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MessagePosté: 29 Avr 2015, 12:11 
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Schtroumpf sodomite
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Abyssin a écrit:
Tom a écrit:
EWS comme (l'un des) sommet(s) de sa carrière c'est d'ailleurs plutôt devenu un consensus à présent, non ? Les déceptions à la sortie au vu de ce qu'on imaginait du film ont finalement pas duré bien longtemps.


Quelques années quand-même. Je me trompe peut-être mais j'ai l'impression que c'est le cas de pas mal de Kubrick qui ont été des relatives déceptions à leurs sorties avant d'être réévalués.


Ce fut même systématique, oui.

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MessagePosté: 29 Avr 2015, 12:11 
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Abyssin a écrit:
Tom a écrit:
EWS comme (l'un des) sommet(s) de sa carrière c'est d'ailleurs plutôt devenu un consensus à présent, non ? Les déceptions à la sortie au vu de ce qu'on imaginait du film ont finalement pas duré bien longtemps.


Quelques années quand-même. Je me trompe peut-être mais j'ai l'impression que c'est le cas de pas mal de Kubrick qui ont été des relatives déceptions à leurs sorties avant d'être réévalués.


Oui. J'ai pas trop aimé EWS la première fois, relativement déçu par Shining et Full Metal Jacket. D'ailleurs, il aura fallu plusieurs années à Tetsuo pour enfin reconnaître à sa juste valeur Full Metal Jacket! (lui qui disait qu'on a pas besoin de temps pour connaître la valeur d'un film :) )


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MessagePosté: 29 Avr 2015, 12:29 
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Baptiste a écrit:
Abyssin a écrit:
Tom a écrit:
EWS comme (l'un des) sommet(s) de sa carrière c'est d'ailleurs plutôt devenu un consensus à présent, non ? Les déceptions à la sortie au vu de ce qu'on imaginait du film ont finalement pas duré bien longtemps.


Quelques années quand-même. Je me trompe peut-être mais j'ai l'impression que c'est le cas de pas mal de Kubrick qui ont été des relatives déceptions à leurs sorties avant d'être réévalués.


Oui. J'ai pas trop aimé EWS la première fois, relativement déçu par Shining et Full Metal Jacket. D'ailleurs, il aura fallu plusieurs années à Tetsuo pour enfin reconnaître à sa juste valeur Full Metal Jacket! (lui qui disait qu'on a pas besoin de temps pour connaître la valeur d'un film :) )


Je pense plus des réactions au moment des sorties en salles, pas celle de Tetsuo. Sur Eyes wide shut, moi j'avais adoré dès le début mais je me souviens des réactions de la presse du style "c'est bien mais mineur pour du Kubrick" ou des amis avec qui j'avais vu le film. ET quelques années après, le film est réévalué par tout le monde

Je me souvenais avoir vu quelques critiques presse de l'époque pour ces autres films (je me souviens plus desquels) et j'avais un peu la même impression.

Sur 2001 :

Citation:
Il faut pourtant nuancer cet accueil vibrant car 2001 recueille d’infimes contestations. « Cette aventure visuelle m’a paru la concession la plus flagrante de Kubrick à la mode, à l’air du temps » regrette Combat à propos de l’épilogue. Carrefour déplore trop de bavardages, et « des effets faciles [tels les] anachronismes à rebours ». Le Figaro aurait souhaité un film beaucoup moins long, et Le Canard Enchaîné proteste, arguant que la fin est décevante. Trop ambitieux pour certains, 2001 souffre d’une « pensée confuse et souvent d’un ennui auquel on résiste mal » reproche Paris Presse, et la dimension philosophico-métaphysique a dérouté Le Monde et Les Nouvelles Littéraires. Pour Objectif Lyon enfin, « c’est au niveau des intentions que le film faiblit, n’échappant pas à deux poncifs du genre : la machine en révolte contre son créateur et la permanence des comportements archaïques chez les hommes nouveaux ».


