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MessagePosté: 15 Sep 2011, 00:52 
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De gré ou de force, le monde est appelé à vivre le rêve américain comme son propre rêve. Au moins depuis que le cinéma l'a massivement exporté. Ce rêve, que nous le voulions ou non, nous le partageons. Le projet de ce film est de le rendre à la fois plus intime et plus universel.


Je vais aller vite, je dois aller me pieuter rapidement... Des Pallières est énervant. Il te met sous le nez un concept de film génial. Mieux : un projet tellement beau, comme un trou dans le cinéma mondial qu'il faudrait combler, un film rêvé à faire. Il te montre qu'il a le talent immense pour le mener à bien. Et il gâche à moitié son œuvre.

Mes reproches rejoignent un peu ceux de Zad, même si le regard sévère n'est pas un souci : quand il est fasciné ou terrifié par le pays, notamment au début dans cette espèce de genèse angoissante, qui redonne presque, en trois fois rien, la vision de la naissance de cette Nation comme l'avènement d'une nouvelle race... tout ça, ça marche. Mais de temps à autre ça revient, inexplicablement : des cartons d'un militantisme teubé et grostesque, incompréhensibles, caricaturaux, profondément débiles - mettre dans la bouche des personnages quelque chose comme "je veux transmettre à mes enfants l'esprit de compétition", ce genre de truc interdit. Ou encore le retour constant et épuisant à la figure pas assez travaillée (clichée) de l'indien...

Et ça passe, toujours, parce que toutes les deux secondes tu te prends une baffe de cinéma dans la gueule. Parce que Des Pallières a ce talent si rare dans le ciné français de savoir apprécier une simplicité : la splendeur d'une image d'archive vibrante, la beauté d'une musique, le son juste choisi pour aller avec, et un sens, une poésie, une scène qui en naissent avec toute l'évidence du monde. Concrètement, il n'y a que très peu de scènes ratées (peut-être celle avec les femmes dans la rue, dont les archives sont anodines ; ou encore la réutilisation sans renouvellement des plans de déforestation), et le film te gagne de toute façon immédiatement par sa capacité à t'envelopper, à te bercer (jusqu'à la très jolie fin), quelque part en haut dans l'espace, attaché comme l'astronaute par un cordon ombilical au flux image-son si parfaitement géré.

Mais putain, comment ça aurait pu être plus grand, plus ambitieux, comme ça aurait pu englober le continent, ses mythes, ses siècles, son immensité... L'impression d'un film qui reste à faire, et surtout de scènes géniales alignées plus que d'un tout achevé. Des Pallières, finis-nous enfin un film entier et proprement, merde !

Bon, je pense quand même que c'est son meilleur depuis Disneyland. Et très envie de voir Diane Wellington.


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MessagePosté: 15 Sep 2011, 09:04 
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MessagePosté: 15 Sep 2011, 09:08 
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Pas Enregistré et hâte de voir ça ! :(

EDIT :
On peut le voir ou revoir ici :
http://videos.arte.tv/fr/videos/poussie ... 12916.html


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MessagePosté: 15 Sep 2011, 09:33 
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Bon, je copie ma critique du FID :

La première chose que Poussières d'Amérique démontre, c'est la puissance de feu du monteur Des Pallières. Unique monteur de ses films, Arnaud Des Pallières a toujours revendiqué cette étape comme le réel temps de sa mise en scène, où l'intime de la station de montage se confond avec l'universel de la mise en confrontation de deux plans. Il fallait bien qu'un jour l'auteur de Disneyland, mon vieux pays natal en vienne au found footage : l'exploration libre d'une banque d'archives en ligne en est l'occasion.


