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MessagePosté: 12 Oct 2013, 00:03 
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Que la lutte anti-terroriste n'affaiblit pas le terrorisme, mais le rend plus fort? Qu'un terroriste est facilement remplaçable? Qu'un terroriste est un type normal, humain, comme tout le monde, et que l'assassiner revient à se débarrasser d'un problème en surface, alors qu'il est plus profond, ancré dans un peuple?

À ce niveau, j'irai dans le sens de Film Freak. Le film le démontre très bien. Mais quitte à montrer cet effet de répétition infinie de la violence en calibrant plusieurs scènes d'assassinats, pourquoi Spielberg ne les varie pas un peu, pourquoi il ne s'attarde pas à autre chose que le suspense. Pourquoi dans chacune de ces scènes il y répète toujours les mêmes procédés cinématographiques sus nommés:

1-on nous montre les persos qui préparent le meurtre d'un responsable de l'attentat de Munich
2-ensuite on nous montre le terroriste à abattre dans son quotidien, histoire qu'on s'y attache un peu. Le type est toujours bien sympathique, humain (il faut que le spectateur se sente mal d'assister à son assassinat)
3-quelque chose tourne mal dans l'exécution (charge explosive trop forte, pas assez forte, ou fillette qui passe par là), et ça dégénère un peu (il faut que le spectateur sente le poids des morts).
4-l'action s'arrête. Insérer ici ou copier/coller une réflexion super évidente.

C'est en cela que Spielberg se répète dans son film. Plutôt que de faire exister ses personnages autrement qu'avec des origins story autour d'une table, il s'attache au suspense avec des procédés manipulateurs un peu cheap. Et il les répète tout du long. Ça va dans un film comme Jaws, mais ici le film prétend à plus.

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MessagePosté: 12 Oct 2013, 00:46 
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David Swinton a écrit:
Que la lutte anti-terroriste n'affaiblit pas le terrorisme, mais le rend plus fort? Qu'un terroriste est facilement remplaçable? Qu'un terroriste est un type normal, humain, comme tout le monde, et

Ca, se sont des données factuelles relatives au sujet du film, présentes mais secondaires dans l'articulation signifiante du film. Ce n'est pas son sens.

David Swinton a écrit:
que l'assassiner revient à se débarrasser d'un problème en surface, alors qu'il est plus profond, ancré dans un peuple?

Ca, le film ne le dit absolument pas.

David Swinton a écrit:
C'est en cela que Spielberg se répète dans son film. Plutôt que de faire exister ses personnages autrement qu'avec des origins story autour d'une table, il s'attache au suspense avec des procédés manipulateurs un peu cheap. Et il les répète tout du long. Ça va dans un film comme Jaws, mais ici le film prétend à plus.

Je n'ai même pas envie de rentrer dans cette discussion tant elle repose sur une compréhension approximative et superficielle du film, mais je dirai quand même que ce que tu affirmes est factuellement faux : Spielberg utilise la structure (tout du moins les trois premières étapes) que tu décris seulement deux fois, lors des deux premières actions du groupe. Il n'y a pas de "présentation du quotidien", ni de mise en place de suspens, dans le passage à Beyrouth, dans l'attaque de l'appartement et dans l'attaque ratée de la villa. Il y a une vague présence du quotidien dans la mort de la tueuse, mais le sens de la scène n'est pas là.

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MessagePosté: 12 Oct 2013, 07:24 
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The Scythe-Meister a écrit:
Ca, se sont des données factuelles relatives au sujet du film, présentes mais secondaires dans l'articulation signifiante du film. Ce n'est pas son sens.


Ces données factuelles prennent toutefois énormément de place dans le film.

Je serais curieux de t'entendre sur le sens du film. Comment vois-tu son propos?

The Scythe-Meister a écrit:
Ca, le film ne le dit absolument pas.


Bah si. Quand même. La discussion dans l'escalier avec le palestinien nous expose carrément le problème.

