Jericho Cane a écrit:
6/6
DPSR a écrit:
6/6
Mr.Orange a écrit:
6666666666/6
Bon...
Va et regarde ou
Viens et vois pour les titres alternatifs.
Idi i smotri (
Иди и смотри) en VO.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, Fliora, jeune garçon d'un village de Bielorussie occupe par les troupes nazies, s'engage, bien que trop jeune, chez les partisans. J'en avais déjà discuté ici, avez Mister Zob je crois : j'ai longtemps différé la vision de ce film parce que j'avais peur de n'y trouver qu'un gros show glauque et fier, qui aurait pour principale motivation de montrer les muscles ("tu la sens, ma grosse fresque sur combien la guerre c'est triste ?") en appliquant le programme attendu d'une surenchère progressive des horreurs. Une main qui jouit sur la manette du tank, l'autre qui nous écrit pendant ce temps que tout ça c'est terrible... La comparaison récurrente de ce film avec
City of Life and death m'avait pas rassuré.
Le film m'a d'abord surpris au-delà de toute espérance, les deux premiers tiers tiennent du miracle. Le film ne se prive pourtant ni du grotesque grimaçant, ni de la plongée dans l'horreur. Mais il a le don admirable de ne jamais en faire l'objet terminal du spectacle, créant toujours de nouvelles configurations pour s'y confronter (exceptionnelle scène de la photo, par exemple, qui pourrait virer au simple carnaval Felliniesque, et où le grotesque est déjà nuancé et interrogé de milles façons). "
Va et regarde", effectivement : c'est à dire rester concentré sur le regard du jeune adolescent, et raconter avant tout la manière dont il va recevoir et absorber les évènements, comme une éponge (jusqu'à ce visage qui mute), plutôt que de raconter la guerre elle-même.
Ce n'est ainsi pas étonnant si le film flirte très vite avec le fantastique, voire le merveilleux, plutôt qu'avec un édifiant tableau démonstratif de l'horreur : avant d'être bien, ou mal, justifiée, ou injustifiable, la guerre est absurde (et par là-même, incompréhensible, inadaptée aux discours et aux démonstrations). C'est à dire qu'elle se présente moins comme une série de causes et d'effets que comme un livre d'images, si l'on veut, qui peindrait les variations d'un monde soudain orphelin de sa civilisation (le tribal de la communauté des familles en forêt est très frappant, à ce titre). Très ellipsé, géographiquement illisible, le film n'a plus pour seul liant que l'hallucination, c'est à dire l'expérience intime (irraisonnable et fantasmatique) du conflit.
Le film commence à déraper, pour moi, quand on arrive au village occupé. Conservant d'abord son statut d'observateur périphérique, glissant aux abords de l'horreur pour simplement en être infecté, l'adolescent commence à devenir un prétexte pour nous faire vivre en direct live le spectacle appuyé du massacre. Son regard, alors, n'importe plus : Klimov se réfugie dans les facilités de la foire baroque généralisée, trognes, rires et viols entremêlés, et on retombe alors non seulement dans un trip dénonciateur basique (à la
Apocalypse Now oserais-je dire, auquel je goûte peu), mais aussi dans une complaisance décevante qui donne soudain l'impression que le film a mérité son titre français débile.
Le grand crash est cependant pour la fin, qui bascule brutalement dans un registre discursif et symbolique dont le héros n'est plus que l'outil - passage que je trouve par ailleurs assez tarte dans sa façon de se focaliser sur une figure dont le film avait jusqu'ici eu bon goût de ne pas faire un enjeu, et pour cause : ce n'était pas son sujet. À ce stade je trouve l'ensemble carrément embarrassant.
Donc voilà, excellente surprise suivie d'une bien mauvaise, et je suis un peu surpris d'être le seul gêné par ce plantage en règle : j'ai rarement vu un film passer si aisément d'une telle finesse, qui évite tous les pièges, à une telle grossièreté, qui tombe à pieds joints dedans. Et ça fait un peu mal d'avoir l'impression de tenir un chef d’œuvre pour ensuite devoir reboucher la bouteille de champagne...
Concernant le DVD : si l'image est très bien au vu de la richesse du visuel à encoder (brumes, crépuscules...), les sous-titres me paraissent assez zarb. Au-delà du fait qu'ils soient truffés de fautes d'orthographe, de grammaire ou de typo, ils flirtent parfois avec la traduction babelfish, au point que je me demande s'ils ne sont pas directement importés d'une éditions russe foireuse.