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MessagePosté: 02 Juil 2015, 14:41 
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Oui voilà c'est tenter la "contre-programmation", à l'heure où il n'y a que des gros films légers en salle, tenter le film d'auteur un peu aride. Et en effet Winter Sleep c'est 360 000 entrées, ce qui absolument énorme.

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MessagePosté: 02 Juil 2015, 14:43 
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Art Core a écrit:
Oui voilà c'est tenter la "contre-programmation", à l'heure où il n'y a que des gros films légers en salle, tenter le film d'auteur un peu aride. Et en effet Winter Sleep c'est 360 000 entrées, ce qui absolument énorme.


Ca reste une palme d'or quand même.

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MessagePosté: 02 Juil 2015, 14:45 
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Oui certes mais film Turc se déroulant dans une montagne isolé de 3h15 c'était loin d'être gagné. Oncle Boonmee dure moitié moins et n'a fait que 127 000.

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MessagePosté: 02 Juil 2015, 14:59 
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tape dans ses mains sur La Compagnie créole
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Art Core a écrit:
Oui voilà c'est tenter la "contre-programmation", à l'heure où il n'y a que des gros films légers en salle, tenter le film d'auteur un peu aride.

Yes, de notre côté on tente Mustang (qui n'est pas "aride" mais ça reste un film turc sorti de nulle part) le 12 août... On croise les doigts.

Quant au(x) Gomes il n'est à ma connaissance toujours pas vendu pour le Benelux, et je ne suis pas étonné, c'est juste insortable ici, donc suicidaire.

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MessagePosté: 02 Juil 2015, 15:04 
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Oui ça sent le film qui sortira nulle part.

Mustang est aussi sorti chez nous la semaine dernière. Bon démarrage avec 80 000 en première semaine.

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MessagePosté: 02 Juil 2015, 16:56 
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Antichrist
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Je me souviens quand même de l'avis de ma mère sur Tabou.. tu en as pensé quoi ? "j'ai honte, je me suis endormie avant la partie en noir et blanc".


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MessagePosté: 19 Déc 2015, 18:29 
Après la première partie, je suis partagé. Le principe du film ne fonctionne pas très bien : diluer dans une représentation de l'imaginaire de l'Orient des contes enfantins, délibérément théâtralisée, littérairement précieuse un film social pour parler en général du Portugal aujourd'hui et en particulier des conséquences de l'austérité européenne sur les hommes et les femmes. Il n'est pas exempt, comme le film le réalisateur l'avoue lui-même, de "dandysme", ainsi que d'une difficulté à aller au-delà de ses propres métaphores (sur ce point, j'ai d'ailleus trouvé le film moins affecté et plus sincère que Tabou).