The Scythe-Meister a écrit:
Je n'ai même pas envie de rentrer dans cette discussion tant elle repose sur une compréhension approximative et superficielle du film, mais je dirai quand même que ce que tu affirmes est factuellement faux : Spielberg utilise la structure (tout du moins les trois premières étapes) que tu décris seulement deux fois, lors des deux premières actions du groupe. Il n'y a pas de "présentation du quotidien", ni de mise en place de suspens, dans le passage à Beyrouth, dans l'attaque de l'appartement et dans l'attaque ratée de la villa. Il y a une vague présence du quotidien dans la mort de la tueuse, mais le sens de la scène n'est pas là


Cette gimmick est utilisé plus que 3 fois. D'abord avec le traducteur des Mille et Une Nuit qu'on suit dans son quotidien, qu'on voit donner du pourboire à la caissière du dépanneur, un chic type quoi! Ensuite, il y a ce moment avec le terroriste plutôt sympathique sur le balcon de l'hotel avec qui Avner à un échange assez chouette. Il y a la scène où Kassovitz entre dans l'appart des Hamshari pour installer l'explosif sous le téléphone, et qu'il tombe sur sa fillette pratiquant le piano. Il y a aussi cette discussion dans l'escalier avec le Palestinien qui vient humaniser ce dernier. Sinon, pour les autres scènes d'assassinat, il y a toujours le regard d'un gamin du clan terroriste qui entre dans le champ (lorsqu'il ne se fait pas carrément tuer). Spielberg aime nous montrer une pureté auquel on aime se rattacher, avant de nous rappeler qu'elle s'est corrompue. Il s'amuse presque avec ces données dans son suspense. Il joue avec nos nerfs en tout cas. Et c'est quelque peu facile je trouve, en tout cas plus propre au divertissement qu'à la réflexion. Jamais Spielberg décide de nous faire ressentir l'émotion plus complexe, celle qui vient frôler l'exutoire (comme celle ressenti par le personnage plus extrême de Daniel Craig). Il fait toujours appel à nos sentiments corrects, justes. Notre besoin de bonté, de pitié. C'est comme dans Saving Private Ryan lorsque des américains abattent aléatoirement les soldats allemands qui se rendent, Spielberg nous montre ensuite le visage de Tom Hanks qui condamne du regard toute cette violence. Plutôt que de nous faire vivre un trouble et de nous laisser seul avec, il décide de nous encadrer, de nous prendre par la main, de nous dicter la bonne voie. Alors que ce n'est absolument pas nécessaire. Cela témoigne d'un certain manque de confiance envers le spectateur.

Peut-être est-ce une observation superficiel du cinéma de Spielberg, mais cette façon d'encadrer le spectateur est un geste tout de même important. En tout cas, suffisamment pour que certains y trouvent agacement. Et cette façon démagogique de raconter nuit quelque fois au propos (surtout quand celui-ci est basé sur des faits réels ou encore d'actualité).

Ça aurait été intéressant qu'une seule fois on nous montre le terroriste comme un véritable salaud pour qu'on sente cette haine israelien/palestinien. Mais j'imagine que moralement, ça n'aurait pas pu passer à Hollywood. Trop politiquement incorrect.

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MessagePosté: 12 Oct 2013, 10:27 
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David Swinton a écrit:
Mais j'imagine que moralement, ça n'aurait pas pu passer à Hollywood. Trop politiquement incorrect.


Rien à voir, ça aurait juste desservi le propos du film. Là où le film est très intelligent, c'est qu'il ne rend aucune mort jouissive et ne nous force pas à l'empathie pour les protagonistes.

