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 Sujet du message: Re: Vos dernières lectures
MessagePosté: 02 Avr 2019, 08:53 
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 Sujet du message: Re: Vos dernières lectures
MessagePosté: 07 Avr 2019, 19:55 
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Curieux début que celui de Clavel chez les majors, qui raconte l'hospitalisation du poilu blessé et donc, nécessairement son retour à l'arrière ; ça commence par la description de ses camarades noirs et du traitement particulier qui est le leur, de la part des femmes surtout.


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 Sujet du message: Re: Vos dernières lectures
MessagePosté: 16 Avr 2019, 18:35 
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Bon, je suis sorti un peu de mes sentiers imaginaires le temps de mes vacances avec un polar historique chez Sonatine. C'était pas mal du tout.
Alors que l’on croit tout d’abord voir en 1793 une sorte de Sherlock Holmes version suédoise, Niklas Natt och Dag surprend son monde en construisant des personnages complexes et torturés plongés dans une époque désespérée où corruption, violence(s) et misère se tirent la bourre.

Et la critique complète à cet endroit.


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 Sujet du message: Re: Vos dernières lectures
MessagePosté: 18 Avr 2019, 08:57 
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Enfin lu le premier Livre de la Jungle de Kipling.
Hormis que j'ai pas trouvé ça transcendant et finalement plus simple/rapide que toutes les adaptations (la moitié du bouquin parle d'autre chose que des persos qu'on connaît), c'est marrant de voir que la scène où Shere Kahn se fait tuer a été complètement pompée par Disney... pour la mise à mort de Mufasa dans le Roi Lion (le canyon, les sbires - mais là les loups frères de Mowgli - qui effraient les gnous qui vont créer un mouvement de panique et l'écraser, etc.); De ce point de vue, c'est tout de même marrant que le réal du Livre de la Jungle se retrouve aux commandes du remake du Roi Lion :)

Je me demande ce que vaut le second, si les personnages reviennent, etc.

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 Sujet du message: Re: Vos dernières lectures
MessagePosté: 18 Avr 2019, 10:05 
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De Kipling, il y a les Histoires comme ça qui m'avaient marqué quand j'étais gamin avec leurs explications en mode mythologie... J'en ai chopé un exemplaire pour le lire à mon fils dès qu'il sera assez grand.

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 Sujet du message: Re: Vos dernières lectures
MessagePosté: 03 Mai 2019, 09:54 
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Régis Jauffret vous conseillez de commencer par lequel ? Et Guyotat ?

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 Sujet du message: Re: Vos dernières lectures
MessagePosté: 03 Mai 2019, 14:11 
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Guyotat j'ai juste lu le dernier, Idiotie. Beau mais pas facile, il est considéré comme un de ses plus accessibles.

Sinon on trouve plus facilement en librairie deux de ses livres parus chez l'imaginaire Gallimard, Eden eden eden et Tombeau pour cinq cent mille soldats (qui me tente mais bouquin épais).


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 Sujet du message: Re: Vos dernières lectures
MessagePosté: 03 Mai 2019, 15:44 
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Tombeau livre important mais je dois avouer qu'il a quelque chose de rebutant (proximité paradoxale, reposant sur la répétition et l'épuisement,entre l'idéologie française la plus conformiste pendant la guerre d'Algérie et l'érotisme absolu et subversif du marquis de Sade), même si la langue de Guyotat est souvent très belle et non sans humour.
Le livre était sans doute plus marquant dans les années 60, au moment des luttes anticoloniales, mais est peut-être devenu avec le temps de plus en plus éloigné des réalités de l'Algérie et des ex-colonies. Avec le recul le vrai sujet du roman semble la France "éternelle" (donc mourrante) elle-même, dans sa structure sociologique, alors que sur le coup cela pouvait apparaître comme une odyssée poétique, épique, du corps et de la jouissance pris dans les luttes des années 60.

Peut-être que ce qu'a écrit un écrivain africain comme Sony Labou Tansi, dans une inspiration et une langue finalement proches, a mieux vieilli et touche quelque-chose de plus universel (il décrit comme une tragédie un engagement politique qui pour Guyotat est une épopée).