Bon après, ce n'est pas forcément le bon exemple, ça doit être le film de Kubrick où il y a eu le plus de critiques dithyrambiques à la sortie en salles.

Pour les intéressés, un passionnant hors-série des Inrocks datant de 1999 http://kubrick.mds03.com

Et en effet, la réception presse de Kubrick n'a pas toujours été dithyrambique surtout sur Shining et Full Metal Jacket.

Citation:
Le malentendu entre ce qu’on attend de Kubrick et ce qu’il livre ira de mal en pis avec Shining et Full metal jacket (87).


Je vous passe la lecture du dossier mais pour résumer les relatives déceptions de la presse sur Shining et Full Metal Jacket s'expliquent par le fait que souvent était attendu une rupture totale comme avec 2001.


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MessagePosté: 29 Avr 2015, 12:39 
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Citation:
ET quelques années après, le film est réévalué par tout le monde


Non, non, non pas par tout le monde, je te rassure :D


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MessagePosté: 29 Avr 2015, 13:01 
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Hey merci pour le hors-série des inrocks !


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MessagePosté: 29 Avr 2015, 13:07 
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Baptiste a écrit:
D'ailleurs, il aura fallu plusieurs années à Tetsuo pour enfin reconnaître à sa juste valeur Full Metal Jacket! (lui qui disait qu'on a pas besoin de temps pour connaître la valeur d'un film :) )


Lol !
En même temps la première fois que j'ai vu FMJ j'avais quoi ? 20 ans ?

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MessagePosté: 29 Avr 2015, 13:07 
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Tetsuo a écrit:
En même temps la première fois que j'ai vu FMJ j'avais quoi ? 20 ans ?


Putain, y a 86 ans ! Ca date, en effet.

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MessagePosté: 29 Avr 2015, 13:17 
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MessagePosté: 29 Avr 2015, 13:46 
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Film Freak a écrit:
Woody et Clint? Complètement.

C'était une mise en abyme, t'as saisi la perche.

Citation:
Non, mon film "sors du bois" c'est Traqué. Cette merde.

I won't.


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MessagePosté: 19 Mai 2024, 16:26 
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Je l'avais jamais vu.

Complètement culte pour certains amis de ma fin d'adolescence, omniprésent par ses images phares, extraits de ci de là au fil des années, le CD de la BO à la maison, tenté il y a longtemps le (court) roman qui ne m'avait pas fasciné d'emblée... Jamais ressenti l'envie, ni le besoin de le voir. Je prenais la situation à l'envers, me disant que je n'avais rien à apporter à l'édifice des spectateurs déjà nombreux et conquis depuis des décennies. Puis hier soir ça m'a pris comme une impulsion, je me suis dit « allez, c’est qu’un film, c’est lui qui a besoin de moi pour exister et pas l’inverse ».

Forcément j'en connaissais les grandes lignes — criminalité en bande, costumes bizarres, musique classique, laideur absolue des années 70, yeux écartés — et j’ai vu la plupart des autres films de Kubrick a un moment ou un autre, donc je ne suis pas tombé de si haut. Je m’attendais à cette froideur détachée, mal aimable et inconfortable, « cérébrale » on va dire, qui ne cherche pas à divertir ou émouvoir de manière convenue, ni par des moyens ordinaires.

Peu de surprise, donc, un sentiment de « c’est fait » face à cette fable satirique particulièrement repoussante qui se déroule dans un futur indéterminé mais proche, au brutalisme triomphant, dans une société dont on devine la dissolution par petites touches (saleté dans le lobby de l’immeuble, aveuglement démissionnaire des parents, pump & circumstance et autoritarisme vain et ridicule dans la prison, manigances politiques etc.) et par son impuissance face à la violence ordinaire des sociopathes. Impossible de parler de lumpenprolétariat pour autant : d’une part le film ne cherche pas être précis sociologiquement, et d’autre part Alex est la matrice du personnage mauvais mais aussi « idéalisé » (intelligent, bonne famille, aime Beethoven etc.), ce qui le place de fait au-delà de toute réalité qui pourrait être plaquée sur son parcours. En revanche, j’ai noté sans grande surprise qu’initialement le roman d’Anthony Burgess contenait un dernier chapitre que l’éditeur avait fait sauter jusqu’aux rééditions des années 80, dernier chapitre dans lequel Alex songe sérieusement à se réformer seul, par une forme de lassitude. Kubrick y a eu accès durant la fin du tournage, et a consciemment décidé de n’en pas tenir compte, estimant, à raison, que ce n’était pas réaliste. Les sociopathes ne « changent pas d’avis ». Le portait que Kubrick en fait est extrêmement rigoureux, précis et juste.