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MessagePosté: 12 Oct 2013, 19:58 
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David Swinton a écrit:
Jamais Spielberg décide de nous faire ressentir l'émotion plus complexe, celle qui vient frôler l'exutoire (comme celle ressenti par le personnage plus extrême de Daniel Craig). Il fait toujours appel à nos sentiments corrects, justes. Notre besoin de bonté, de pitié. C'est comme dans Saving Private Ryan lorsque des américains abattent aléatoirement les soldats allemands qui se rendent, Spielberg nous montre ensuite le visage de Tom Hanks qui condamne du regard toute cette violence. Plutôt que de nous faire vivre un trouble et de nous laisser seul avec, il décide de nous encadrer, de nous prendre par la main, de nous dicter la bonne voie. Alors que ce n'est absolument pas nécessaire. Cela témoigne d'un certain manque de confiance envers le spectateur. Ça aurait été intéressant qu'une seule fois on nous montre le terroriste comme un véritable salaud pour qu'on sente cette haine israelien/palestinien. Mais j'imagine que moralement, ça n'aurait pas pu passer à Hollywood. Trop politiquement incorrect.

Je vais interpréter avec bienveillance ce paragraphe et considérer ce que tu écris (et pense sans doute) comme simplement confus. Déjà, tu confonds deux films qui ne fonctionnent pas de la même manière. S'il y a une condamnation de la violence dans Munich, elle n'est pas du même ordre que la scène que tu décris dans Saving Private Ryan : il est très peu question de morale dans Munich, il est question, dans toutes ces scènes que tu réduis à des gimmicks, d'absurde. La mise à mort est absurde, vide de contentement et de sens, et ne met face à rien d'autre qu'à ce vide. C'est bien le sens de l'assassinat du traducteur : la simplicité de la scène qui éclot dans l'étonnement dans le visage d'Avner, l'étonnement de parvenir à l'inconcevable avec une telle facilité, et de n'en rien ressentir. C'est la même chose avec la scène avec la gamine, cette scène de suspens qui s'achève, une fois le moment de cinéma passé, sur l'explosion brutale, donnée en une poignée de plans abrupts, que la majorité des détracteurs de cette scène passent aisément sous silence alors qu'elle matérialise, par le montage, le cynisme de ce qui précède. C'est la même chose avec le meurtre de la tueuse, qui est lui explicite : la lenteur de la mort, son grotesque, et son reste - le vide du cadavre. Je n'ai vu aucune scène dans le cinéma récent approcher avec une telle franchise la radicalité de la mort - voilà une vraie émotion complexe.
Effectivement, le cinéma de Spielberg n'est pas un véhicule cathartique à la perversion (au sens psychiatrique) du spectateur. Mais croire que l'émotion complexe n'est que dans le trouble, dans le petit frisson bourgeois devant la représentation de l'abject, est au mieux le signe d'une certaine confusion devant ce qui compte en art. Comme si la bonté et la pitié étaient spontanés, comme s'il existait un "besoin" en ce sens ! La pitié est un défi, une tache, jamais un acquis ni une pulsion (sauf chez ces personnes que l'on nomme pour cette raison les saints). Mais Munich ne fait absolument pas appel à une quelconque bonté, et n'en fait pas un présupposé chez le spectateur. A la fin, il ne stipule rien sur le juste. Tout au plus montre-t-il dans ces scènes d'assassinat qu'une mise à mort n'est jamais propre. Au contraire, Avner est abandonné dans l'inaccomplissement, l'incertitude éthique, la peur et le vide. En quoi est-il question de sentiments corrects ? Il est question de la rupture entre l'action individuelle et les institutions symboliques qui gouvernent le monde et l'histoire et de ce qu'il est possible de conserver comme cohérence identitaire et éthique, c'est-à-dire d'humain, dans ce monde absurde qui est celui de ces hommes. Il n'est jamais question de recadrer dans un sentiment correct préconçu moralement (qui est à priori abandonné dans l'échec des institutions symboliques) : le film, en particulier les 45 dernières minutes, montre précisément comme les oripeaux symboliques sont détruits par la réalité de l'action pour ne laisser qu'un fondement fragile, qui leur préexiste, mais dont la nature et la valeur est obscurcie par la somme des contenus symboliques. On peut voir ce fondement, qui est comme toujours chez Spielberg, le foyer que l'on s'est construit envers et contre tous, le chez-soi, comme un "sentiment correct", un reste de bondieuserie protestante, mais on est également autorisés à le voir comme l'espoir, bien maigre, en la persistance de l'humain, auquel le dernier avatar de l'institution symbolique, Ephraim, viendra renoncer en disant non à l'invitation d'Avner de rompre la pain (c'est-à-dire l'accepter dans son foyer).