Ce qui est intéressant c'est de voir l'usage de l'érotisme sadien pour peut-être sauver souterrainement une forme de littérature engagée (le livre fait écho à la Peste dont il est un "dépassement") au sens de Sartre au moment où le Nouveau Roman et Barthes rompaient avec cette notion (Guyotat était d'ailleurs proche du PC au moment où Tel Quel allait plutôt vers le maoïsme).

Je ne connais pas ses autres livres, Progénitures a l'air important et a marqué sa renaissance littéraire au tournant de l'an 2000.

Je ne suis pas forcément le mieux placé pour en parler aussi, ce sont des amis qui m'ont recommandé sa lecture et souligneraient mieux que moi l'importance de son œuvre.

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Sur un secrétaire, j'avise deux statuettes de chevaux : minuscules petites têtes sur des corps puissants et ballonés de percherons. Sont-ils africains ? Étrusques ?
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Dernière édition par Vieux-Gontrand le 03 Mai 2019, 19:10, édité 1 fois.

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 Sujet du message: Re: Vos dernières lectures
MessagePosté: 03 Mai 2019, 18:02 
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Billy Budd a écrit:
Art Core a écrit:
Il est devenu totalement con Brett Easton Ellis, que ce soit sur Twitter ou dans son son podcast (qu'il fait dorénavant payer...), il fait un peu peine à voir dans le genre vieux con avec des goûts (notamment en films) totalement à la masse. Du mal à croire qu'il puisse ressortir un truc pertinent un jour, surtout pas dans un essai.


CQFD


Lu et je pense qu’en dépit de e qu’il écrit, il s’est un peu bridé.

Cela demeure excellent.

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 Sujet du message: Re: Vos dernières lectures
MessagePosté: 05 Mai 2019, 07:40 
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Pas fan d'Ellis que je connais très mal mais cette plongée mélancolique dans son enfance et ses années sites de formation est réussie, émouvante et fine. Je n'en suis qu'au début.


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 Sujet du message: Re: Vos dernières lectures
MessagePosté: 05 Mai 2019, 10:53 
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Je suis dans le Temps de Innocence d'Edith Wharton ,(en traduction) et c'est très bien. Il y a dans l'écriture de Wharton une sorte de dialectique entre deux sentiments qui ont chacun leur style et leur livre propres, sans se rencontrer : l'insertion des personnages dans leur milieu qui est naturaliste, puis leur recul et leur dégoût qui est la voix de plus en plus forte de leur courant de conscience. Beaucoup d'humour aussi (celui de l'auteur reprenant celui apparent de la conscience de classe de la haute-bourgeoisie anglaise, mais qui se signale en tant sue rituel social en incluant le sexe, que le narrateur essaye - en vain - de restituter au rang d'intime et indicible - l'inverse exact de DH Lawrence, Wharton est pour cette raison plus réaliste et descriptive politiquement que Lawrence), même si l'histoire est celle de deux ratages existentiels. Le féminisme du livre est réel (et correspond à une déconstruction du feminisme apparent de son personnage, d'où rupture avec le naturalisme que par la cruauté : le narrateur ne rejoint Newland Archer que dans le dénigrement de la pauvre May Welland, pourtant sympathique et double possible de Madame Olenska, et précisément pour cela desinvestie : qu'il y ait idéologie implique que sa transgression n'ait lieu qu'une fois et i
consciemment, le moralisme est des deux côtés : que l'objet suscitant la récolte soit finalement commun devient la fiction dans la fiction) et la description de l'égoïsme bourgeois, à un siècle de distance (le livre date de 1921 et prend place dans la haute société des année 1870), me paraît toujours d'actualité. Construction en courts chapitres au début, de plus en plus longs, mais correspondant chaque fois à une situation. Les deux pages où Newland passe en quelques minutes d'une soirée de l'amour à l'éloignement pour sa fiancée sont littérairement très fortes.
Quelque chose dans le début rappelle à la fois Proust et la Splendeur des Amberson d'Orson Welles. Personnage masculin qui fait le lien entre Mautpassant et Ellis (son nihilisme est insurmontable, mais est aussi le discours de l'autre se reflétant en lui, un contenu pour la société et un signe à déchiffrer pour lui).

