Forum de FilmDeCulte

Le forum cinéma le plus méchant du net...
Nous sommes le 22 Déc 2024, 21:06

Heures au format UTC + 1 heure




Poster un nouveau sujet Répondre au sujet  [ 9 messages ] 
Auteur Message
MessagePosté: 07 Jan 2017, 21:44 
Hors ligne
Expert

Inscription: 27 Oct 2016, 16:17
Messages: 237
Fin du XIXème siècle, dans une petite ville de Hongrie. Jano Kelepi est un étudiant pauvre mais heureux : la tenancière d'une maison de tolérance et ses pensionnaires l'ont pris sous leur protection. Lorsque sa vieille mère arrive en ville pour lui rendre visite, celles-ci, pour dissimuler la réalité, transforment la maison de plaisir en honnête pension de famille.


Image

Image

Image

Image

Image

Image

Image

Deuxième film de Kàroly Makk que j'ai pu voir (grâce à un très riche DVD chez Malavida, dont j'ai repris le résumé) , deuxième chef-d'oeuvre qui confirme l'importance et la force du réalisateur. "Amour" était âpre et taillé à l'os, ceci est une comédie chorale, à la fois évidente et extrêmement difficile à classer. Il y a quelque chose qui relève de l'humour humaniste (au fond profondément pessimiste, un moralisme qu'un masochisme narquois atténue) de Jean Renoir (on n'est pas non plus très loin de "Des Jours et des Nuits dans la Forêt" de Satyajit Ray, mais il est lui-aussi influencé par Renoir), quelque chose qui s'inscrit à la fois dans la libération des moeurs des années 1970 (le film va assez loin dans la représentation du sexe, et dialogue avec des choses comme Blier ou le Splendid, mais déplacée dans le passé à cause du contexte hongrois, du coup le film résonne aussi avec la mode "rétro-politique" de l'époque), mais le film est traversé par des bouffées sombres de nihilisme et d'inquiétude qui le rattachent plus souterrainement à Salo de Pasolini ou à Ferreri (le beau personnage de Béla, la prostituée suicidaire, pressentant les conséquences de l'antisémitisme montant, jouée par Carla Romanelli, qui donne une scène très proche de The appartment de Wilder). Le film a dû fortement influencer l'Appolonide de Bonello ( qui ne l'a pas cité je crois). Makk était souvent présenté à Cannes dans les années 1970, et ce film a été distribué comme une comédie érotique en France, ce qui lui a valu un certain succès (l'humour de Makk n'est pas trop loin de celui de Milos Forman, mais avec une dimension plus bergmanienne, une distance existentielle fascinée et impossible à réduire sur la féminité) . Il s'agît d'un film à la fois populaire et moderniste, consensuel et subversif. Mais des moments de pure beauté cinématographique (la scène où les pensionnaires sortent dehors, la superbe lettre que l'une d'entre elle écrit à son fiancé pour rompre avec lui) excèdent ce typage sociologique, le film est extrêment pictural (Janos Toth excellent chef-opérateur; il y a l'air d'avoir eu tout une école hongroise car sa lumière et ses cadres sont proches de Vilmos Zsigmond), mais sans verser dans l'esthétisme. Il prend en compte une forme de grotesque. L'idée, qui a dû traverser Velasquez quand il peignait Philippe IV, puis les bouffons de la cour de celui-ci, ou bien Flaubert quand il explique que Monsieur Bovary, harassé de fatigue sur son cheval, mais se croyant néanmoins inattaquable, se rêve en fait à côté de celui-ci, galopant lui-même, que la beauté esthétique est immanquablement recouverte par une couche de discours, de pouvoir et de postures sociales, par rapport à laquelle elle ne peut être que momentanée, et ne vieillir qu'au prix du grotesque si on essaye (et l'on arrive) à l'en dégager, est finalement une joie qui, trop bien cernée, donne presque envie de mourir et peut se retourner en haine de soi (et condamne à parler malgré soi de la politique pour faire survivre la communication avec autrui en face de l'image) tellement il est impossible de s'identifier à elle et qu'elle est à la fois objective et proche de l'illusion, a visiblement aussi travaillé Makk.

Le livret du DVD contient un très intéressant texte extrait d'un livre sur le cinéma hongrois de Jean-Pierre Jeancolas, qui donne envie de voir tous les autres films du réalisateur (notamment Jeux de Chat et un Autre Regard)


Dernière édition par supergontrand le 08 Jan 2017, 00:47, édité 5 fois.

Haut
 Profil  
 
MessagePosté: 07 Jan 2017, 22:12 
Hors ligne
Schtroumpf sodomite
Avatar de l’utilisateur

Inscription: 22 Mar 2006, 22:43
Messages: 24601
Localisation: Arkham Asylum
Je connais pas du tout. Je vais tenter, tiens.

