Isaac Asimov - Cycle de Fondation Fondation, Fondation et empire, Seconde fondation
Alors voilà, il est fini ce cycle principal de Fondation, pilier proclamé de la science-fiction.
Le plus réjouissant, dans ce cycle, c'est l'ampleur des enjeux: je crois que je n'ai tout simplement jamais lu quelque chose d'aussi ample. Au niveau historique, c'est vertigineux, et ça va chercher jusqu'aux limites des conceptions du futur. Il a le projet de faire aboutir l'humanité en tant que civilisation, paradoxalement à partir d'un déclin, et la démonstration est convaincante.
L'aspect technologique est en revanche à ma grande surprise peu développé, moi qui pensait qu'Asimov était un représentant de la hard science-fiction... Asimov décrit bien quelques innovations à l'aide de concepts scientifiques, mais on sent que c'est plus par souci de construire un univers cohérent que par souci de réelle crédibilité. Ceci dit, il est clairement un partisan de la science atomique qui dans Fondation est le socle du progrès technologique.
Dans le même ordre d'idée que ces deux aspects (enjeux + technologie), j'ai lu quelque part qu'il fallait lire Fondation comme une Histoire illustrée, d'un futur particulièrement lointain certes, mais une Histoire quand même. Il ne faut en effet pas s'attendre à des scènes de guerre très développées, à des aliens envahisseurs. Et encore moins, à une intrigue dramatique substantielle. En fait, l'intrigue dramatique est l'Histoire même, et les personnages ne sont que de micros-agents de cette Histoire. La forme de la narration, et le style, se conforment ainsi pleinement au postulat d'Asimov et de la fameuse Fondation, selon lequel les changements historiques sont régis par des règles mathématiques et sont ainsi prévisibles si l'on prend une échelle de population suffisamment grande pour atténuer les effets des variances individuelles, liées par exemple à une figure de Grand Homme.
C'est ce qui fait la perfection du projet de Fondation: le fait que le fond s'éprouve pleinement dans la forme (narration et style). Ce style, justement, est peu flamboyant. Ce n'est pas toujours très bien écrit, Asimov est clairement plus un architecte qu'un décorateur, et il n'y a même pas d'ailleurs la jouissance d'un style très rigoureux et précis. N'allez pas chercher d'élans poétiques dans ce cycle, il n'y en a pas. Les personnages sont assez plats et peu intéressants en eux-mêmes.
Le seul bémol réside justement dans cette tentation régulière chez Asimov de se faire décorateur, de développer malgré tout des descriptions physiques et psychologiques des personnages, alors qu'elles sont accessoires dans son projet. Certes, toute histoire est faite de personnalités, mais comme le projet est ici de montrer que ces personnalités influent peu sur le déroulement global, j'aurais aimé qu'Asimov pousse la logique jusqu'à occulter complètement ces aspects issus du roman traditionnel.
C'est probablement une concession au public et à lui-même, s'autoriser ces petits moments conventionnels, ramener le lecteur dans le champ d'une lecture plus ou moins balisée. Et puis peut-être qu'une fois ces individus ramenés à ce qu'ils sont réellement, de petits rouages dans une énorme machinerie, le décalage avec le romanesque précédemment construit interpelle plus, choque pour mieux faire pénétrer l'idée chez le lecteur. Peut-être. Il y a cette manipulation du lecteur, d'ailleurs, ce goût pour le jeu et le coup de théâtre, qui fait que la lecture est à certains moments très intense - certains passages m'auront scotché comme rarement; je ne voulais littéralement lâcher le bouquin pour rien au monde.
Mais on a quand même l'impression que le cycle est dilué dans des considérations longuettes sur des personnages dont on se fout, à grands renforts de dialogues au mieux banals au pire atrocement plats. Je regrette à cet égard que le cycle n'ait pas été pleinement à l'image de son premier tome, pour moi le meilleur: une succession d'énigmes géopolitiques qui font avancer l'Histoire, et au cours desquelles la science de l'analyse et du didactisme d'Asimov font merveille. Les tomes deux et trois sont constitués de plus grands arcs narratifs qui, par cela même, précipitent Asimov dans la tentation romanesque décrite plus haut.
Je me contente pour l'instant des trois premiers livres du cycle puisqu'ils forment un tout originel, qu'Asimov a des années après, à la demande de l'éditeur, prolongé par deux derniers tomes qui me semblent dispensables - mais je les lirai un jour. Sponge, Mass, vous les aimez les derniers?