L'Homme au balcon (Per Wahlöö et Maj Sjöwall)
L'éditeur est pas très malin, il n'y aucune indication de l'ordre des livres dans les bouquins en question... Sans le vouloir, je suis donc passé du n°1 au n°3, sans que ce ne soit une seule fois gênant à la lecture, cela dit.
J'ai trouvé ça vachement bien. C'est sans doute le fait de déjà connaître les particularité du style, et ainsi de ne pas avoir d'attentes parasites. C'est toujours aussi diablement sobre, simple, ultra-factuel - faut voir la façon couperet dont tombe la fin, enquête terminée et livre immédiatement refermé, plouf, c'est à la fois réjouissant et frustrant. Il reste par-ci par-là deux trois choses qui ont vieilli, ou qui sont en tout cas devenues de tels clichés qu'elles ont un peu perdu de leur force. Mais je crois que je prend goût à cette approche du roman policier : c'est clair et limpide, ça repose le crâne comme une bonne aspirine.
La Légende de Sleepy Hollow (Washington Irving)
Petite nouvelle qui surprend assez par la façon dont elle a absolument que dalle à voir avec l'adaptation de Burton : le plus gros point commun est le héros ridicule, quoiqu'il est chez Irving assez peu sympathique. La plus grosse différence réside dans l'atmosphère, qui a quelque chose de très généreux dans la nouvelle : les champs abondants, la beauté de la campagne ensoleillée, la chaleur des habitants.
C'est l'une des beautés du livre : le fantastique noir (qui intervient assez tard) ne vient pas troubler ou remettre en question le monde. On sent bien que ce village est un peu à la bordure de la civilisation, que la nation côtoie encore des bois qui évoquent les contes européens, et cette communauté hollandaise, dont on nous dit qu'elle est comme en retard sur l'avancement du pays, fait une sorte de trait d'union vers le passé archaïque de l'Amérique. En ça, en fait, le livre et le film sont assez proches, même si c'est de deux manières complètement opposées. Ici, la magie (au sens figuré) d'un charmant village rural glisse sans difficultés vers la magie (redoutée) des légendes du coin. Cette cohabitation est très bien gérée.
Ça va de pair, d'ailleurs, avec une méfiance entretenue envers le fantastique (qui, on le comprend, n'est pas advenu ici, la supercherie est sous-entendue) : histoire racontée par un intermédiaire, trous dans le récit. On côtoie le conte sans réellement s'y abandonner, et cette façon de faire de cette nouvelle à la fois un conte et un point de vue sur ceux-ci, dit aussi, à sa façon, la transition que sont entrain de vivre les USA.
Bon, j'étale beaucoup dessus (je dois être entrain de réciter la préface d'ailleurs, me semble l'avoir lue), mais si ça reste charmant, c'est pas un livre exceptionnel. Vous pouvez essayer, le bouquin coute 2 € et se lit en une heure à peine.
City (Alessandro Baricco)
Je suis très partagé. J'ai failli arrêter le livre après quelques pages, puis failli le balancer à plusieurs reprises ensuite... Je ne suis pas un grand lecteur, et j'ai un peu de mal avec toute écriture qui demanderait un effort assez prononcé pour provoquer une cassure dans l'immersion du récit. Je suppose que c'est ce que je ressentirais face au cinéma moderne si j'étais non-cinéphile, mais c'est donc un peu compliqué de trier entre le grain et l'ivraie quand je bute contre un roman pour ces raisons.
C'est la nature (et la qualité) du livre d'être ultra-foutraque. Mais il y a ici quelque chose qui me semble tout de même relever de facilités exaspérantes, à commencer par les monologues qui parsèment le roman : de longues logorrhées pleines d'approximations (recherchées) de langage parlé, qui s'étalent sur plusieurs pages sans aucun point, que des virgules, parfois même avec des effets de mise en pages moches et inutiles cassant les phrases en plein milieu. Je n'en vois pas l'intérêt : à chaque fois que je tombais dessus, je soupirais et refermais le bouquin pour un temps. C'est une corvée à lire, et tu sens que ce n'est même pas "travaillé", mais juste jeté comme ça sur le papier, comme dans le mouvement d'une supposée inspiration. Il n'y a qu'une fois où ça a vraiment du sens : pour le match de boxe contre Poreda, parce qu'il est normal que tout s'y embrouille (et que les différentes voix qui s'entremêlent forment un canevas plus segmenté - majuscules, minuscules, textes entre parenthèses -, et donc plus lisible).
Il reste que le roman m'a souvent réjoui. Il faut passer la façon dont, via ses personnages, Baricco semble sans cesse s’auto-congratuler de l'originalité de ses idées. Cet éloge du bizarre a quelque chose d'assez immature qui peut vite gonfler. Mais pour le reste, les échanges entre les personnages (un enfant génie vivant seul, sa babysitter folle, ses amis imaginaires, son prof paumé...) sont assez jouissifs, comme si l'on nous mettait dans l'intimité d'un îlot d'humanité sauvegardé au milieu du bordel du monde. Le simple plaisir de ces personnages à être ensemble est pour beaucoup dans le fait qu'on tienne le livre malgré ses énormes défauts. Quelques gros passages (notamment toute la fin du fil rouge Western, exaltante) emportent le morceau.
Je trouve quand même ça super perfectible et bancal, sous couvert d'être un roman-chaos. Il me semblait que ça avait une petite réputation Baricco.