Mais c’est cette décadence suggérée à intervalles réguliers qui m’a rendu l’expérience si singulière. Au cœur du film, aussi volontairement détaché de la réalité soit-il, se trouve la question de « qu’est-ce qu’on fait de ces gens-là ? », à plus forte raison dans une société qui n’est plus en état de les contenir car elle ne fonctionne plus correctement. Société qui revêt les atours d’un socialisme qui est allé jusqu’au bout (architecture des logements et fresque ouvrière à l’entrée qui font très soviétique, l’argot des malandrins inspiré de la langue Russe, l’intellectuel progressiste « dissident » vissé derrière sa machine à écrire, hédonisme partout) et dont cette criminalité rampante est le signe le plus évident, et de la menace d’un fascisme de secours qui n’en semble pas très différent (le nouveau ministre de l’intérieur qui se raccroche aux rideaux, tantôt par la recherche d’une solution miracle et rapide à l’insécurité, tantôt par l’inclusion des criminels dans le giron du système, notamment sécuritaire… même si ce dernier point renvoie aussi aux méthodes des Bolchéviques pour prendre et maintenir le pouvoir).

« Qu’est-ce qu’on fait de ces gens-là ? » quand les portes leur ont été grandes ouvertes par la culture du moment, que chaque lieu abandonné, chaque maison devient une invitation au viol et au meurtre, que ni les parents, ni la police, ni la prison, ni l’église n’y peuvent rien. On soigne. De manière somme toute sommaire, en conditionnant le dégoût pour la violence, ce qui fait surgir l’autre question du film qui sera la seule réponse (avec, bien sûr, l'oxymore qu'est son titre) à la première citée plus haut : « qu'est-ce que ça fait d'eux ? » La technique Ludovico n’est qu’un pansement sur une jambe de bois, elle ne favorise pas le changement de l’individu par un travail sur soi, mais impose une sanction automatique dès l’émergence de pulsions qui lui sont naturelles. C’est exactement la même chose que la puce de Cartman dans le film South Park.

La question du libre-arbitre devient alors fondamentale, et présentée de manière sommaire lors de l'échange après la représentation à l'issue du protocole, sans que ça ne soit lourd ou vain (et par le prêtre, qui plus est) : cette méthode ne règle rien ni pour l’individu, ni pour la société. C’est un spectacle, en plus d’une recherche désespérée d’une enième facilité, un raccourci... qui ne peut profiter, à court, moyen comme long terme qu'au sociopathe lui-même. Cette technique n’est qu’un symptôme de plus de l'effondrement qui ne fait qu'accélérer. De ce point de vue, les éléments de la fin sont d’une logique implacable : les anciens compagnons d’Alex qui sont devenus flics, forcément, dans le cadre d'une politique délibérée. Et bien sûr, Alex lui-même qui tout d'abord va vivre une épiphanie monstrueuse, à la limite de la jouissance, lorsque l'intellectuel progressiste va le qualifier de victime, victime d'une injustice, d'une oppression, du stystème, qui lui confère ce statut érigé encore aujourd'hui en équivalent de la sainteté dans les milieux qui cherchent à en faire une rente (les parents, répugnants, à son chevet de lit d'hôpital qui viennent demander sa bénédiction car ils ont bien compris la puissance inouïe de ce statut, non pas parce qu'ils s'inquiètent de son geste). Alex à qui l'on promet monts et merveilles et qui va devenir partie intégrante du système pas seulement pour servir les intérêts du ministre chahuté, mais parce que ça s’impose comme point d’orgue à la décrépitude ambiante, le plus grand, le pire aveu d’échec érigé en compromis triomphal. Le dernier clou dans le cercueil d’une culture déjà morte.

