Forum de FilmDeCulte

The Changeling - Kenzaburo Oe

J'avais beau être un amateur du cinéma de Juzo Itami, je n'avais pas remarqué jusqu'à hier qu'il était le beau-frère et un ami depuis le lycée du prix de Nobel de littérature japonais Kenzaburo Oe (connu aussi en france pour être à l'origine d'une réponse incendiaire dans le Monde - et quelque peu ridicule - de la part d'un autre prix Nobel français, Claude Simon à ses protestations à l'encontre d'essais atomiques français dans le Pacifique). Après avoir revu l'excellent A-ge-man, je me suis rendu compte que Oe lui avait consacré un roman, où il se livre da manière à peine voilée à une investigation sur le suicide de son beau-frère.

L'Evénement - Annie Ernaux

Je découvre l'écrivaine avec ce beau et pudique texte sur son avortement quand la pratique était interdite et qu'il fallait se battre contre le patriarcat, le moralisme et l'hypocrisie de toute une société, y compris des médecins. La langue est simple et puissante, elle va droit à l'essentiel, sans complaisance. J'ai trouvé que les réflexions sur l'écriture en train de se faire étaient un modèle d'intelligence et de sobriété, sans un poil du narcissisme souvent prêté à l'autofiction.

En tant qu'homme, je voulais lire ce texte pour tenter de comprendre cette facette de la féminité, et le récit a le grand mérite de faire imaginer l'ampleur du drame tout en avouant être incapable de le restituer entièrement. J'ai aussi compris la dimension spécifiquement émancipatrice de l'avortement pour les jeunes filles issues de milieux pauvres: enceintes plus jeunes en moyenne, elles entrevoyaient enfin la possibilité de continuer leurs études.

Qu'est-ce que vous conseillez pour poursuivre l'oeuvre d'Ernaux?

Les Préservatifs est excellent. La Ménopause est celui que j'aime le moins.

Moins émancipateur pour les pauvres.

Je conseille L'Abstinence, où ce thème est développé.

Richard Millet, sors de ce corps.

Les armoires vides, une femme, la place : l'enfance, la mère, le père.

Frères d'âme de David Diop

Dernier candidat au Goncourt qui me restait à lire et clairement celui qui a fait le plus parler de lui.
A cela s'explique des facteurs favorables comme sa brièveté (le roman se lit en un peu moins de 2 heures), l'actualité de l'anniversaire de la première guerre et l'angle sous lequel Diop attaque son récit, celui du point de vue d'un tirailleur sénégalais dont l'expression en français est transformée par la syntaxe wolof.
Un récit dans lequel il y a pas mal de répétitions, de reflux de la conscience, des remords et de la mémoire et où l'action (minimale) est reprise plusieurs fois pour déployer le passé familiale du protagoniste mais aussi par la bande celle des relations entre l'europe et l'afrique (pas le plus réussi). Le genre du conte et du fantastique remplace peu à peu la chronique guerrière, comme si l'africanité vampirisait peu à peu une Histoire qui appartient aux européens. C'est assez maitrisé mais j'ai trouvé le livre paradoxalement assez froid et ayant un rapport limité à l'Autre, pas si éloigné du cliché. Cela reste intéressant et inédit.

La File indienne d'Antonio Ortuño (2016)

Roman noir ayant pour toile de fond l'immigration hondurienne et salvadorienne au Mexique où l'on suit l'enquête d'une assistante social d'un service d'immigration. On est entrainé dans un puits sans fond d'histoires de corruption, de règlements mafieux et de meurtres de masses ou l'apathie, quand ce n'est pas la haine, règne. Ortuno dresse le tableau d'un Mexique dont l’extrême violence nous rappelle la Shoah, l'enfer de Dante, le Salo de Pasolini. Le style, rugueux, brutal, sec tout en étant poétique se "savoure" lentement.



