Forum de FilmDeCulte

Où Schéhérazade raconte les inquiétudes qui s'abattent sur le pays : « Ô Roi bienheureux, on raconte que dans un triste pays parmi les pays où l'on rêve de baleines et de sirènes, le chômage se répand. En certains endroits la forêt brûle la nuit malgré la pluie et en d'autres hommes et femmes trépignent d’impatience de se jeter à l'eau en plein hiver. Parfois, les animaux parlent, bien qu’il soit improbable qu’on les écoute. Dans ce pays où les choses ne sont pas ce qu'elles semblent être, les hommes de pouvoir se promènent à dos de chameau et cachent une érection permanente et honteuse ; ils attendent qu’arrive enfin le moment de la collecte des impôts pour pouvoir payer un dit sorcier qui… ». Et le jour venant à paraître, Schéhérazade se tait.

Libre à vous de créer les trois topics, quant à moi je pense l'ensemble assez homogène sans énorme rupture de ton qu'autre dans la narration à mille lieues de la trilogie de Belvaux, même si je trouve que voir les trois à la suite reste assez bourratif et que l'intérêt va decrescendo. Gomes agace visiblement certains, sans doute dû au piédestal critique unanime accordé trop tôt, mais force est de constater que sa trilogie sur l'agonie du Portugal ne raconte pas grand chose de différent que d'autres films sociaux à vue archi-plombante comme La loi du marché et consorts, mais avec un sens du réenchantement de la précarité sans mièvrerie et d'invention de formes libres qui le rapproche plus de Ce cher mois d'août dans sa filmo.

Ayant demandé à des journalistes de lui ramener des faits divers servant de matière à l'imaginaire des contes de Sherazade, Gomes alterne donc des histoires allant de la fable anar limite pécassienne sur le priapisme des directeurs du FMI, au film de procès saudade, accompagné par toute une ménagerie du coq aux pinsons (segment muet final assez relou avec ses tartines de texte par ailleurs, avec l'amourette ado incendiaire en textos analphabètes) en passant par le dog palmé de l'année Dixie au coeur d'un charivari en appartement. Le deuxième segment plus grave et austère est sans doute celui qui plaira le plus à ceux qui ne goûtent pas les apartés petit malin de Gomes qui démissionne en début de première partie, avant que Sherazade ne le fasse dans le troisième. Quand même, la première partie regorge d'instants sublimes, de ce bain de nouvelle année d'une classe ouvrière à la flotte, à l'explosion d'une baleine faisant naître une sirène, et la seconde bouleverse par sa fatalité poignante avant de reprendre une tournure plus solaire grâce à Dixie. Projet d'envergure bancal et imparfait, avec des vrais moments de grâce et des purs ratages, à la fantaisie foutrague et au désenchantement atténué par une playlist estivale de choix.

4/6 pour l'ensemble

Critique la plus juste que j'ai lu sur ce Gomes.

J'ai vu le premier et le troisième pour l'instant.

Le premier oscille quand même entre affligeant (cette partie avec les boss du FMI qui bandent est absolument pathétique, Gomes qui se met en scène au début c'est affreux, les textes en SMS à l'image) et sublime avec des scènes d'une beauté incroyable (le coq, les témoignages des chômeurs, la sirène, la baignade finale...). Mais sentiment quand même que c'est super brouillon, tout le début avec la voix off qui devient n'importe quoi entre témoignages d'anciens ouvriers de bateaux et discours sur les guêpes et comment venir à bout d'un nid... Ça part dans tous les sens et c'est assez lourd. Mais il y a indéniablement un truc, une originalité folle, une liberté absolue de ton, un objet assez unique.

