Forum de FilmDeCulte

David Swintin: Les derniers plans m'ont donnés un orgasme cinématographique de la mort. Le dernier surtout. Pis, je ne parle pas de ceux du début. D'la fucking belle shit.

Cousine: Aaaah! Moi, par contre, j'ai préféré le centre du film au début et à la fin. Je trouvais ça un peu gros. Mais même si c'est gros, c'est assez réussi pour que je ne veuille pas enlever ces scènes du film. Mais je préfère l'angoisse subtile du milieu, disons.

David Swinton: Aaah, j'ai sur-adoré tout le milieu du film aussi. Très fort. Mais je comprend ce que tu veux dire. Il y a un côté grandiloquent proche de l'opéra au début et à la fin. C'est normal que cette grandiosité rebute pas mal de monde habitué a plus de subtilité. Mais bon... que veux-tu, l'exagération est le propre des dépressifs (plusieurs poètes et compositeurs de musique classique aimaient danser avec la mort d'ailleurs). Et pas étonnant que Lars Von Trier ait eu l'idée du film en pleine dépression. On sent bien qu'il met la mort sur un pied d’escale, comme quelque chose d'imposant, de grandiose et de magnifique. Pour moi, l'inéluctabilité de la mort, contenu dans la séquence d'ouverture, donne sa force aux deux parties centrales, disputé entre la panique de Julie (qui veut tout contrôler), et Justine (qui accepte son sort et celui de l'humanité en se laissant aller à ses pulsions de mort). Pour faire vite, je trouve que les scènes "opératiques" apportent une puissance incroyable aux scènes quotidiennes. Et inversement. L'apothéose finale n'aurait pas été aussi forte sans les segments centraux, plus "terre a terre", dealant avec plus de subtilité avec les névroses des personnages aux mouvements très opposés.

Cousine: Oui, je comprends. C'est vrai que l'exagération est très présente chez les dépressifs, mais toutefois, je doute que les dépressifs voient la finalité et le drame de façon aussi esthétique et exagérée. Je pense que la fin en soi, c'est assez gros pour qu'on n'ait pas à la suresthétiser. C'est un peu ce que je trouvais paradoxal. C'est l'idée de Julie, cet esthétisme final, on dirait, quand elle parle de mettre de la musique classique et de boire du vin en attendant la mort. À ça, Justine répond que c'est un plan de merde. Je me disais aussi que c'était un plan de merde, mais je me suis mise à penser à ce qui était arrivé si elles l'avaient fait, et c'est justement un peu ça que nous, en tant que spectateurs, on voit. C'est la fin sur fond de musique, avec l'enivrement que procure le vin, presque. C'est artificiel, et peu nécessaire. Ç'en est presque cent fois plus déprimant, parce qu'on se rend compte de la stupidité de vouloir "faire ça bien" (comme le dit Julie). Mais je suis tiraillée. Je trouve ça aussi vraiment intéressant de l'avoir apporté comme ça. Quand j'y réfléchis, je ne trouve pas ça banal. Mais au départ, disons que je trouvais ça trop.

Cousine: ‎(Et l'art d'écrire des romans dans des conversations Facebook. Haha!)

David Swinton: Hum, pas bête ce que tu dis. Ça mérite réflexion... Ça dépend si on aime Wagner j'imagine. haha! Peut-être que ça a marché pour moi, car j'ai associé dès le début la musique de Wagner a cette petite cachette de Kirsten Dunst. Cette cachette symbolique dans laquelle elle va fuir ses obligations. Cette "grotte" qui lui permet, dans sa solitude, de sublimer le vide, et ses pulsions morbides. À la fin, personne ne peut fuir le néant, la fin de toute chose, et d'une certaine manière, seul Justine a le pouvoir de sublimer tout ça, et d'organiser (pour une fois) le contexte dans lequel sa soeur et son filleul doivent mourir. En fait, c'est ce que j'ai aimé, tout le questionnement autour de ça. Est-ce que la dépression de Justine l'aide a affronter la mort d'une manière plus sereine, plus belle? Et à l'inverse, est-ce que la pulsion de vie de sa soeur l'empêche de s'abandonner et d'affronter le caractère mortifère de la vie?

Mais bon... c'est vrai que la manière dont elles meurent ressemblent un peu à la proposition "merdique" de Julie. En cela, c'est peut-être uniquement un différent de langage entre les deux soeurs (qui rêvent de finir de la même manière, mais qui ne veulent pas s'y rendre de la même manière).

Quin! V'là un extrait d'une critique qui se situe entre nous deux et qui décrit bien le film: " Le prologue opératique sur un air de Wagner, d'une beauté glacée trompeuse (on dirait Chris Marker récupéré par Annie Leibowitz), précise d'entrée de jeu l'angle d'attaque du cinéaste: en domestiquant la nature, l'Homme a vidé la beauté de son sens. La pelouse manucurée du château, son terrain de golf désert, importent ce raisonnement plus loin dans le récit fataliste"