Tout ça est encore très actuel.

Un des films les plus funestes et crépusculaires que j’ai vu.

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MessagePosté: 25 Mai 2024, 21:47 
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Je remets un euro dans la machine en mode solo mais je m’interroge quand même depuis une semaine sans réussir à trouver de réponse ni sur le plan esthétique, ni sur le plan des idées ou de la morale, à ce que Kubrick cherchait à accomplir avec Orange Mécanique. Et ce au-delà de l’analyse somme toute prosaïque et très littérale à laquelle je me suis essayé au-dessus, dont j'ai bien conscience qu'il s'agit de ma part d'une tentative de tenir à distance quelque chose qui me dérange profondément.

En montrant que strictement tous les personnages secondaires, à part sans doute le prêtre (et encore, entre son sermon en prison et Alex qui ironise sur son affection pour les jeunes garçons…), sont soit pitoyables (les parents) soit des ordures parfois même profondément dérangées (Deltoid, les flics durant l’interrogatoire), il ne donne finalement au spectateur aucune alternative entre Alex le sociopathe et l’effroyable société qui l’entoure (même si elle n'est que croquée, voire même le degré en-dessous) — tout en soulevant des questions essentielles sur le libre-arbitre. Des questions qui nécessitent, pour fonctionner, un angle moral : interroger ainsi le libre-arbitre sans différenciation entre ce qui est bien et mal ou, comme c’est le cas ici, en y effaçant consciencieusement dans le paysage filmique toute trace, toute possibilité du bien, mais aussi toute trace d’un collectif vraiment identifiable comme tel, centrant qui plus est ce questionnement sur un individu aussi abject mais aussi « orphelin » navigant de structure sommaire (foyer parental) à structure sommaire (prison), ça me paraît compliqué de voire ça autrement que comme une forme de nihilisme pervers. Mais même pas sûr que ça soit le cas.

Sans personnage bon, ou qui pourrait le devenir (ce qui n’est pas le cas ici, et c’est explicité psychologiquement et politiquement par la fin avec un Alex triomphant dans sa dépravation et coopté par le pouvoir), le film place la question du libre-arbitre dans une pièce vide et sans lumière. C’est une drôle d’expérience psychologique à mener sur les spectateurs, quand même. Dans quel but ? Qu’est-ce que tout ça nous dit vraiment ?

Ainsi, je ne m’étonne ni ne m’offusque des critiques qui accus(ai)ent Kubrick de complaisance vis-à-vis du personnage d’Alex. Et même si ça relève du procès d’intention (car après tout Kubrick a œuvré à retirer le film de la circulation au RU après des actes violents façon copycat… mais étais-ce une solution ?), c’est ce que le film impose, ce contre quoi le spectateur gagne à résister : quelle idée, encore une fois, de faire vivre une question aussi fondamentale dans de telles conditions ?

Je ne poste pas ça pour contredire mon avis précédent mais ça faisait un moment qu’une découverte ne m’avait pas autant intrigué, si je puis dire. Curieux de tenter à nouveau ses autres films au regard de ce qui pourrait devenir une forme de dégoût.

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MessagePosté: 26 Mai 2024, 13:44 
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Müller a écrit:
le film place la question du libre-arbitre dans une pièce vide et sans lumière
Est-ce le bon angle pour ce film? Kubrick s'intéresse plutôt aux déterminismes. L'homme "civilisé" est le produit d'un dressage, d'une programmation (comme l'ordinateur Hal, les G.I. dans "Full Metal Jacket", ou Alex ici) - et visiblement, ça marche pas des masses. Peu de liberté donc: soit le grand singe, soit l'automate. Dépasser ça, c'est pas pour tout de suite: c'est pour "2001" au moins (comme suggère le foetus stellaire au dernier plan: "...au-delà de l'infini"). [je schématise grossièrement]