Le troisième j'ai adoré, il est beaucoup plus carré et plus simple. Construit en deux parties majeures ça fonctionne beaucoup mieux dans l'articulation simili-fiction/documentaire. Il y a une vraie poésie magique qui émane de tout ça que ce soit dans l'aspect comédie musicale anachronique de la première partie ou bien dans toute la mythologie des pinsonneurs exploitée dans la partie doc (peut-être un peu longue). Je trouve ça très beau. Ça m'a fait penser à Dumont (on retrouve ces histoires d'oiseaux dans La vide de Jésus et le plan final - sublime - m'a beaucoup fait penser à Hors-Satan). Même si ce sont deux cinémas très différents on retrouve cette foi en une réalité très brute qui dissimule une possibilité de magie, de poésie, de mysticisme.

1ère partie : 3/6
3ème partie : 5/6
Donc pour l'instant je suis 4/6 sur les deux.

J'attends de voir le deuxième. Mais je comprends finalement l'espèce de snobbage des films par la compet officielle de Cannes, par la presse et même par la communauté cinéphile (le film vient de sortir dans un anonymat quasi total et ne marche pas du tout, le distrib est super déçu). C'est beaucoup plus proche du protéiforme et radical Ce cher mois d'août que du conte colonial élégant Tabou.

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CroqAnimement votre

La presse a été super positive non ? sinon bien aimé le premier, surtout que le souvenir efface les trucs moins bien - l'amourette sms je ne m'en souvenais même plus - pour garder les idées fortes.

Oui il y a un vrai soutien critique mais je veux dire ce n'est pas du tout l'évènement cinéphile que le projet laisser supposer. Parmi tous les médias en ligne que je suis, très peu en ont parlé. Le film reste vraiment pour une niche.

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CroqAnimement votre

Je viens de voir les chiffres: c'est la cata. Je pensais pas que ce serait aussi bas.

Même à l'AVP du mk2 beaubourg, la salle est pas pleine. Mais c'est vrai que c'est difficilement vendable.

Surtout qu'il y en a deux autres qui arrivent derrière...

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CroqAnimement votre

C'est quoi les chiffres?

Ils auraient clairement du en faire une série pour Arte, c'était même ce qui semblait prévu à un moment, je crois... Shellac a trop pris la confiance à cause du succès de Tabou.

14 000 entrées en première semaine. C'est pas totalement horrible mais en comparaison des 140 000 entrées de Tabou...

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CroqAnimement votre

Il va finir à 45 000 max pour le premier, les deux autres ça va être terrible

Oui et les 45 000 je suis même pas sûr. A mon avis ça va s'effondrer autour des 30 000, je sens le bouche à oreille plutôt moyen.

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CroqAnimement votre

Je reposte ici ma réaction post-cannes (sur le premier épisode):

Un supplice. Un énorme foutage de gueule. D’abord, pendant 25 minutes, t’as des images de bateaux et de pompiers, avec en off un déluge de paroles d’ouvriers (c’est CHIANT après trois minutes), et aussi Gomes himself qui raconte pourquoi il fait ce film. Puis le film commence enfin. Cool, des histoires! Ah non, c’est tout nase en fait. Une histoire pourrie sur des bureaucrates en costume qui ont une trique d’enfer, puis une histoire chiante sur un coq qui chante la nuit. Puis après t’as trois fois un mec en gros plan qui cause pendant un quart d’heure, blablablabla… C’est juste insupportable, et je ne parle même pas des effets de styles complètement tosgra de pose ultime. Je me réjouis le lire les branlettes sur cette pure supercherie. Plutôt mourir que de voir les épisodes 2 et 3. La critique de FDC résume bien l’affaire (avec des mots plus gentils). 1/6 pour l’effort.

Hum, j'ai détesté donc...

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Ed Wood:"What do you know? Haven't you heard of suspension of disbelief?"

D'un côté sortir ce genre de trilogie en plein été...

Memento avait sorti l'année dernière Winter Sleep en été. Il me semble que ça avait bien marché ?
Malgré l'avis d'Arnotte et un petit à priori, j'irai dès que je pourrais. Ce qu'on voit dans les BAs est assez beau.