Consumés de David Cronenberg
Les premières pages m'ont fait très peur, le récit policier est grotesque (pas crédible une seconde, ça part dans tous les sens) et les références bien trop appuyées, surtout par rapport à la france, le personnage féminin s'appelle Seberg, il y a un couple de philosophes évidemment pompé sur Sartre/De Beauvoir... Mais peu à peu on se laisse prendre au jeu et on finit par ne plus pouvoir lâcher le bouquin. Parce qu'en effet ce récit à la logique narrative défaillante et aux coïncidences impossibles est totalement assumé et devient de plus en plus jouissif à mesure que l'intrigue absolument folle se délie devant nos yeux dans des circonvolutions aussi jouissives que fascinantes.
Il y a évidemment deux niveaux de lecture. La première, purement inconsciente, est selon la grille David Cronenberg. On ne peut s'empêcher de relier tout le contenu du livre à son cinéma et c'est un exercice hyper stimulant tellement on retrouve absolument TOUTES les obsessions du cinéaste à chaque page du roman. Si lors des premières pages on a l'impression qu'il fait du fan service (expérience médicale cheloue, sexualité déviante, corps et technologie...) on se rend rapidement compte que ce n'est absolument pas le cas et qu'on est face aux obsessions d'un auteur total, en pleine possession de ses moyens. A ce titre
Consumés, plus qu'aucun de ses films apparaît comme une synthèse de tout son cinéma. On y retrouve même cette évolution qui a été la sienne (du corps à la parole). Pour un fan, tel que moi, c'est donc un plaisir de chaque page, de retrouver celui qu'on a tant aimé (et qui, avous-le a plutôt déçu dernièrement même si j'aime beaucoup son dernier). Le second niveau de lecture, plus superficiel est celui d'une enquête journalistique autour d'un meurtre totalement hallucinée et folle, qui parvient à mêler des choses très différentes (du festival de Cannes, scène génialissime d'ailleurs, en passant par l'impression 3D et par la Corée du Nord...). C'est hyper plaisant à lire, constamment surprenant et on n'a aucune idée où ça va d'une page à l'autre.
Le seul gros défaut est sans doute la fin... qui n'en est pas une. Le roman semble coupé en plein milieu, ne conclut rien, ne décide rien et s'achève de manière totalement abrupte sans qu'une suite ne soit envisagée visiblement. C'est vraiment dommage. J'avais une version numérique du bouquin et j'étais persuadé que c'était ma version qui déconnait, qu'il manquait des bouts. Mais je suis allé vérifier en magasin et déception en réalisant que non, ça se finissait bien ainsi.
Mais finalement c'est pas très grave parce que le plaisir a été constant et qu'en plus d'être une oeuvre géniale et fascinante de David Cronenberg le cinéaste, c'est un roman fou, jouissif et totalement dingue. Au final s'il ne fait plus de films (comme il l'a laissé entendre) mais qu'il se contente d'écrire, si c'est pour délivrer la même qualité, ça me va sans problème.