Spielberg n'est pas un cinéaste de la haine, de l'horreur, de la perversion, ni de la représentation de ces choses (bien qu'il ait pu à de nombreuses reprises les représenter). C'est un cinéaste de l'espoir, de la foi en l'humain. Croire qu'il n'est pas capable de montrer de salauds est faux : il en a montré, en particulier dans Schindler qui a son lot de salauds intégraux. Il choisit délibérément d'orienter son art dans une autre direction. Munich est en ce sens à part dans sa production, parce que c'est le film où il va le plus loin dans le questionnement de la possibilité de cette orientation, et où il donne une réponse pessimiste.
Mais tant qu'il y aura des gens qui préféreront le frisson dérangeant du spectacle de la haine et de la souffrance plutôt que celui qui demande ce que ça signifie d'être humain (pas le cliché d'un humain qui a du bien et du mal en lui et blablabla, mais de l'humain comme valeur), et qui seront agacés par le fait qu'on puisse montrer des hommes faire preuve de pitié, je serais bien content qu'il continue à faire des films niais.

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Dernière édition par The Scythe-Meister le 12 Oct 2013, 22:51, édité 2 fois.

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MessagePosté: 12 Oct 2013, 22:36 
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Wow, voilà un post qui fait honneur au film.


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Très bon texte qui fait bien ressortir l'émotion que tu as ressenti à l'écoute de ce film. Car c'est bien ce dont tu parles, de l'émotion ressenti à chaque assassinat. Et c'est d'ailleurs ce qui m'avait fait kiffé ce film grave à la première vision. Et ce souvenir donne envie de le revoir dans cette angle. En effet, l'assassinat du traducteur est une scène particulièrement troublante et forte. La première surtout. Il y a de ces moments qui font passer Munich au rang de chef-d'oeuvre. Mais cette intensité ne tient malheureusement pas sur l'ensemble pour ma part (après une bonne vingtaine d'écoute, ça ne passe plus).

Mais tu comprends mal où je veux en venir je crois. Munich inspire bien sûr la réflexion et on pourrait écrire une infinité de texte sur les différentes façon de ressentir ce film (il s'adonne que je ne suis pas dans une passe favorable on dirait), et on peut dire que c'est parce que le film y contient une certaine richesse. Mon reproche du moment s'en tient plutôt à la manière insistante dont Spielberg s'y prend pour diriger notre regard dans cette complexité (bien que ce qu'il y a autour du regard ne se volatilise pas nécessairement).

Mon agacement ne vient pas tant du fait qu'on puisse montrer des hommes faire preuve de pitié, mais plutôt que Spielberg cherche NOTRE pitié à NOUS, en utilisant des moyens faciles pour la susciter. Je n'ai rien contre le fait qu'on puisse montrer un terroriste faire preuve de charité avant qu'on l'abatte. C'est une façon efficace de susciter la réflexion sur un tel acte. Mais quand on réutilise ad nauseum ce procédé, ça devient vite lassant et on se dit que le frisson dérangeant du spectacle prend le dessus justement. Il aurait pu nous montrer des salauds terroristes et ça aurait été aussi stérile s'il avait répété et joué inlassablement avec notre désir de vengeance.

