Forum de FilmDeCulte

Pour préparer son nouveau rôle, une actrice célèbre vient rencontrer celle qu’elle va incarner à l’écran, dont la vie sentimentale a enflammé la presse à scandale et passionné le pays 20 ans plus tôt.

Sans avoir jamais été à fond sur le cinéma de Haynes, j'ai été convaincu par chacun de ses films, même l'expérimental I'm Not There, mais ses trois derniers m'apparaissaient de plus en plus en deçà de ses films précédents. C'est donc à ma grande surprise que j'ai été totalement séduit par May December et son hybridation tonale laissant dérouler un vaste programme, à la fois le portrait d'une certaine toxicité féminine et un regard critique sur la façon dont la fiction se repait de la réalité, le tout mâtiné parfois de...comédie?

Le générique semble annoncer la couleur, avec sa musique de thriller téléfilmesque, qui s'avère être une réorchestration de la partition signée par Michel Legrand pour Le Messager et déjà utilisée en France pour...Faites entrer l'accusé. On est bien sur le terrain du téléfilm, notamment celui qui s'inspire de faits réels un peu sulfureux, dans la belle Savannah où le soleil filtre à travers les branches tombantes des arbres et où il y a toujours une femme au foyer bien sous tous rapports qui se retrouve coupable d'un adultère plus ou moins scandaleux (ici, ça inclue un détournement de mineur).

Mais comme si cette exacerbation musicale assumée ne suffisait pas, Haynes entérine l'idée avec ce long zoom d'anticipation tendue sur Julianne Moore avant qu'elle ne lâche une réplique complètement anodine qui inscrit définitivement le film dans une entreprise de subversion du genre. Arrive ensuite le personnage interprété par Natalie Portman et le postulat original du film de montrer le processus d'une actrice s'informant sur la personne qu'elle doit jouer à l'écran. Les rencontres qu'Elizabeth fait avec l'entourage de Gracie rappellent l'enquête du protagoniste de Velvet Goldmine, sauf qu'il ne s'agit plus simplement d'élucider un mystère à la Citizen Kane ici, mais de pénétrer l'intimité de l'autre afin de devenir elle. La peinture se fait par conséquent plus trouble, dessinant peu à peu les contours d'une prédatrice sans scrupules, incarnée à merveille par Portman.

Face à elle, Moore campe une femme en apparence naïve, victime des circonstances, de ses désirs, du regard de la société, encore aujourd'hui alors que son aventure a donné naissance à trois enfants et qu'elle s'est mariée au jeune homme, désormais trentenaire. Une héritière de son personnage de Loin du Paradis. Mais l'ambivalence avec laquelle elle est caractérisée, tantôt rodée tantôt fragile, laisse planer le doute quant à sa personnalité réelle et n'apparaît complet qu'à la toute fin, lorsque le personnage du mari émerge de derrière tout ce jeu métatextuel comme figure tragique de cette histoire.

Charles Melton joue Joe un peu comme s'il s'agissait de Lenny dans Des souris et des hommes. Un grand dadais mutique passionné par les papillons, avec ce corps d'athlète parasité par un bide de daron, semblablement en paix mais déconnecté de ses enfants adolescents qui paraissent plus matures que lui. Et qui n'a pas voix au chapitre.
J'ai vraiment trouvé ça riche et troublant.

Ça sort le 24 janvier.

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J'ai juste lu le pitch et la dernière phrase de la critique, me voilà chauffé.

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Liam Engle: réalisateur et scénariste

Perso j'ai trouvé ça à l'image du zoom inaugural, SURLIGNÉ AU POSSIBLE. Dans ses intentions toxiques, dans son casting, le jeu des acteurs. C'est bien foutu, mais c'est moins bien qu'un Atom Egoyan des années 90.

3/6

J'ai eu un petit problème de crédibilité au début, je ne crois absolument pas au postulat. Quel acteur/actrice ferait ça ? En mode enquête en rencontrant les proches avec le petit carnet pour prendre des notes et tout ? C'est pas très grave mais du coup j'ai un peu eu du mal à rentrer dans le film surtout que lorsque l'on découvre l'histoire du perso de Julianne Moore c'est presque pas suffisamment choquant pour que ça mérite un tel travail de la part de Nathalie Portman. Mais peu à peu le film se fait vraiment troublant agençant intelligemment deux couches narratives, l'histoire de Julianne Moore et son mari et par dessus, l'histoire de cette actrice de plus en plus obsédée par cette histoire. Ce personnage de Nathalie Portman est vraiment la grande réussite du film, assez difficile à cerner, à la fois accessible mais d'une froideur totale, à la fois compatissante mais aussi manipulatrice. J'aime comme c'est finalement elle qui sert de révélateur à ce traumatisme enfoui et profondément refoulé. C'est là que l'autre personnage réussi se révèle, le mari. Jeune homme effacé, ni beau, ni moche, qui semble s'être laissé dévorer par une femme puissante et qui au fond de lui souffre d'un mal être terrible.

