Forum de FilmDeCulte

Liàn liàn fēng chén (戀戀風塵) en VO.



Taïwan, 1965. Deux amis d'enfance décident de quitter leur village de montagne pour aller travailler à Taipei.


Je continue à remonter la filmo de HHH vers son origine, pour voir si son cinéma perd en volupté en s'enfonçant en terres naturalistes. Pas du tout, pour l'instant. C'est même particulièrement marquant dans ce film-ci, qui ressemble à une déclaration d'amour à Taïwan, qui envahit les sens des le premier plan perçant la montagne végétale, ouvrant et refermant dans le wagon d'un train son puits de lumière... La stase HHH est déjà là, et le film se vit comme un bain délicat de sensations d'adolescence.

Je me sens toujours pas capable de définir cette "manière" HHH, sinon en notant que je suis encore une fois étonné de la sensorialité d'un film qui n'use pourtant jamais des moyens attendus : qui jamais ne va aller tâter une matière en gros plan, souligner l'état du climat, contempler les effets de lumière. Ça reste implacablement sobre (le diaph pour seul outil, et encore c'est subtil), l'état des choses s'insinuant dans le spectateur par des voies plus profondes, par un rythme équilibré apparenté à l'apaisement d'une sieste, par une attention enveloppante aux personnages, qui traversent un scénario si doucement évasif qu'on ne comprend que la moitié du temps ce qui se passe réellement - et qu'on s'en fout. Une scène d'évanouissement intense, et les relations surprenantes enchaînant les scènes autour d'elle, révèlent aussi de manière aigüe la dimension d'étrangeté, voire de fantastique, qui ronronne sous la surface illuminée de ce vérisme doux.

Du coup, ce qui est plus simple, c'est de définir ce que ce style n'est pas. Et c'est le défaut de ce film, par erreurs d'un cinéma qui se cherche encore un peu sans doute, de parfois sacrifier à un modèle de chronique autobiographique plus pépère (micro-scènes un peu sèches, petites percées de guitare mélancolique, références au cinéma d'antan). Il y aussi des faux pas qui me surprennent : le spectacle du jeune garçon qui chiale dans son lit, je me dis que j'aurais jamais vu ça dans un autre de ses films, qu'il aurait eu l'élégance d'une ellipse, ou qu'il aurait mis ça en périphérie d'un autre évènement... Et puis les deux personnages, caractérisés par leur silence et leur calme au milieu de persos secondaires moins attachants, offrent une ligne émotionnelle un peu atrophiée.

Le parfum zen du village reste bien en tête, mais ces défauts récurrents empêchent d'être totalement ému (alors que l'âge des deux jeunes gens, leur relation ambiguë, le décor, tout ça pouvait vraiment péter la baraque). Reste des petits bijoux disséminés partout, comme semés dans chaque scène (le dernier qui me reste en tête : les "retrouvailles" avec la mère, je vous laisse découvrir). Des petites choses toutes simples et évidentes qui font tout le prix de ce cinéma.



Un autre truc : je commence sérieusement à considérer l'importance de Mark Lee Ping-Bin dans ces films. Il y a une osmose entre cette façon de capter la lumière et cette mise en scène, qui donne l'impression que les deux sont complètement dépendants l'un de l'autre, et que si le chef-op se barre, le cinéma de HHH devient quelque chose de totalement différent.

Que c'est beau. Plus que le récit d'un amour naissant, c'est la manière dont HHH parle de l'histoire de son pays, des aspirations de ses persos, de la géographie aussi, qui m'impressionne. La fin est déchirante (oui mon avis est court).

5/6