De ces images perdues (chutes de films institutionnels, publicités, films de famille...) ayant pour dénominateur commun l'Amérique, Arnaud Des Pallières a enlevé le son pour mieux pouvoir les associer. Organisés thématiquement, les plans s'évadent de leurs bobines d'origine afin, adoptés par le numérique, de démarrer une nouvelle vie. Ainsi réagencés puis resonorisés, ils intègrent un nouveau récit scandé très régulièrement par des cartons imposants et suspensifs : en une poignée de mots par écran noir, les phrases sont soumises à un réel découpage cinématographique et prennent à leur tour valeur de plans, vecteurs de suspense autant que d'effet Kouletchov. Soient par exemple des plans successifs d'ouvriers au travail, bâtissant ensemble, avec sérieux mais dans la joie, un pavillon, une piscine, tout le confort du petit-propriétaire moderne. A chaque plan, un ouvrier différent, anonyme : qui occupé à couler une dalle de béton, qui à donner des coups de masse et ainsi de suite. Survient un premier carton (ici cité de tête, approximativement) : "Il lui arrivait parfois d'imaginer" ; retour au chantier, un homme manie une pelle : "qu'il pourrait quitter sa femme". Retour sur le même homme à la pelle, identification subite, attachement intime soudain, pour cet homme qui à la caméra sourit (car dans quel film de famille, dans quel film institutionnel, dans quelle publicité, tirerait-on la tronche en travaillant ?) tout en creusant son tombeau familial, son foyer de cauchemar...


Voilà donc pour le procédé, d'une efficacité narrative et émotionnelle redoutable. Et, de fait, bien sûr : aussi à redouter. C'est qu'en s'emparant du sujet canonique de l'Amérique, ses formes politiques, sa domination capitaliste, brutale et phallocrate, sa conquête spatiale, mais aussi ses puissances de storytelling de l'intime, Arnaud Des Pallières opte à son tour pour une "façon américaine", qu'à la fois il prouve être capable de mener, mais qu'à la fois, singulièrement, il rejette avec dégoût. Ce qui s'entend ici par "façon américaine", c'est cette façon de raconter des histoires de petit garçon pour narrer la Grande Histoire, des cow-boys et des Indiens, des ogives phalliques et des cosmonautes ombilicaux, des petits drames intimes à choisir sa femme, sa voiture ou sa maison, ramenés au grand drame du monde consumériste. Ce qui va avec cet individuel ramené au Monde, c'est encore une autre "façon américaine", à savoir une capacité démiurgique à choisir où appuyer pour faire venir l'émotion, quelle quantité de violons placer à quel endroit, à quel instant le "je" singulier devient le "je" commun, à quel moment la vie quotidienne se pare de grandiose ; bref, comment accoucher du Mythe.


Le déséquilibre de Poussières d'Amérique se loge ici, dans ce paradoxe sans doute terrible pour Des Pallières : c'est encore dans cette façon-là que le film réussit le mieux. Seulement Des Pallières n'est pas américain, le refuse, le dénonce (l'analyse des dominations langagières et symboliques made in USA n'est pas la plus grande légèreté du film...) et sa façon est française. Cette crise interne au film se dit dès les premiers cartons, encore une fois cités de mémoire. "Personnellement, je crois que l'Amérique est le plus grand pays de l'histoire" : archives spatiales stupéfiantes de beauté, comme l'extrême majorité des plans du film, et l'on s'attend à l'aveu émouvant d'un intellectuel français, reconnaissant à l'Amérique, bien malgré lui, bien malgré l'Impérialisme, bien malgré le despotisme souvent terrible des images états-uniennes, une supériorité certaine dans la représentation sensible ; "parce que c'est le pays du libre-échange", et soudain la recherche d'un effet d'ironie et de distanciation, "façon française", si j'ose dire*. C'est là tout le problème du film, partagé entre son lyrisme de l'intime et ses grandes leçons d'Histoire et de Politique, tantôt premier degré et bouleversant, disons vite spielbergien (les derniers mots du film émeuvent au plus haut point), tantôt dogmatique et professoral, comme lorsqu'à l'abord du troisième acte du film, Des Pallières reprend la question indienne comme l'on fait une synthèse en fin de dissertation, pour dire mal godardien (mal, car Des Pallières est trop sage, trop ordonné, trop bon élève pour être Godard, mais l'influence est là, flagrante). Toutes ces failles sont sans doute le signe d'un certain dévoiement du projet ; mais in fine, presque par accident, elles le nourrissent aussi et en renforcent, entre les lignes, la complexité.



