’étiquette politique de son choix. Celle-ci est totalement libre. Les préfets choisissent ensuite eux-mêmes de leur attribuer une « nuance politique ». Cette démarche « est un préalable essentiel à l’analyse électorale et à la lisibilité des résultats des élections pour les citoyens », indique le ministère de l’Intérieur dans sa circulaire datée du 27 avril dernier.
Une première liste de 19 nuances, dont « Parti communiste français », « La France insoumise », « Parti socialiste » ou encore « La République en Marche », est parue ce 27 avril. Sauf que « l’évolution du paysage politique » à la suite de la présidentielle a entraîné plusieurs changements, et la nouvelle liste a été transmise aux préfets le 13 mai.
Une nuance « Ensemble ! (Majorité présidentielle) », l’alliance regroupant notamment La République en Marche, le MoDem, et Horizons, a été créée. À l’inverse, on ne trouve aucune trace de la Nupes (Nouvelle union populaire écologique et sociale). Après plusieurs jours de négociations parfois tendues, les Insoumis, les communistes, les socialistes et les écologistes sont pourtant parvenus eux aussi à s’allier.
Voici ce dont se plaignent Jean-Luc Mélenchon et les Insoumis. Car en effet, lorsque les résultats au niveau national seront annoncés, on aura ainsi celui des candidats « Ensemble ! (Majorité présidentielle) » d’un côté, et ceux des candidats « La France insoumise », « Parti communiste français » ou encore « Ecologistes » séparément de l’autre. D’où l’agacement des partis de gauche, d’autant plus que la Nupes affiche le score le plus élevé dans les sondages.
Comment l’expliquer ? Interrogé par Le Parisien, le ministère de l’Intérieur répond que « la Nouvelle union populaire écologique et sociale réunit des candidats investis de manière indépendante par les partis associés à cet accord », et que « cela tend à démontrer la volonté pour ces candidats de rester attachés à leur parti d’origine ». D’où le fait de maintenir les nuances « Parti communiste français », « La France Insoumise », « Ecologistes »…
Le ministère s’appuie aussi sur le fait que les différents partis membres de la Nupes se sont déclarés séparément pour le financement public et pour l’accès à la campagne audiovisuelle, comme en attestent les deux arrêtés publiés au Journal officiel. A l’inverse, « Ensemble ! Majorité présidentielle » apparait bien. « Ces éléments ont conduit à ne pas réunir sous une seule nuance politique ces candidats et à les maintenir, dans une logique de lisibilité de l’offre politique, sous les différentes nuances (de gauche) », insiste la place Beauvau.
Manuel Bombard dénonce des arguments « abracadabrantesques », assumant le choix de « ne pas constituer une association politique commune » pour le financement public. « Afin d’éviter la critique d’une manipulation politique, sans doute aurait-il été préférable que le ministère de l’Intérieur ne retienne pas non plus la nuance Ensemble ! (Majorité présidentielle) et conserve celles de La République en Marche/Renaissance et du Mouvement Démocrate », estime l’avocat Jean-Christophe Ménard, spécialiste en droit électoral. Il pointe « des critères subjectifs et perçus, à tort ou à raison, comme dénués de neutralité politique ».
Les Insoumis promettent désormais de « protester » par tous les moyens possibles pour avoir gain de cause, jusqu’à saisir le Conseil d’Etat. Aux municipales 2020, « le juge des référés du Conseil d’Etat n’avait pas hésité à suspendre certaines des règles d’attribution des nuances politiques retenues à l’époque par le ministère de l’intérieur », rappelle Jean-Christophe Ménard.
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