Cette chose étrange en moi : la vie, les aventures, les rêves du marchand de boza Melvut Karatas et l'histoire de ses amis : et Tableau de la vie à Istanbul entre 1969 et 2012, vue par les yeux de nombreux personnages d'Orhan Pamuk (2014, parution en 2017 en France)

Pas loin de 700 pages, une quarantaine de personnage....un livre foisonnant et ambitieux qui se propose de peindre avec minutie le portrait d'un vendeur ambulant tout en racontant la transformation d'Istanbul (sur le plan politique et géographique) sur près de 40 ans. Cette fresque au souffle indéniable, au réalisme captivant sème une douce tristesse plus qu'une nostalgie chez le lecteur, observateur d'une vie qui ne s'est pas complètement réalisée. C'est dans les dernières pages où Pamuk, libéré des histoires politiques, familiales et amoureuses qui s'éternise un tantinet, mêle, confond rêve et réalité, intériorité et urbanisme...et le livre y révèle sa profondeur.

Bret Easton Ellis va publier son nouveau livre, White, au printemps.

J'ai l'impression qu'il a écrit exactement ce que j'attendais de lui, à savoir une sorte d'essai sur sa vision du monde et non une fiction, et qu'il va provoquer nombre de retournement de vestes.

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There is no such thing in life as normal

Il est devenu totalement con Brett Easton Ellis, que ce soit sur Twitter ou dans son son podcast (qu'il fait dorénavant payer...), il fait un peu peine à voir dans le genre vieux con avec des goûts (notamment en films) totalement à la masse. Du mal à croire qu'il puisse ressortir un truc pertinent un jour, surtout pas dans un essai.

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CroqAnimement votre

CQFD

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There is no such thing in life as normal

Démolir Nisard - Eric Chevillard - 2006

Entreprise de démolition d'un écrivain/ critique littéraire du XIXième siècle , aujourd'hui oublié, prétexte pour Chevillard de jouer avec la figure de l'auteur en en faisant ici une sorte de Némésis sur laquelle va se déployer toute un imaginaire délirant de l'affrontement, de l'injure et du déshonneur proche parfois du cartoon



L'excès du ton, la liberté de la langue sont ici lié à un humour que j'apprécie, où la démesure et le dérisoire se marient.



La seule histoire - Julian Barnes 2018

Relation clandestine et amoureuse entre une jeune homme de 19 ans et une femme de 30 ans son aîné dans l'environnement étouffant de la petite bourgeoisie anglaise. Pas de pathos, une écriture limpide, épurée. Livre d'une très grande maitrise dont l'émotion sait surgir avec peu d'effet...ça m'a donné envie de me plonger dans l'oeuvre de Barnes



Beloved - Toni Morrison, 1988

Récit fantastique dans lequel j'ai eu un peu de mal à rentrer. Je soupçonne la traduction d'être en partie responsable tant l'écriture peine à restituer de façon fluide le parler afro-américain. Le livre baigne dans d'incessantes réminiscences ce qui le rend d'autant plus difficile d'approche mais le récit de cet infanticide et de ce deuil impossible finit par traduire avec élégance la réalité de l'esclavage dans toute sa violence.

Fini le Goncourt après une longue pause et pas grand chose à en dire. C'est bien écrit mais je trouve que ça dépasse jamais vraiment son ambition de cartographie provinciale des années 90 qui pour le coup est plutôt réussi. Il y a une poignée de passage où soudain tu sens un truc un peu émouvant mais c'est trop bref (je me rappelle un passage sur les femmes qui se retrouvent célibataires à 40 ans et qui se retrouvent comme dans une deuxième jeunesse). A l'image de cette fin ouverte qui ne conclut rien et qui, idée excellente, s'arrête le soir de la demie-finale de la coupe du monde 98 en ignorant la finale. Ca se lit bien, mais c'est quand même très long et pas certain que le roman laisse une grande marque dans la littérature.

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CroqAnimement votre

Crimes et châtiments, de Dostoïevski

Après avoir lu Le Joueur et Carnets du sous-sol, je voulais m'attaquer à une oeuvre plus ample. Je m'attendais, au vu du titre, à ce qu'une plus grande place soit consacrée à la prison, mais en fait le suspens sur ce que va faire Raskolnikov s'étire longuement, ce qui m'a parfois agacé. Mais la plongée dans l'esprit d'un homme qui se veut surhomme est brillamment menée. C'est tour à tour glaçant et poignant (horrible personnage de Svidrigaïlov, peint en creux et que Dostoïevski arrive à faire tout de même passer pour un homme, et non un monstre).

Je dois par contre confesser une certaine déception concernant la fin,