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MessagePosté: 12 Oct 2013, 22:57 
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Si le film est à propos de l'équipe qui se déshumanise peu à peu dans l'exécution de la tache (comme le microcosme d'une société absurde qui sacrifie les siens pour une société plus saine), je trouve que Spielberg les fait évoluer bizarrement. On a pas l'impression qu'ils existent (ce qu'ils ont été dans le passé, fabriqueur de bombe, agent du Mossad, etc, n'est pas suffisant pour les faire exister, et cette scène en sourdine sur fond de guitare zen où on les voit s'amuser autour de la table n'est pas suffisante non plus) . On ne peut sentir qu'ils se déshumanisent si on ne les a pas vu réellement humain au départ). Eric Bana baise avant de partir en mission. Il ne sait plus baiser quand il revient. Ils sont un peu les portes-étendards grossiers des exigences du scénario.

Après, bien sûr, ça peut fonctionner sur papier. Tout est là. Mais je trouve ça maladroit dans le film.

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MessagePosté: 12 Oct 2013, 23:08 
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Je réponds plus factuellement mais tu oublies une chose importante : les terroristes ciblés sont les preneurs de décision, pas ceux qui font la besogne. Les scènes de leur quotidien ne sont pas seulement pour les montrer comme des êtres humains, mais, de manière plus sombre, pour les montrer comme des hommes socialement installés, protégés, loin des conflits qu'ils pilotent.
D'où la présence du palestinien que rencontre Avner : il est l'agent de ces hommes-là, tout comme Avner, dans une position différente, est l'agent d'Israël. Ils sont ceux qui payent le prix d'actions dont ils ne contrôlent pas les enjeux (et dont on peut douter qu'ils les choisissent).

De fait, jamais le film ne cherche à nous faire ressentir de la pitié pour les terroristes, à l'exception du Palestinien. Ou seulement la pitié que l'homme mérite dans sa mort - et c'est sans doute l'un des thèmes du film. Ce quotidien n'est pas une exigence de pitié, il est une première explicitation de la rupture entre l'individu et le symbolique dont je parlais, qui mènera Avner à se désolidariser de sa mission (le terroriste qu'Avner perçoit au début comme un assassin, au mieux comme un soldat, est en fait un bourgeois qui vit planqué en occident, et par effet de miroir, renvoie à sa propre hiérarchie). Ca plus le rapport à la mort et à l'assassinat, etc. En un sens, quand tant de choses sont en jeu, je comprends que Spielberg répète...
Après, si ton problème c'est que 5 minutes qui réitèrent une idée déjà explicitée avant dans le film oblitèrent à tes yeux tout le reste...

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J'ai l'impression que c'était peut-être dans l'intérêt du film et de son propos de ne pas nous montrer les personnages principaux trop sympathiques (étant donné ce qu'ils allaient faire), de renverser l'image, de nous montrer les terroristes comme étant humain. J'ai l'impression que c'est cette tactique scénaristique qui dé-balance un peu notre implication (car Spielberg essaie toujours de nous impliquer tant bien que mal dans la portion divertissante. Mais l'implication est une chose difficile à concillier avec la réflexion et le ressenti). Bref, Munich est un sacré défi à réaliser tout de même. Il aurait fallu renoncer à une des dimensions.

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Ok, je viens de voir que tu m'as répondu entre temps. Je dois quitter. J'y reviens plus tard.

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David Swinton a écrit:
Si le film est à propos de l'équipe qui se déshumanise peu à peu dans l'exécution de la tache (comme le microcosme d'une société absurde qui sacrifie les siens pour une société plus saine), je trouve que Spielberg les fait évoluer bizarrement. On a pas l'impression qu'ils existent (ce qu'ils ont été dans le passé, fabriqueur de bombe, agent du Mossad, etc, n'est pas suffisant pour les faire exister, et cette scène en sourdine sur fond de guitare zen où on les voit s'amuser autour de la table n'est pas suffisante non plus) . On ne peut sentir qu'ils se déshumanisent si on ne les a pas vu réellement humain au départ). Eric Bana baise avant de partir en mission. Il ne sait plus baiser quand il revient. Ils sont un peu les portes-étendards grossiers des exigences du scénario.

