Les Bienveillantes de Jonathan Littel
Goncourt 2007. Un vieil officier nazi nous raconte la guerre sur près de 1000 pages.
Très gros morceau. Pas du tout évident de prime abord mais très rapidement on se fait entraîner dans le flot de l'Histoire et des horreurs qu'elle contient.
Ce que j'ai particulièrement apprécié c'est la précision documentaire du roman où l'on sent un travail absolument monstrueux derrière chaque page pour restituer la justesse de l'organisation du parti nazi et respecter la chronologie des évènements.
Ce qui frappe tout d'abord le plus d'ailleurs c'est la manière dont le parti nazi est décrit comme une multinationale gigantesque faite d'une multitude de services qui se contredisent les uns les autres, qui se concurrencent et surtout qui ont des spécialistes d'à peu près tout. Il y a tout un passage que j'ai trouvé absolument génial dans le bouquin où la problématique des nazis est de décider si une peuplade reculée d'Ukraine est juive ou pas, donc à laisser tranquille ou à massacrer. Et pour ça ils font appel à des linguistes hyper pointues, des ethnologues. Ils vont rédiger divers rapports, faire des réunions interminables etc... Une telle organisation dans la destruction c'est fascinant. Et c'est comme ça pour tout, comme cet ingénieur spécialisé dans les ponts qui est appelé pour savoir où mettre les bombes sur les ponts pour optimiser les destructions.
Cela aide bien à remettre à plat une certaine idée du nazisme où finalement contrairement à l'idée reçue d'un parti de brutes épaisses brutalement antisémites, il y avait un énorme vivier de grands intellectuels qui ont fait de la guerre un immense terrain d'expérimentation.
Au-delà de ça c'est d'une richesse inouïe sur le déroulé des évènements et sur certains moments clés (massacre de Babi Yar, Bataille de Stalingrad, bombardement de Berlin etc...). Vraiment pour qui s'intéresse à cette période c'est du caviar.
Après l'aspect plus raté du roman vient sans doute de sa partie "fictive". Déjà dans la caractérisation du personnage principal c'est très grossier, un peu le schéma du nazi illustré. Le mec à des penchants homo qu'il refoule, il est incestueux, il est obsédé par la merde etc... Trop évident, trop facile.
De plus tous le récit autour de sa personne est un peu en trop. On se tape d'interminables scènes de rêves par exemple (j'en ai zappé quelques unes) et il y a une sous-intrigue criminelle qui traverse le roman et dont on se serait bien passé même si au final ça ajoute au sentiment de folie généralisée de l'ensemble.
Grand roman en tout cas et surtout pour un premier roman c'est très, très impressionnant.