* Aparté : j'insite sur ce "si j'ose dire". Evidemment que la "façon américaine" et la "façon française" restent des inventions culturelles, qu'ici j'emploie par utilité autant que facilité d'usage. Mais il se trouve aussi que le film en traite, s'y positionne sans le dire. Je ne perds toutefois pas de vue ce qu'un ami m'écrivait il y a peu, scandalisé que "français", pour un film, puisse devenir un adjectif péjoratif : "Déclaration inutilement agressive et bête et superstitieuse et normative et typologiste et essentialisante et incapable de se détacher de sa propre détestation politique même dans le hors-sujet total qui avait valu une situation publique assez ridicule à un ami écrivain ayant eu l'idée saugrenue de défendre devant moi l'idée qu'il existe une "littérature américaine" (c'est qui ? Coover ? Stein ? Reznikov ? Ellroy ? Stephen King ? Melville ? etc. C'est quoi ? Des descriptions de voitures ? Des phrases courtes ? Longues ? A moitié ? Du nationalisme ? Le contraire ? Des chiens qui parlent ? Des bûchers sur Time Square ?). Pauvre petit écrivain français honteux. Honteux de quoi ? S'il avait pu le dire... Qu'est-ce qu'on tire de francité d'un film français ? Ca lui préexiste ou ça en découle? C'est pérenne ? C'est étendu au Poitou ? Au marxisme? A 1905 ? C'est où le champ, le paradigme, le début de la queue de l'analyse? Quelle grossiereté de vue, quelle absence de compréhension de l'art... Les oeuvres d'art sont faites par des artistes, pas par leur biotope, artistes dont la position DEROGE à la socialité fonctionnelle, questionne l'assurance normative et ne la reconduit pas, ce ne sont pas des petites fleurs qui poussent sur la tapisserie commune ni des faits de sociologie."

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MessagePosté: 16 Sep 2011, 09:30 
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Absolument détésté alors que jusqu'à aujourd'hui j'ai tout aimé ce que j'ai vu de lui (avec plus ou moins de réserves, sur Adieu notamment qui m'avait pas entièrement convaincu) mais là c'est une espèce de caricature chiantissime et poseuse qui se complaît dans son propre système fermé sur lui-même.
Alors déjà troquer la voix-off pour des cartons je veux bien mais le systématisme entraîne une redondance assommante sur 1h30. D'autant que ce que j'apprécie particulièrement chez lui c'est justement cet art protéiforme et cette multitude de point de vue où se mèle reflexion sociologique, mythologie, cinéma etc... qui rend chacune de ses oeuvres on ne peut plus singulière. Mais là c'est juste n'importe quoi, de cartons un peu provoc' (ceux du début), un peu cash sur la question du colonialisme et de l'esclavage et puis passage au fait divers et à la mythologie humaine etc... Tout ça n'a pas fonctionné pour moi. J'attendais le prochain carton avec une espèce de léthargie de plus en plus terrible.
Après le choix des archives est intéressant mais là encore je m'attendais à autre chose, espace, construction, déforestation tout ça m'a pas semblé hyper fin mais effectivement ces images ont quelque chose d'incroyablement fascinants et la métonymie évidente des images est bien vue.
Mais je m'y suis bien ennuyé, la voix de Des Pallières m'a manqué, l'espèce d'ambiance musicale est pas terrible et j'ai fini par m'endormir comme une masse au bout d'une heure. Je regarderai jamais la fin.

Bref grosse déception, le film ne m'a pas parlé, j'ai eu l'impression qu'il ne me concernait pas.

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