Forum de FilmDeCulte

S'il y a une situation récurrente dans les films de Polanski, ce serait plutôt l'appartement dont on ne sort plus, qui fonctionne à la fois comme une peau et une menace. Cela relie ses films fantastiques et sa veine plus historique (l'appartement de Piccard dans l'Affaire existe vraiment). A la limite c'est un peu là aussi qu'on peut soupçonner qu'il s'est mis lui-même dans la situation de ses personnages (à un moment je crois qu'il était coincé dans un chalet en Suisse il y a une dizaine d'années à cause du risque d'extradition).

En fait ce à quoi j’ai été vraiment sensible dans le film, le contexte aidant, c’est cette parole féminine qu’on entend pas, Rosemary ne trouvant personne prête à la croire, si ce n’est ses amies qui l’enjoignent de changer de médecin.

La fin est d’une grande tristesse puisqu’elle finira par se résigner et signer elle aussi un pacte avec le diable : son bébé contre son silence.

L’autre héroïne majeure de Polanski, Tess d’Urberville, aura elle plus de courage (mais sa fin sera tragique).

Dans"la parole féminine que l'on entend pas" (expression un peu ambiguë car la parole n'est pas en cause dans cette impuissance, ni le féminisme, mais cette impuissance en vient à devenir une catégorie), Répulsion voire Chinatown sont aussi marquants. Le paradoxe est que l'on peut faire une lecture féministe des films de Polanski (dans le Locataire il devient la femme blessée) avec même type d'argument basé sur la transparence supposée de l'identité dans une représentation que ceux que l'on entend habituellement.
Ce qui me chiffonne peu c'est qu'il a traversé lui-même deux épreuves. Et par ailleurs l'emprisonnement de Manson n'a pas empêché celui-ci de devenir une figure médiatique à la fois anodine et fascinante.
Je veux dire : personnes ne reproche à Manson son machiste (alors que c'est quand même un geste qui a tué une partie du mouvement de libération des mœurs des années 60) et dès lors qu'il était en prison le culte kitsch développé autour de lui était tolérable. Comme quoi, il y a des recoins que même Perfect Storm n'arrive pas à nettoyer.

Oui, j'en ai rien à foutre de ce qu'on va penser.
Oui, je vais me faire canceller.
Oui, je clame haut et fort qu'il faut séparer la personne de l'artiste.

... Oui, j'ai regardé un film avec la tortionnaire d'enfants et accusatrice à tort Mia Farrow.

Bon plus sérieusement je pense avoir découvert le film un peu trop tard: trop tard car comme le dit Freak le film a été maintes fois copié ; et trop tard car je connaissais le concept depuis des décennies. Lorsque le coup de tonnerre retentit à la fin, c'est voulu comme une surprise ou du moins un "Ah ouais ils sont allés jusqu'au bout" que je n'ai pas pu ressentir.

Ceci étant dit, ça n'a pas gâché mon appréciation du film. Ce que j'ai adoré c'est comment Polanski fait fi de quasi tout trope horrifique, créant de l'angoisse dans un monde parfaitement normal et quotidien. Tour de force qui paraît facile a posteriori mais ne devait pas être évident.
Mia Farrow est excellente mais c'est surtout ce Cassavetes animal, légèrement rustre, mais diablement séduisant qui emporte le morceau. Il est génial et apporte tellement au film.

Je vais maintenant essayer de rattraper d'autres Polanski parano de la même époque qui me manquent: CUL DE SAC, LE LOCATAIRE...

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Liam Engle: réalisateur et scénariste