Castorp a écrit:
Pas lu le bouquin, aucune envie de, mais l'extrait qu'on trouve
là, me fait dire que oui, c'est écrit comme un blog. C'est complètement nul.
Je comprends ce que tu veux dire mais quand je parle de littérature de blog, je parle plus du contenu, tandis que toi visiblement tu parles du style. Or, pour moi, ce n'est pas parce que ce bouquin est composé d'une succession de phrases courtes qu'il est mal écrit, loin de là.
La première fois que j'ai entendu parler de ce livre c'est en lisant la critique des Inrocks où Edouard Louis racontait qu'il avait jeté la première version de son livre qui était beaucoup plus écrite, pour n'en garder qu'une version à l'os, avec ces phrases délavées d'adjectifs, d'adverbes et de synonymes. C'est un choix d'écriture pour essayer d'enlever l'affect, et c'est la crudité et ce choix de jarter tout l'aspect descriptif qui donne toute la force à ce témoignage. Je trouve le bouquin puissant et courageux, Edouard Louis a un côté Violette Leduc, une manière de s'engager dans son bouquin qu'on trouve rarement chez un auteur. C'est justeme,nt de par son style que je trouve ça ni complaisant ni misérabiliste. Il se trouve que j'ai lu ce bouquin juste après celui d'Arthur Dreyfus, Histoire de ma sexualité, qui est de la même génération (25 ans, 21 ans pour Edouard Louis) et qui essaie de faire du Genet et du Guibert en en reprenant les tics d'écriture mais sans en avoir les couilles (du genre "oh tout ce que j'écris n'est pas vrai", "ohlala comme ma famille essaie de me dissuader de mon projet de livre, comme je suis sulfureux") et enchaîner avec En finir avec Eddy Bellegueule m'a fait beaucoup de bien, comme le remède à cette espèce de littérature bis qui singe ses auteurs préférés sans en avoir le talent.
Et c'est parce que le livre est devenu un phénomène d'édition, qu'il est premier des ventes à la fnac, que d'un coup on assiste à ce backlash complètement puéril, très français, comment le nouvel obs qui interviewe la mère façon fact checking en grand inspecteur de la vérité. C'est parce que le livre est violent et qu'il ne cherche pas à ne surtout pas faire de vagues qu'il en tire une puissance brute, loin des tambouilles psycho qu'on nous sert habituellement.
Pour moi la littérature de blog, c'est cette misanthropie jeuniste qu'on retrouve dans Taipei, ces gens zombifiés qui vont dans des soirées dont il n'en ont rien à foutre, qui s'emmerdent devant leur macbook, qui prennent des drogues pour passer le temps, et qui n'en finissent pas de chroniquer leur ennui en pensant que ça peut intéresser un autre lecteur que le branleur précaire lambda censé s'y retrouver. Ces bouquins, j'ai l'impression déjà d'en avoir lu mille, c'est limite devenu un sous-genre.
Après si tu veux lire un grand bouquin d'un auteur sorti récemment où chaque phrase est un modèle d'orfèvrerie qui laisse béat d'admiration tellement chaque mot semble pensé, je ne saurais que trop te recommander le nouveau bouquin de Maylis de Kerangal, Réparer les vivants, qui avec Emmanuel Carrère est sans doute la meilleure auteure vivante de France. Et je recommande aussi son précédent qui avait reçu le Medicis, Naissance d'un pont.