Tom a parlé plus haut d'Ethan Frome en bien. Ici c'est aussi une histoire d'amour, mais toujours vécue sur le ton de la dénégation intime, le personnage masculin (au contraire de Madame Olenska) n'a pas conscience d'avoir franchi un tabou social et s'être exclu de la bourgeoisie dès le début du livre en affectant de défendre la réputation de la femme de mauvaise vie : ce qui était pour lui une posture était pour les autres un défi.

On sent aussi l'écrivain reconnue mais frustrée de n'être pas prise au sérieux par son milieu par ce qui l'en distingue politiquement (elle était l'amie de l'ultra catholique et antidreyfusiste mondain Paul Bourget en France, et de Henry James - beaucoup plus aiguisé politiquement -aux USA).
Je me demande si le film de Scorsese est bon

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 Sujet du message: Re: Vos dernières lectures
MessagePosté: 05 Mai 2019, 12:14 
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Merci pour les recommandations sur Guyotat, je vais explorer ça.

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 Sujet du message: Re: Vos dernières lectures
MessagePosté: 05 Mai 2019, 13:31 
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Rien à voir, mais Progénitures est écrit dans sa propre langue (il est doublé d'un livre d'explication en français appelé justement Explications . Et au milieu du Wharton on apprend que le personnage central lit les Contes drolatiques de Balzac, pour la plus grande perplexité de sa sa sœur qui feuillette et repose le livre Immédiatement, qui ont été ecyrits dans un néo-français pata-médiéval et post-rabelaisien, assez intriguant (intéressant que Wharton mentionne ce livre apparemment éloigné de son univers, rapidement, sans jugement, cela donne une existence à Newland Archer).
https://fr.m.wikisource.org/wiki/Les_Contes_drolatiques

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 Sujet du message: Re: Vos dernières lectures
MessagePosté: 13 Mai 2019, 07:11 
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Texte magnifique que la version de Blanche-Neige de Robert Walser.
Court et très dense post-scriptum au conte de Grimm où Blanche-Neige se réveille miraculeusement de son sommeil mortel, et en portant à l'extrême limite une méditation sur la dialectique de l'amour et de la haine, le pardon et la solitude, se réconcilie finalement avec la reine et plaque la prince (ainsi que le conte, comme genre, presque dans tous les sens du terme). C'est à la fois vibrant et émouvant, complètement rattaché au romantisme allemand - ainsi qu'à la psychanalyse, le lien est ici patent (et quelque-part aussi, au rationnalisme utopique et cruel, entière discursif, de Sade), et extrêmement drôle.
Monteiro a eu raison de laisser l'image noire dans son adaptation.

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 Sujet du message: Re: Vos dernières lectures
MessagePosté: 20 Mai 2019, 22:47 
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Lu récemment un petit livre (ou un gros article) d'un biologiste du début du siècle passé, Jakob van Uexküll (le titre allemand original -Streifzüge durch die Umwelten von Tieren und Menschen: Ein Bilderbuch unsichtbarer Welten -n'a rien à voir avec le titre français, qui gomme la dimension de vulgarisation de l'essai comme si c'était un motif de honte). Il est connu pour avoir influencé Heidegger et avoir été beaucoup cité par les philosophes liés au courant existentialiste, l'expression l'Animal est pauvre en monde et le concept d'"Ümwelt" (rendu en français par "milieu" et opposé à "environnement") proviennent de ce texte, même si Heidegger a déformé l'idée et effectué un contresens intentionnel (et passablement récupérateur).
Uexküll est en fait philosophiquement un néo-kantien revendiqué (même si bien sûr cette affiliation qu'il présente comme une conformité totale est par là-même un double problème, à la fois philosophique et méthodologique), et postule que la subjectivité de l'animal (et celle de l'homme) sont directement informées par les formes a-priori de l'espace et du temps, qui compensent la pauvreté de ce monde. Il essaye d'objectiver ce rapport d'information à travers différents modèles de la psychologie animale et des réflexes (eux-mêmes "repliés" sur des images qui sont spontanément interprêtées par un sujet et ont directement un impact causal sur le corps -l'image et l'acte sont dérivés voire identifiés mais saisis à différents stade d'évolution dans le sujet) .
Il a aussi influencé beaucoup Deuleuze (la fameuse description de la tique de l'abécédaire, c'est lui aussi, de même que la notion -déjà cinématographique - d'image-perception, proviennent de lui). Malgré cela, le texte est très accessible, dénué de pédanterie, au contraire doté d'une forme d'humour.