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MessagePosté: 26 Mai 2024, 16:32 
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Müller a écrit:
Je remets un euro dans la machine en mode solo mais je m’interroge quand même depuis une semaine sans réussir à trouver de réponse ni sur le plan esthétique, ni sur le plan des idées ou de la morale, à ce que Kubrick cherchait à accomplir avec Orange Mécanique. Et ce au-delà de l’analyse somme toute prosaïque et très littérale à laquelle je me suis essayé au-dessus, dont j'ai bien conscience qu'il s'agit de ma part d'une tentative de tenir à distance quelque chose qui me dérange profondément.

En montrant que strictement tous les personnages secondaires, à part sans doute le prêtre (et encore, entre son sermon en prison et Alex qui ironise sur son affection pour les jeunes garçons…), sont soit pitoyables (les parents) soit des ordures parfois même profondément dérangées (Deltoid, les flics durant l’interrogatoire), il ne donne finalement au spectateur aucune alternative entre Alex le sociopathe et l’effroyable société qui l’entoure (même si elle n'est que croquée, voire même le degré en-dessous) — tout en soulevant des questions essentielles sur le libre-arbitre. Des questions qui nécessitent, pour fonctionner, un angle moral : interroger ainsi le libre-arbitre sans différenciation entre ce qui est bien et mal ou, comme c’est le cas ici, en y effaçant consciencieusement dans le paysage filmique toute trace, toute possibilité du bien, mais aussi toute trace d’un collectif vraiment identifiable comme tel, centrant qui plus est ce questionnement sur un individu aussi abject mais aussi « orphelin » navigant de structure sommaire (foyer parental) à structure sommaire (prison), ça me paraît compliqué de voire ça autrement que comme une forme de nihilisme pervers. Mais même pas sûr que ça soit le cas.

Sans personnage bon, ou qui pourrait le devenir (ce qui n’est pas le cas ici, et c’est explicité psychologiquement et politiquement par la fin avec un Alex triomphant dans sa dépravation et coopté par le pouvoir), le film place la question du libre-arbitre dans une pièce vide et sans lumière. C’est une drôle d’expérience psychologique à mener sur les spectateurs, quand même. Dans quel but ? Qu’est-ce que tout ça nous dit vraiment ?

Ainsi, je ne m’étonne ni ne m’offusque des critiques qui accus(ai)ent Kubrick de complaisance vis-à-vis du personnage d’Alex. Et même si ça relève du procès d’intention (car après tout Kubrick a œuvré à retirer le film de la circulation au RU après des actes violents façon copycat… mais étais-ce une solution ?), c’est ce que le film impose, ce contre quoi le spectateur gagne à résister : quelle idée, encore une fois, de faire vivre une question aussi fondamentale dans de telles conditions ?

Je ne poste pas ça pour contredire mon avis précédent mais ça faisait un moment qu’une découverte ne m’avait pas autant intrigué, si je puis dire. Curieux de tenter à nouveau ses autres films au regard de ce qui pourrait devenir une forme de dégoût.


Plus ça avance plus je trouve que Kubrick c'est un très bon cinéaste pour l'adolescence, mais au final sa vision du monde limite vraiment son oeuvre, et je trouve vraiment ses films faibles à la revoyure, ça va pas très loin derrière la provoc' (pas très longtemps revu Strangelove ça se délite vraiment jusqu'au monologue ridicule du personnage éponyme...), ce coté antihumaniste et autistique...
Pour Orange Mécanique, j'ai adoré au lycée, et effectivement entre potes on trouvait tous Alex cool mais pas envie du tout de revoir ça...


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MessagePosté: 26 Mai 2024, 19:14 
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latique a écrit:
Müller a écrit:
le film place la question du libre-arbitre dans une pièce vide et sans lumière
Est-ce le bon angle pour ce film? Kubrick s'intéresse plutôt aux déterminismes.