Il n'est pas question de déshumanisation ni de sacrifice social. Ce n'est pas le récit d'une évolution psychologique, c'est le récit d'une compréhension. La réplique du film qui explicite presque littéralement son propos et qui en plus ouvre la dernière partie, c'est quand Carl dit à Avner à l'hotel : "You do any terrifying thing you're asked to do, but you have to do it running. You think you can outrun your fears, your doubts. The only thing that really scares you guys is stillness." Munich, c'est l'histoire d'un agent (secret) qui, devant la facticité de son action, se rend compte de sa vacuité, et comprend qu'elle supporte un monde dénué de sens et de valeur. Il n'y a pas de psychologie ni de morale en jeu. Le fait qu'Avner existe très peu comme personnage importe peu, car il est l'enjeu d'un processus de compréhension, pas d'un processus psychologique.

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MessagePosté: 13 Oct 2013, 17:37 
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The Scythe-Meister a écrit:
Je réponds plus factuellement mais tu oublies une chose importante : les terroristes ciblés sont les preneurs de décision, pas ceux qui font la besogne. Les scènes de leur quotidien ne sont pas seulement pour les montrer comme des êtres humains, mais, de manière plus sombre, pour les montrer comme des hommes socialement installés, protégés, loin des conflits qu'ils pilotent.
D'où la présence du palestinien que rencontre Avner : il est l'agent de ces hommes-là, tout comme Avner, dans une position différente, est l'agent d'Israël. Ils sont ceux qui payent le prix d'actions dont ils ne contrôlent pas les enjeux (et dont on peut douter qu'ils les choisissent).


En effet, c'est bien que tu le soulèves. Et le film nous montre assez bien que les terroristes et les têtes qui les dirigent sont deux mondes, pourtant liés par des morts horribles. Les premiers deviennent inhumains à forcer d'exécuter la sale besogne, et les autres continuent à vivre en famille paisiblement (c'est là que je me rends compte que la famille de Louis représente bien cette aspect. La douce vie familiale continue, alors qu'en toute neutralité on donne des noms qui vont mener à des assassinats et au chaos).

Sinon, je trouve ce passage de ton texte assez juste.

The Scythe-Meister a écrit:
De fait, jamais le film ne cherche à nous faire ressentir de la pitié pour les terroristes, à l'exception du Palestinien. Ou seulement la pitié que l'homme mérite dans sa mort - et c'est sans doute l'un des thèmes du film. Ce quotidien n'est pas une exigence de pitié, il est une première explicitation de la rupture entre l'individu et le symbolique dont je parlais, qui mènera Avner à se désolidariser de sa mission (le terroriste qu'Avner perçoit au début comme un assassin, au mieux comme un soldat, est en fait un bourgeois qui vit planqué en occident, et par effet de miroir, renvoie à sa propre hiérarchie). Ca plus le rapport à la mort et à l'assassinat, etc. En un sens, quand tant de choses sont en jeu, je comprends que Spielberg répète...


En fait, comme je le disais, tout fonctionne bien sur papier. Ce sont les manières un peu pataudes de Spielberg qui me gênent un peu. Je comprends que tu puisses adorer le film, et je te donne raison sur les points que tu as soulevé. Je te donne raison parce que j'ai déjà adoré ce film dans le passé, et j'ai déjà ressenti ce que tu y vois. Mais à force de le revoir, peut-être que je n'y vois que les manières.

The Scythe-Meister a écrit:
La réplique du film qui explicite presque littéralement son propos et qui en plus ouvre la dernière partie, c'est quand Carl dit à Avner à l'hotel : "You do any terrifying thing you're asked to do, but you have to do it running. You think you can outrun your fears, your doubts. The only thing that really scares you guys is stillness."


