Mickey Willis a écrit:
J'ai l'impression que c'est la teuf aussi parce que certains s'attachent plus à des périodes (en tant que purs "segments" chronologiques), et d'autres à des recoupements d'ordre esthétique. Les deux sont forcément liés mais y'aura toujours tout un tas d'exceptions qui vont remettre en question la pertinence de ces classifications et qui rendent ça plus complexe.
À mon sens, il faut quand même se forcer à lier les deux, sinon on en arrive rapidement à des facilités, et ça part en vrille. En comparant un Welles et Eisenstein, par exemple, on peut trouver des traits en commun (ne serait-ce que leur caractère baroque), mais en observant les dynamiques dans lesquelles ils s'inscrivent, on sent bien qu'on a deux cinémas fondamentalement différents (ne serait-ce que dans l'énergie : avants-gardes plutôt tendues vers le futur et l'invention d'un nouveau cinéma, modernes plutôt tournés vers le passé et la reconfiguration du cinéma classique qui se meurt - bon je dis ça un peu vite, c'est très caricatural). Je pense pas qu'il soit très avisé de délier totalement esthétique et histoire du ciné.
Mickey Willis a écrit:
Du coup est-ce qu'on peut faire -par exemple- un film néoréaliste en dehors de la période 43-55 en considérant quand même que c'est un film néoréaliste ou alors est-ce qu'il faudra le classer autrement (et là ça devient vite le bordel) ?
Non non, c'est pas un souci, le néoréalisme est un geste esthétique qu'on peut reconnaître en dehors de ses marqueurs historiques. Ça me gêne pas qu'on dise que Satyajit Ray ou Abbas Kiarostami sont néoréalistes. On peut même (et là c'est plus désarçonnant) trouver des films néoréalistes avant le néoréalisme italien :
Toni de Renoir,
Redes de Zinnemann, certains Ozu j'imagine...
La question est plutôt de savoir pourquoi cette "tendance" s'est cristallisée à ce moment et à cet endroit-là (l'Italie au sortir de la guerre), avec cette profusion-là. Et là c'est plus intéressant, car ça nous permet de mieux comprendre 1) de quelle nécessité naît cette esthétique (qui ne saurait se résumer au fait de filmer les pauvres...), ce qu'elle fait muter en profondeur, et 2) la place qu'elle prend dans l'enchaînement esthétique de l'époque (comment on peut, par exemple, tracer des liens entre le néoréalisme et les premières Nouvelles vagues). On en revient forcément à l'histoire du ciné.
Mickey Willis a écrit:
Je trouve quand même qu'au moins le ciné club de caen fait l'effort de proposer quelque chose qui sera forcément subjectif, mais que de toute façon dans tous les cas ça semble impossible de suggérer une classification universelle, qu'il y'aura toujours des gens qui seront pas contents.
C'est juste que (si je ne me trompe pas), ça reprend pour beaucoup la taxinomie de Deleuze, qui me semble tout de même être une proposition très particulière, pas consensuelle, et pas facile à aborder pour une première approche. Je trouve marrant l'écart entre un panorama posé comme une évidence objective, et les choix très aventureux de ce bilan. Mais c'est pas forcément invalide, évidemment, je me moquais juste gentiment du site.
Mickey Willis a écrit:
Et surtout, j'ai pas l'impression qu'il existe des documents plus fournis et plus consensuels que tu puisses consulter aussi facilement. (ou alors je les connais pas, ou alors ça existe peut être en anglais, etc.)
La plupart des histoires du ciné sont en fait d'accord jusqu'aux nouvelles vagues, c'est très facile à suivre et bien découpé dans le temps :
- Cinéma premier (en tableaux) : 1895 > meurt progressivement dans le courant des années 10.
- Cinéma classique : 1915 > début années 60
- Avant-gardes (je les prend larges : expressionnistes, école russe, impressionnistes...) : 1919-1934
- Modernité : 1941 > fin des années 80
> DONT - Néoréalisme italien : 1943-1955
> DONT - Nouvelles vagues : 1957-1975
C'est après que ça se corse.
Entre l'esthétique du cinéma bis, le néoclassicisme, les maniéristes (qui recoupent d'autres voies), les post-modernes... - et mes sensoriels adorés pas encore délimités par la théorie ! Bref, pour la suite, j'ai l'impression que c'est chacun sa petite cuisine, surtout que les courants délimités et proclamés deviennent rares (le plus affirmé doit être le dogme, et c'est un peu petit...).