Forum de FilmDeCulte

La fin n'est pas ouverte. Elle est dans un pire état, qui risque de durer indéfiniment, à la fin qu'au début, alors qu'elle s'efforce de croire en sa guérison possible (mais c'est encore un leurre, ou un "front" comme on dit en anglais).
Beaucoup de critiques tendance féministe disent qu'elle se laisse balloter par les jugements que font les hommes compétents (ou "in charge) à son égard jusqu'au gourou de la communauté new age qui est le dernier à planter ses hameçons sur elle. Or, dans cet ordre des choses, son mari n'apparaît pas comme un méchant, mais comme quelqu'un de pareillement sans défense (helpless) et incapable d'effectuer un retour sur lui-même ou sur ce qui cloche dans sa vie, finalement permissif, soit qu'il est lassé soit qu'il ne veut pas la froisser, plutôt que compréhensif.

Pour Jacques Mandelbaum elle a développé les symptômes du SIDA et est condamnée (ce qui veut dire que le mari probablement aussi, et qu'il a une vie cachée), et la secte n'est pas une allégorie mais une description de cas réels dans les années pré Act Up, quand des communautés new age gommaient l'impact politique de la maladie et accéleraient en fait la mort des patients.

Bah ce genre de traitement alternatif, et un discours pseudo-scientifique (compréhensible), sont plus que jamais en vogue avec internet et les risques que cela comporte (faux diagnostiques, prise en charge pas adaptés, psychoses), ce qui fait du film de Haynes un film presque préscient (sauf qu'on se rend compte que tout ça existe depuis bien longtemps, sans véritable changement, à part un engouement pour des thérapies naturelles, s'appuyant sur des technologies, toujours plus discutables pour l'establishment medical, pas exempt de toute critique).
Si les symptômes de Carole dans le film imite ceux du sida sans jamais donner d'explication dessus, ça pointe bien l'un des problèmes du film. Le sida, ça s'attrape, l'hypothèse n'est pas débile, le mari de Carol se tape probablement d'autres nanas à côté, mais cette hypothèse n'est pas prise en compte par le film. Et la maladie de Carol ne peut pas être une métaphore pratique ou toutes les maladies méconnues qu'on veut. Trop facile encore.
A moins qu'on soit dans un cas, permis par la fiction, comme ces mystiques chrétiens qui développaient les stigmates du Christ.

Disons que le sida est une piste à privilégier compte tenu du refoulement (raté et qui explose finalement) de la sexualité par Carol et son mari, et le puritanisme (qui est autre chose que du refoulement) ainsi que le conformisme mesquin de ses amies dans les scènes un peu sirkiennes du début.
Puis l'idée de faire du mari l'agent réel mais ignorant de la contamination a dû plus qu'effleurer Haynes (cela rappelle 2 des 3 sketches de Poison).

j'ai édité mon post entretemps. C'est marrant parce que cette interprétation - intéressante - n'est jamais évoquée dans ce que j'ai pu lire sur le film.

Elle est mentionnée par Carol elle-même quand elle regarde la télé à l'hôpital (la pub de la secte), dans un lapsus où elle dit quelque chose comme C'est rien, je crois que j'ai juste le sida (pile à l'articulation des deux parties).

Tout ça me fait penser à une anecdote racontée dans une biographie de Gore Vidal, lequel se serait inquiété de voir Noureev nager dans sa piscine en Italie en pensant qu'il pourrait attraper le sida.

Voilà pourquoi les films valent mieux que le monde réel.

Bande d'avatars !

119 minutes, c'est un peu long pour un film dont le programme apparaît clair dès les premières minutes.

Je vois ici que certains parlent de "doute" et "d'ambigüité" mais l'exposition est tellement limpide dans sa caractérisation du personnage comme femme d'une certaine classe prisonnière de son statut dont la seule occupation dans la vie est de s'inquiéter-de-la-couleur-du-dernier-meuble-qu'elle-se-fait-livrer-en-attendant-que-son-mari-vienne-la-missionner-sans-lui-donner-le-moindre-plaisir qu'il est résolument impossible de s'interroger sur la véritable nature de son mal-(être donc), surtout qu'on a droit à plusieurs scènes chez des médecins qui ne lui trouvent aucun problème (si ce n'est une potentielle allergie au lait). Et bien qu'elle troque une prison pour une autre et l'emprise d'un homme pour celle d'un autre, elle se dépouille tout de même de tous les apparats de ce que la société imposait à une femme en même temps qu'elle s'éloigne de tout produit chimique et ce n'est qu'alors qu'elle s'accepte enfin comme en témoigne sa dernière réplique.
Qu'il y ait en outre une métaphore du SIDA n'est pas non plus étonnant vu l'époque choisie et le précédent film de l'auteur, c'est un peu le film-passerelle entre le film de genre qu'était Poison et le mélo sirkien Loin du Paradis qui s'attelle sans détour à la même thématique sur la femme domestiquée désireuse de s'émanciper. Et c'est peut-être effectivement la seule zone d'ombre que garde réellement Haynes sur son récit qui m'a donc paru intéressant mais incroyablement longuet, tant dans sa première partie, où les symptômes s'aggravent lentement, que dans sa deuxième moitié, avec l'arrivée tardive dans la communauté, dressant là aussi un portrait sans réel équivoque de ce qu'est une secte.

Pour autant, le film est pétri de qualités dans sa peinture, dans son approche formelle, que ce soit toutes ces couleurs pastel de rose et turquoise '80s envahissantes et malaisantes, ce travelling compensé très lent et léger au début qui oppresse subtilement l'héroïne, ces décors d'opulence roide et étouffante, qu'il s'agisse de la déco intérieure ou de la végétation dans laquelle elle se perd, cette BO synthétique de spleen flottant qui m'a rappelé celle de Memento... Ca commençait vraiment bien, je pensais davantage accrocher (surtout qu'à part Poison et Dark Waters, j'aime tous les Haynes à divers degrés, notamment le dernier) mais ce qui envoûte au début finit par lasser.

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J'avais trouvé le film fascinant et prescient pour les raisons que tu évoques : film de la desperate housewife, oisive, qui se découvre une raison d'être via une maladie chronique et mal définie, dont le passage des cours de gym au centre de soin new age sectaire se fait logiquement et qui, de nos jours, va bien au-delà de la psychose vis-à-vis du sida. Mais j'expliquais ça dans mon avis plus haut.

Oui je suis plutôt d'accord avec toi dans ce topic.

Et je ne m'explique pas les quatre étoiles de Lohmann sur Letterboxd vu son avis.

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Rare cas d’un film que j’ai appris à réévaluer avec le temps. Aujourd’hui, j’écrirai probablement l’exact inverse de ce que j’avais écrit à l’époque.