Le texte est aussi écrit en 1934, est, de façon intéressante; bien moins chauvin et impérieux, voire martial, que les textes de Heidegger de la même époque (l'auteur que cite le plus Uexküll est l'entomologiste Fabre). Il y a des passages condescendants sur les Africains et "l'image magique" innée, mais sommes toute moins choquants et racistes que ce que l'on trouve chez Husserl ou même (sous une forme là plus maladroite que raciste) Canguilhem, et reliée explicitement (sans rapport d'hiérarchie ou de valeurs mais sans arguments non plus) à la psychologie humaine collective.
Significatif quand certains expliquent le fascisme par une naturalisation du politique, là on a pourtant un biologiste (déjà en fin de carrière), ayant pourtant une image très romantique voire légèrement ésotérique de la nature, qui semble consciemment indifférent à l'idéologie raciste de son temps. La lecture du livre a donc un aspect à la fois émouvant et rassénérant.

Malgré tout le livre n'a pas eu beaucoup d'impact sur la biologie. Uexküll ne cache pas qu'il joue Kant contre Darwin, et se replie sur l'éthologie dans l'espoir de rechercher des sortes d'invariants subjectifs (modélisés sans recours directs à l'expérience), pour carrément réintroduire des concepts fixistes dans la biologie, a une époque bien tardive.
De manière signifiative, Uexkull a contribué à la formation d'une discipline, la biosémiotique, entre science humaine et biologie, qui a eu son heure de gloire dans l'Estonie des années 80, encore communiste. Le livre retrouve bien l'idée d'une forme de conversion -plutôt qu'une adaptation- de caractères acquis, ou du moins de réalités perceptives, dans des automatismes propres à l'espèce, à la limite entre l'ontogenèse et la phylogenèse, qui rejoignent peut-être une forme lamarkisme, plus "compatible" avec l'idéologie communiste que le darwinisme. Pour cette raison, le livre évacue toute discussion scientifique de l'écologie, tout en attachant paradoxalement une valeur à la fois fonctionnelle et affective à l'habitat naturel, et en relevant d' une vision du monde à la fois agnostique et matérialiste, où la possibilité de la science est mélancoliquement justifiée, à la fois comme une prolongation et une rupture avec la perception spontanée, où le fini est déjà l'inconnu à déchiffrer (Uexküll ne paraît là pas si éloigné de la sensibilité de Bachelard).

En revanche le livre a peut-être eu, paradoxalement, une influence plus importante sur l'informatique et la cybernétique : il conçoit l'activité subjective comme une feedback loop qui reprojette sur le réel une forme construite qui correspond exactement au phénomène perçu, une sorte d'architecture qui rappelle beaucoup les notions de réseaux neuronaux et de rétropropagation du gradient des poids d'erreur, remises récemment à la mode avec l'apprentissage supervisé.
C'est étrange (mais pas forcément rassurant) de voir comment une théorie biologique brillante, mais obsolète et abstraite (Uexküll ne la présente pas comme un modèle mais comme une explication), retrouve une sorte de débouché complètement déproblématisé (le but d'Uexküll était de surmonter le mécanisme) dans l'informatique, soit une forme de fétichisme technologique et de réification où la subjectivité est plutôt imitée qu'expliquée.

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