Forum de FilmDeCulte

Paul Kerjean dénonce dans les colonnes de La Tribune, le journal pour lequel il travaille, un homme politique corrompu. Ne supportant pas ces accusations, le politicien, innocent, se suicide. Kerjean, pris de remords, approfondit ses recherches et découvre que les services secrets américains sont impliqués dans l'affaire...

Film paradoxal dés le premier plan et le logo "V" ahurissant fabriqué par Verneuil pour sa boite de production : être fasciné par l'Amérique et son cinéma, tout en la dénonçant dans une franchouillardise qui confère au ridicule dans son final.

L'ensemble débute comme un Les hommes du président version gauloise, mais avec des patrons de presses biens mou, et rapidement cet état de fait : il est inconcevable que le complot et la corruption puissent finalement venir de l'intérieur.
Tout ici se décale donc très vite d'une histoire avortée de pot de vin à grande échelle à la Boisset, vers un autre récit tout de même ambitieux, qui remet sur la table les actions louches de sociétés comme IMB pendant la seconde guerre mondiale. Le tout avec une attaque en règle de la finance "dérégulée" un peu en avance sur son temps, il faut bien le reconnaitre, en dépit de la caricature risible...

Le super capitaliste campé sans nuance par Mel Ferrer comme un espèce de méchant bondien entouré de ses directeurs délégués ne passe plus, mais hélas Verneuil s'attarde platement sur ces séquences de réunions et de bons mots sans intérêt. Tout est atrocement littéral dans ce cinéma, dés qu'un personnage explique quelque chose à Dewaere, ou que Dewaere lui même narre un souvenir, il s'en suit une mise à l'écran au-delà du didactique. Un zoom vient accentuer de temps à autre un monologue, un plan large ramène tel interlocuteur à sa dépression et sa solitude, etc... ce système culmine avec le flash-back de docu-drama en noir et blanc sur le procès de Dusseldorf, absolue néant de mise en scène.

Verneuil essaye quand même quelques trucs niveau tension, comme ce gosse qui circule en vélo dans le grand appart de Dewaere et la scène de l’ascensceur qui s'en suit. Mais son film va de pire en pire, pour s'achever sur cette note cocorico .

C'est amusant parce qu'avec son acteur principal, Caroline Cellier, voir même la panouille de Jeanne Moreau, le réalisateur essaye des acteurs un peu différents dans son cinéma, mais ils semblent souvent assez mal à l'aise. Dewaere en particulier trimballe un air assez déprimé ici (c'est l'un de ses derniers films...)

C'est un peu le même ressenti que j'ai eu à propos de Dewaere. Ca fait très longtemps que je n'avais pas vu ce film et son jeu est décevant. Il est absent; on a l'impression qu'il se force, qu'il caricature le jeu de l'acteur en général. Il n'a pas cette espèce de rage jubilatoire que l'on retrouvait dans beaucoup de ses personnages.
Le film a été tourné un an avant sa mort et on y songe tout au long du film en le voyant.

_________________
"Le cinéma, c'est le sang, les larmes, la violence, la haine, la mort et l'amour"
Douglas Sirk

Anecdote wiki assez terrible...

Long métrage succédant à Un mauvais fils de Claude Sautet pour Patrick Dewaere, ce film marque le retour de l'acteur en vedette après un événement ayant bouleversé sa carrière professionnelle. Pour s'être violemment emporté envers Patrice de Nussac, journaliste au Journal du dimanche qui lui avait promis de ne pas dévoiler son prochain mariage avec Élisabeth Chalier, la mère de sa seconde fille, Dewaere subit durant de longs mois, un véritable boycott de la presse, des médias et des producteurs qui hésitent désormais à l'employer. Il n'est alors plus interviewé et fait sans précédent en France, son nom est supprimé du générique de ses films dans plusieurs journaux, voire remplacé par des initiales employées dans une ambigüité à connotation péjorative : « P.D. ». Henri Verneuil parvient à l'imposer mais on sent toujours quelques réticences des médias lors de la promotion du film. Ainsi, le 21 août 1981 dans le Journal de 13 heures de TF1, Yves Mourousi ne le laisse s'exprimer que quelques secondes sur une interview de plus de neuf minutes avec une partie de l'équipe du film, bien qu'il ait le premier rôle. Il parvient toutefois à préciser avec ironie, au sujet du personnage qu'il interprète et qui est lui-même, un journaliste : « Je suis accusé à tort, d'un très grand scandale », référence au boycott médiatique dont l'acteur a fait l'objet

A la vision de ce film, on comprend bien pourquoi la nouvelle vague et les Cahiers du cinéma en avaient après Verneuil. Tout dans la mise en scène est tellement statique, pesant, verrouillé. Heureusement, la solidité du scénario et de l’interprétation (même si Dewaere parait un peu absent) font que les 2h10 passent sans trop de problème. La pertinence et la modernité du propos sont quand même assez étonnantes, par moment on pourrait penser qu’il s’agit des GAFAM.