_________________
N'écoutez pas Film Freak


Haut
 Profil  
 
MessagePosté: 07 Jan 2017, 22:19 
En ligne
Meilleur Foruméen
Avatar de l’utilisateur

Inscription: 25 Nov 2005, 00:46
Messages: 87077
Localisation: Fortress of Précarité
LE MEC A JUSTE LU LE TITRE EN FAIT

_________________
Image


Haut
 Profil  
 
MessagePosté: 07 Jan 2017, 22:22 
Hors ligne
Sir Flashball
Avatar de l’utilisateur

Inscription: 23 Déc 2013, 01:02
Messages: 23920
Film Freak a écrit:
LE MEC A JUSTE LU LE TITRE EN FAIT


Un nuit très morale contrairement aux films de Steven Spielberg ?

_________________
"Je vois ce que tu veux dire, mais..."
"Je me suis mal exprimé, pardon."


Haut
 Profil  
 
MessagePosté: 07 Jan 2017, 22:24 
Hors ligne
Expert

Inscription: 27 Oct 2016, 16:17
Messages: 237
Regardez-le bordel (et regardez le bordel aussi lol). Il y a même un clône de Sophie Marceau en mieux. Et l'acteur (Györgi Cserhalmi) ressemble à Owen Wilson mais joue comme De Niro. C'est d'ailleurs ample comme 1900 mais en trois fois plus court (Makk n'essayait pas de se demander qui choisir entre Lénine, Mao ou sa maman pour relier les plans ).
"Amour" est très bon aussi, mais n'a presque rien à voir (enfin si,
le personnage de la mère est quasi le même et il y a une mise en abyme "autocontenue" du film dans une lettre
).


Haut
 Profil  
 
MessagePosté: 30 Déc 2019, 17:05 
Hors ligne
Expert

Inscription: 30 Sep 2016, 19:39
Messages: 5913
Verdict Tetsuo ?

(le cinéma d'Europe central et des Balkans des années 60, c'est quand même prodigieux ce qu'il reste à découvrir - quand bien même la plupart serait des films modernistes chiants, sublimes sur les captures d'écran mais imbitables dans les faits).


Haut
 Profil  
 
MessagePosté: 30 Déc 2019, 18:17 
Hors ligne
Schtroumpf sodomite
Avatar de l’utilisateur

Inscription: 22 Mar 2006, 22:43
Messages: 24601
Localisation: Arkham Asylum
Ah j'avais totalement oublié...

_________________
N'écoutez pas Film Freak


Haut
 Profil  
 
MessagePosté: 15 Aoû 2020, 11:48 
Hors ligne
Expert
Avatar de l’utilisateur

Inscription: 30 Déc 2015, 16:00
Messages: 8353
J'ai trouvé cela passablement mauvais, moins que l'improbable Jeux de Chat que je n'ai pas eu la force de finir (et dont je me demande comment il a pu être dans la shortlist pour l'Oscar du meilleur film étranger), mais loin du chef d’œuvre vendu par Gontrand. Pourtant le film commence plutôt bien, qui se concentre sur le petit monde qui habite cette maison close, la photo est effectivement soignée, la réalisation riche sans être trop ostentatoire. Je ne connais pas l’œuvre de Sándor Hunyady dont est tiré le film mais ces 30 premières minutes m'ont beaucoup fait penser à La Fosse aux filles, impression renforcée par l'irruption de l'étudiant que toutes les prostituées semblent particulièrement apprécier. Malheureusement la suite prise par le film est bien différente de celle du roman de Kouprine et n'a guère d'intérêt, si ce n'est de nous asséner une lourde morale sur la décrépitude d'un monde qui tente vainement de pervertir sa jeunesse. Les scènes s'allongent alors inutilement (le quiproquo suscité par l'arrivée de la mère de l'étudiant et la partie de carte dans la taverne voisine sont toutes deux chiantissimes et interminables), ponctuées d'interlude "nihiliste" de la finesse d'un éléphant (la tentative de suicide avortée de la prostituée italienne - actrice qui joue le désespoir amoureux d'une manière totalement outrée, à faire pâlir les pires actrices du cinéma muet - et celle réussie du perdant de la partie de cartes). On est alors très loin de la sensibilité d'un Renoir ou d'un Ophüls, qui dans le second segment du Plaisir (La Maison Tellier), sous son apparente légèreté, décrivait lui avec bien plus de justesse le sombre monde des maisons closes.

bmntmp a écrit:
le cinéma d'Europe central et des Balkans des années 60, c'est quand même prodigieux ce qu'il reste à découvrir - quand bien même la plupart serait des films modernistes chiants, sublimes sur les captures d'écran mais imbitables dans les faits.

J'espère encore y faire de belles découvertes mais j'ai aussi l'impression qu'il y a une révision exagérément positive de ce cinéma. Depuis le début du confirment (et encore maintenant, ce qui m'a permis de découvrir ces deux films de Makk) l'institut hongrois de Paris met en ligne une fois par semaine un classique hongrois. Je ne les ai heureusement pas tous vu, mais à se jour je ne me souviens pas en avoir vu un seul qui valait vraiment la peine. Pour en revenir à Makk, après ces deux déconvenues, je redoute maintenant la vision de son chef-d’œuvre (Amours)...


