Honnêtement le Brenan n'est pas trop gros mais je l'ai lâché aux 2/3 en anglais, malgré le fait qu'il soit fort bien écrit et clair :
https://archive.org/details/spanishlabyrinth001334mbpSur l'histoire de l'anarchisme en tant que tel, et sur ce qui le sépare (plutôt sociologiquement qu'idéologiquement : en Espagne c'est une idéologie rurale et non ouvrière) des autres courants de gauche plus marxistes (ou syndicaux), le livre est super-intéressant et dépasse le contexte espagnol.
Je me souviens de quelques thèses de Brenan : la société musulmane était plus égalitaire que les sociétes féodales europénnes (notamment du fait que le sol devait être irrigué) et l'aspect généreux de l'anarchisme prolonge ce passé.
La région de Madrid est une région sans ressource agricole, ni d'ailleurs économique, mais qui concentre le pouvoir militaire et politique voire policier: pas étonnant que le clivage catalans/castillants ait correspondu plus ou moins au sein de la République à un clivage entre anarchistes/staliniens. Brenan éprouve beaucoup plus de sympathie pour ;les premiers que pour les seconds. Il n'a pas combattu, mais était à Malaga, où il a vécu un peu la même chose que Bernanos à Majorque (mais la compréhension politique de Brenan est beaucoup plus articulée et riche que celle de Bernanos)
Il y avait aussi des pages intéressantes sur l'évolution de l'Eglise catholique espagnole, sur le fait que les pères jésuites partis en Amérique latine au XVIème/XVII siècle avaient une sympathie pour une forme de propriété communiste telle qu'ils la percevaient dans les sociétés incas, et osaient affronter la monarchie espagnole en se rangeant u côté des communautés indiennes. C'est la perte des colonies et l'effondrement d'une économie de la rente qui a fait basculer l'église catholique du côté de la répression et du caciquisme (le coup de grâce étant la perte de Cuba).
Il y avait aussi une explication bien touffue des trois (méconnues) guerres carlistes qui ont déchiré l'Espagne et particulièrement la Catalogne aux XIXème siècle... avec déjà des formes de brigades internationales (et Brenan voit la guerre civile comme une forme de prolongation politique de ces luttes, rendues plus violentes et "politiques" par le fait que les protagnistes étaient de moins en moins conscients des origines sociales de leur positionnement).
Ce n'était pas un historien académique de formation (d'où le fait que l'on trouve une forme de style littéraire). Il y a des aspects de son livre qui font penser aux analyses d'Arendt (notamment sur l'articulation totalitarisme/colonialisme) qui après tout ne sont postérieures que de 8 ans.