Pourquoi "plutôt" ? Un thème étant l'opposé de l'autre, ils sont forcément soulevés en même temps.

latique a écrit:
L'homme "civilisé" est le produit d'un dressage, d'une programmation (comme l'ordinateur Hal, les G.I. dans "Full Metal Jacket", ou Alex ici) - et visiblement, ça marche pas des masses. Peu de liberté donc: soit le grand singe, soit l'automate. Dépasser ça, c'est pas pour tout de suite: c'est pour "2001" au moins (comme suggère le foetus stellaire au dernier plan: "...au-delà de l'infini"). [je schématise grossièrement]


J'entends que ça puisse être un fil rouge d'une partie de sa filmographie, je garderai ça en tête dans les semaines à venir. Pour revenir à Orange Mécanique et la question libre arbitre/déterminisme, je reste intrigué par le choix de la traiter dans un univers qui a bien sûr des éléments satiriques et de fable, mais où il n'existe aucune tension entre ce qu'impose ce déterminisme thérapeutico-mécanique, ce dressage comme tu dis, et ce dont il priverait Alex.

Dans Matrix, par exemple, qui fait n'importe quoi avec ça dès ses suites, on comprend que la privation du libre-arbitre est la condition de base pour l'exploitation de ce qui reste de l'espèce humaine (avec en plus la dimension "illusion entretenue par une IA"). Brazil a de ça aussi, avec la fugue finale comme ultime recours vers une forme de liberté. On peut trouver des dizaines, voire des centaines d'autres exemples dans lesquels des personnages décident de se soustraire à ce qui leur est imposé après avoir compris qu'ils peuvent, et parfois doivent aspirer à autre chose. A tel point que c'est un poncif.

Je ne regrette pas qu'Orange Mécanique évite ce poncif, mais comme Alex est horrible, que son entourage est horrible et que tout ce qu'on voit du monde ordinaire est horrible aussi, l'aspect désirable ou engageant de l'accomplissement de son libre-arbitre est indésirable pour le spectateur (qui soutiendrait sérieusement qu'il est important, dans le film comme dans l'absolu, qu'il puisse rester libre d'agir selon ce qu'il souhaite et ce qui lui procure du plaisir ?). Et l'accomplissement artificiel d'un déterminisme d'Etat via une technique behavioriste pour le "dresser" l'est à peine moins (qui pense réellement que donner une nausée pavlovienne à un sociopathe est une idée viable et encourageante ?). Je ne soutiens pas que le film soit bête ou aveugle, je lui trouve toujours une logique dans sa démonstration et son déroulé. Mais à nouveau, sans contraste entre ce qui est bien ou pas, ou au moins souhaitable ou pas, la problématique soulevée se trouve étouffée dans la noirceur d'ensemble. Une noirceur dont j'ai du mal à saisir la finalité.

Azazello a écrit:
Plus ça avance plus je trouve que Kubrick c'est un très bon cinéaste pour l'adolescence, mais au final sa vision du monde limite vraiment son oeuvre, et je trouve vraiment ses films faibles à la revoyure, ça va pas très loin derrière la provoc' (pas très longtemps revu Strangelove ça se délite vraiment jusqu'au monologue ridicule du personnage éponyme...), ce coté antihumaniste et autistique...
Pour Orange Mécanique, j'ai adoré au lycée, et effectivement entre potes on trouvait tous Alex cool mais pas envie du tout de revoir ça...


C'est pas impossible. Dr. Folamour, Full Metal Jacket et Shining sont avant tout de lointains souvenirs d'enfance. 2001, c'est l'adolescence. Il n'y a que Shining dont je me souviens bien, pour l'avoir vu plusieurs fois entre temps. Lolita et Barry Lyndon sont des souvenirs de jeune adulte. Eyes Wide Shut, vu une seule fois il y a facile dix ans. Kubrick doit être le réalisateur dont j'entendais le plus parler dans ces âges-là, et beaucoup moins depuis.

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MessagePosté: 26 Mai 2024, 19:57 
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C'est sur que feignant realise beaucoup moins de films depuis des années.......


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