Parlant de manière qui pose problème, cette réplique que tu cites est bien sûr assez forte hors contexte. Mais je trouve qu'elle apparaît plaqué dans le film. Elle aurait pu être plaqué à n'importe quelle autre moment de la seconde moitié du film et l'effet aurait été le même. Elle n'y est pas inséré logiquement, mais aléatoirement. Si bien que ça semble poseur au sein du film.

Et je ne pige toujours pas le personnage de Ciaran Hinds qui semble avoir tout compris dès le début. Il a une longueur d'avance sur Avner, et on dirait qu'il s'amuse avec lui, le provoque de façon un peu condescendante, comme s'il représentait la conscience d'Avner. Mais qu'est-ce qui le pousse à continuer? Les personnages sont un peu insondables. Et je continue à penser que Spielberg se refuse à nous les rendre sympathique dans le but de ne pas déstabiliser le spectateur par leurs actions. J'arrive donc à ce passage de ta réponse:

The Scythe-Meister a écrit:
Il n'est pas question de déshumanisation ni de sacrifice social. Ce n'est pas le récit d'une évolution psychologique, c'est le récit d'une compréhension.
The Scythe-Meister a écrit:
Munich, c'est l'histoire d'un agent (secret) qui, devant la facticité de son action, se rend compte de sa vacuité, et comprend qu'elle supporte un monde dénué de sens et de valeur. Il n'y a pas de psychologie ni de morale en jeu. Le fait qu'Avner existe très peu comme personnage importe peu, car il est l'enjeu d'un processus de compréhension, pas d'un processus psychologique.


Je crois que le malaise du film vient de là. Spielberg nous refuse le processus d'identification classique envers les personnages (basé sur l'évolution psychologique à l'intime) pour que l'on demeure à l'extérieur d'eux, pour qu'on les observe. Mais Spielberg n'a jamais été ce type de réalisateur, et ça se sent à certains moments. Il hésite. Bien sûr, étant ce qu'il est il n'a pu se départir totalement des tactiques de manipulation classiques qui consistent à venir chercher l'émotion du spectateur afin de l'impliquer dans le récit (le E.T. phone home répété chez Avner). En ce sens, le film est un peu bipolaire. D'un côté le film s'adresse à notre intellect, et de l'autre à nos émotions les plus basses. Le film observe de façon clinique, tout en dirigeant notre regard avec insistance, tout en jouant les codes du polar à suspense. Il est là le malaise.

Malgré tout je crois qu'à l'époque de la sortie du film, Spielberg osait énormément. Il a essayé beaucoup de trucs, et tout le mérite est là, même s'il rate la cible à certains niveaux (cette scène de baise répété sous un angle mortifère vers la fin est une bonne idée, mais exécuté de façon un peu ridicule. Le va et vient en plan quasi subjectif est assez vulgaire). Je crois aussi que c'est un peu ma faute si je n'arrive plus à l'apprécier. J'ai découvert dernièrement Zero Dark Thirty et j'ai été sous le choc. Je crois que je n'ai jamais vu un film grand public qui réussissait à ce point à ne pas diriger et encadrer le regard du spectateur avec insistance. Peut-être ça s'est fait avant, mais pas dans un film de studio j'ai l'impression. Du coup, je revois les films sortis avant avec un peu de douleur et d'agacement. Peut-être remis dans son contexte, j'arriverai à ne plus être agacé par Munich. Mais une chose est sûr, le film ose beaucoup de truc, et soulève des tas de questions pertinentes malgré ses manières pataudes.

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MessagePosté: 13 Oct 2013, 19:09 
Je pensais pas qu'on puisse débattre autant sur un film aussi fade que Munich.


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MessagePosté: 13 Oct 2013, 19:14 
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Oberkampf Führer
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snaky a écrit:
Je pensais pas qu'on puisse débattre autant sur un film aussi fade que Munich.


Oulala.

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