Haut
 Profil  
 
MessagePosté: 15 Aoû 2020, 12:27 
Hors ligne
Expert
Avatar de l’utilisateur

Inscription: 27 Déc 2018, 23:08
Messages: 6446
J'ai peut-être surjoué l'enthousiasme, mais le but était de faire découvrir le film, qui reste très intéressant. Evidémment c'est en dessous de Renoir ou d'Ophuls, mais à ce moment-là autant arrêter de voir des films.
"Amours" m'avait fait forte impression, et est beaucoup plus personnel formellement . L'académisme de de ce film-ci est sans doute lié à une forme de censure, cela s'inscrit dans une forme de réaction au cours des années 70 (mais aussi un cinéma exporté à l'occident avec István Szabó qui faisait des films assez similaires). Makk est plus retors que Szabó, l'histoire du film symbolise de façon transparente sa propre condition de production et la situation du conéaste dans le régime: il y a l'idée que le juste degré de liberté d'une collectivité n'est celle d'aucun de ses membres, et se confond avec l'ordre. Derrière l'académisme il y a une situation forte : le bordel devient alors une métaphore de l'état et de la bureaucratie, mais neutralisés, car le couple central se comporte de manière irréelement édénique, complètement détaché des évènements : d'une part il n'y a de pouvoir que sur le fond d'un malheur préexistant, d'autre part, si ce bonheur est réellement éprouvé par le peuple, alors l'oppression politique n'a pas réellement besoin d'un objet pour se justifier et se maintenir (mais le film présente justement cette absence d'objet comme une farce et une fiction).

"Un autre regard" est téléfilmesque dans la forme, mais l'histoire et les actrices sont superbes, et le sujet extrêmement courageux.

_________________
Sur un secrétaire, j'avise deux statuettes de chevaux : minuscules petites têtes sur des corps puissants et ballonés de percherons. Sont-ils africains ? Étrusques ?
- Ce sont des fromages. On me les envoie de Calabre.


Jean-Paul Sartre


Haut
 Profil  
 
Afficher les messages postés depuis:  Trier par  
Poster un nouveau sujet Répondre au sujet  [ 9 messages ] 

Heures au format UTC + 1 heure


Articles en relation
 Sujets   Auteur   Réponses   Vus   Dernier message 
Aucun nouveau message non-lu dans ce sujet. Amour/Szerelem (Károly Makk, 1971)

supergontrand

3

1241

02 Jan 2017, 11:49

supergontrand Voir le dernier message

Aucun nouveau message non-lu dans ce sujet. Un autre Regard / Egymásra nézve (Károly Makk, 1982)

Gontrand

0

457

09 Juil 2017, 14:02

Gontrand Voir le dernier message

Aucun nouveau message non-lu dans ce sujet. L'Ordre et la Morale (Mathieu Kassovitz, 2011)

[ Aller à la pageAller à la page: 1, 2, 3, 4, 5 ]

Film Freak

72

7803

09 Fév 2012, 20:13

Z Voir le dernier message

Aucun nouveau message non-lu dans ce sujet. Le Cimetière de la morale (Kinji Fukasaku, 1975)

Bub

3

1609

08 Oct 2008, 21:57

Bub Voir le dernier message

Aucun nouveau message non-lu dans ce sujet. F.I.S.T (Norman Jewison, 1978)

Cosmo

7

1995

06 Nov 2023, 22:32

Film Freak Voir le dernier message

Aucun nouveau message non-lu dans ce sujet. Piranhas (Joe Dante, 1978)

Cosmo

14

2096

14 Fév 2021, 09:40

Film Freak Voir le dernier message

Aucun nouveau message non-lu dans ce sujet. L'Été de la peur (Wes Craven - 1978)

Blissfully

3

1632

23 Déc 2007, 11:38

Cosmo Voir le dernier message

Aucun nouveau message non-lu dans ce sujet. The Wiz (Sidney Lumet, 1978)

Film Freak

13

525

02 Juin 2024, 16:48

Abyssin Voir le dernier message

Aucun nouveau message non-lu dans ce sujet. Someone's Watching Me (John Carpenter, 1978)

JulienLepers

2

362

09 Juil 2023, 13:05

JulienLepers Voir le dernier message

Aucun nouveau message non-lu dans ce sujet. Fedora (Billy Wilder - 1978)

[ Aller à la pageAller à la page: 1, 2 ]

DPSR

24

2827

05 Oct 2018, 11:34

bmntmp Voir le dernier message

 


Qui est en ligne

Utilisateurs parcourant ce forum: Aucun utilisateur enregistré et 5 invités


Vous ne pouvez pas poster de nouveaux sujets
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets
Vous ne pouvez pas éditer vos messages
Vous ne pouvez pas supprimer vos messages

Rechercher:
Aller à:  
Powered by phpBB® Forum Software © phpBB Group
Traduction par: phpBB-fr.com
phpBB SEO
Hébergement mutualisé : Avenue Du Web