C'est parfois un peu lourd, notamment la musique de Legrand un peu trop signifiante (on s'attend à voir Hondelatte débarquer à tout moment c'est perturbant) et je trouve qu'il manque au film un vrai dernier acte. Si je lui suis gré de ne pas sombrer dans une fin tragique prévisible c'est un peu plat au final, il me manque un vrai climax émotionnel. J'ai en revanche beaucoup aimé le dernier plan, la lascivité dans laquelle le personnage de Portman se plonge dans le personnage de Julianne Moore avec tout le trouble que ça convoque. Ca m'a fait penser à du Almodovar sans le glamour et la couleur (photo particulièrement fade d'ailleurs) mais avec cette même fascination pour les figures féminines qui se ressemblent et dont la distinction entre le jeu et la réalité est sans cesse troublée.

4.5/6

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CroqAnimement votre

Natalie, sans h.

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Ed Wood:"What do you know? Haven't you heard of suspension of disbelief?"

Euuuh...tous?

Enfin, les anecdotes de ce genre, j'en ai vu plein sur IMDb ou Wikipédia. Sans doute pas en mode "enquête" comme c'est montré dans le film mais des acteurices qui rencontrent la personne qu'ils vont jouer et leurs proches, c'est quand même monnaie courante.

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Oui je sais pas, j'imaginais à la limite une rencontre pour un café ou un repas mais de là à passer plusieurs jours sur place en explorant chaque recoin de sa vie ça m'a paru gros. Mais j'ai l'impression que le film est un peu ironique aussi avec cette espèce de "méthode" qui dissimule mal une vraie complaisance.

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CroqAnimement votre

J'ai été immédiatement séduit tant le sujet me parle. Le métacinématographique, le trouble, le hitchocko-depalmisme avec la musique Hollywood Night. Immédiatement t'es dedans et c'est tellement mille fois mieux que SPLIT (de Iris Brey).

En plus la mise en scène est nickel, ligne claire, avec juste ce qu'il faut de décalage, en étant rarement trop voyante.

Le sujet me parle également et le scénar réussit à ne pas en faire trop sur le plan "sociétal"/dénonciation. Et niveau perso c'est top, on voit rarement des protagonistes comme ça, cette famille totalement atypique. Parfaitement joué en plus.

Après sur le long terme je trouve que ça manque sans doute de densité et ça s'étiole. Sur le dernier tiers je décroche progressivement. Et si je sais gré au film de ne pas aller dans la facilité de faire un troisième acte sur le tournage, je trouve cependant que ce n'est pas satisfaisant sur la fin, et ça ne me trouble plus.

J'ajouterai que, tel THE HOLDOVERS, c'est un film impossible en France: un film d'auteur adulte pas adapté d'un fait réel, ni d'un roman, mais juste écrit par un scénariste, et tourné par un réalisateur qui ne co-signe pas le script. Inconcevable dans l'Hexagone.

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Liam Engle: réalisateur et scénariste

Perdu pour l’absence de fait réel :

Dejà-vu m'a devancé, c'est effectivement inspiré de faits réels..

Sinon j'ai ouï dire que la BO du film était celle du Messager par Michel Legrand, in extenso

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Ed Wood:"What do you know? Haven't you heard of suspension of disbelief?"

L'histoire de Portman est inventée, et c'est ça qui fait le sel du film.

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Liam Engle: réalisateur et scénariste

Oui c'est bien la BO du Messager, surtout connu chez nous comme la musique du générique de Faites entrer l'accusé ce qui donne au film un parfum de true crime encore plus inquiétant.

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CroqAnimement votre

Apparemment il l'avait utilisée comme temp-track et finalement Haynes la kiffait tellement qu'il l'a laissée pour le résultat final.

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Ed Wood:"What do you know? Haven't you heard of suspension of disbelief?"

Je sais pas pourquoi les descriptions du film me font penser à Reality, le fait divers, l'aspect comique...
On s'étonne que QGJ ne fasse pas une remarque du genre :"inversez les genres, et imaginez la même histoire entre un professeur et son élève féminin de douze ans, je suis pas sûr que vos avis soient les mêmes."

Pendant le film je me suis surtout fait la remarque que si Macron avait 24 ans de plus que son épouse rencontrée lorsqu'elle était au lycée, il serait hué par des féministes à chaque déplacement, quand bien même la relation serait consentie et durable.

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Liam Engle: réalisateur et scénariste