Mais il faut reconnaître qu'ilil représente un effort salubre de rompre avec le monolithisme édifiant et répétitif, jusqu'au sadisme, des films de Ken Loach ou des Frères Dardenne.Ma préciosité assumée de Gomes arrive finalement à cerner par a-coup le réel, et à assumer que pour y parvenir, il est peut-être nécessaire d'ignorer ou de feindre d'ignorer quel est le public auquel on parle, ce qu'un cinéma réaliste plus scénarisé, plus visible et conventionnel n'arrive plus à faire (ceci dit la partie du film qui m'a le plus touché sont le montage des voix-off documentaires du début, qui se situe à la marge du style et de la durée du film). Gomed est assez proche de ce qui est en France le cinéma "(plus si) jeunes auteurs (que ça)" de Bozon ou Ropert, et peut-être Deplechin, mais tandis que les Français situent le social et le politique à la fois dans le hors-champs et le récit généalogique de leur propre histoire (la politique est le problème des parents, on s'y rapporte comme à une sorte de complexe d'Oedipe à régler uen fois pour toute), Gomes les place au centre, mais en même temps qu'il led désinvestit, les présente comme des possibilités mortes, par rapport auxquelles on peut avoir une position morale, mais sans y projeter ni espoir ni désespoir.
Paradoxalement, en les déjouant, la politique permet toutes les métaphores et tous les récits, pour autant que le constat de leur impuissance, de leur absurdité ou de leur indécence (prendre la témoignage direct de la misère sociale comme matériel de fiction) soit énoncé dès le début.
Le film fait un constat lucide sur l'épuisement parallèle et des travailleurs et chômeurs, et des volets à la fois militants et romanesque des récits ouvriers, et est pour cela complètement déprimant: il est construit contre son propre imaginaire, assigne à la classe moyenne une position où le sens de la révolte et la conscience de sa propre impuissance doivent s'apprendre nécesairement de façon simultanée, et glisse avec une précision effrayante la fiction dans l'interstice qui existe entre la mort des institutions de protections sociales, du travail, et le discours qui leur survit. Il fait gonfler de manière presque arrogante la misère, la travestit dans la luxuriance de sa langue, pour ensuite se retourner et devenir l'humble (ou presque humble) témoin à la fois des souffrances les plus prosaïque (des autres) et de l’exubérance baroque de sa propre narration. C'est une position légitime, mais qui ne vaut que si elle parvient à se montrer à la hauteur de ce qu'elle a promis: restaurer un espace où la lutte sociale peut s'énoncer de manière plus directe, n'a pas besoin d'un interprétè qui à la fois lui manque et la trahit (le gag du premier conte sur l’interprète est très bon) pour instaurer un rapport de force avec le pouvoir qui veut l'endormir, la briser. Shéhérazade ne tient qu'à la condition de ne pas se répéter (et pour cela elle n'accompagne pas réellement ceux qu'elle protège). Sinon elle sera juste un "genre" de plus, un point de rencontre entre ceux qui trouvent le libéralisme meurtrier et ceux qui le trouvent simplement vulgaire, vain mais infiniment renouvelable.


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MessagePosté: 20 Déc 2015, 15:12 
DPSR a écrit:
Quand même, la première partie regorge d'instants sublimes, de ce bain de nouvelle année d'une classe ouvrière à la flotte



Cette scène est aussi belle que génante. Je n'ai pas apprécié le parti-pris de la rendre muette pour en accentuer le tragique, car cela revient à faire coïncider depuis l'intérieur du film le chômage avec le silence et annule le point de vue des contes, en le légitimant paradoxalement: les contes deviennent un porte-voix réel fonctionnant non pas entre le réel et le film, mais à l'intérieur du film entre fiction et le documentaire . Dans cette scène, le film avec la masse de baigneurs (en situation réelle) fait beaucoup penser aux plan (fictifs) de l'entrée dans l'usine en hiver dans un film que j'ai vu récemment, lui aussi montré à a Cannes, mais il y a 45 ans: "la Classe Ouvrière s'en va au Paradis" d'Elio Petri. C'était d'ailleurs un cinéaste méprisé par les Cahiers, Daney lui reprochait de montrer l'usine en prolongeant le point de vue du contremaître. Il lui opposait sans doute un autre cinéma, celui de Robert Kramer par exemple, plus réflexif mais qui en fait parle plutôt de la colère des cadres de la lutte ouvrière, et ne cernent le prolétariat que par un appel à des généaloies historiques.
Je crois qu'il y a beaucoup de rapports entre les deux films. Ainsi au début, Gomes laisse un ouvrier raconter un accident un travail avec une meuleuse qui rappelle beaucoup celui connu fictivement par Volonté dans le film de Petri.
Il est vrai que Petri pouvait montrer l'atelier, là où Gomes ne le peut plus (du fait de la crise il échappe ainsi aux types de reproche exprimés par Daney), qu'il y a de la colère chez Petri (dirigée explicitement contre les gauchists, organiquement séparés du prolétariat, mais aussi plus sourdement contre le PCI et les ouvriers, qu'ils soutient, légitime tout en en pointant le réformisme mou ) et du desepoir envers les patrons (invisibles) et plsu de désespoi etr moins de colère chez Gomes (où la colère contre les Instituions européennes n'est pas pensée par rapport à la classe, mais par rapport à la communauté nationale; celle colère fonctionne comme quelque chose d'englobant, sans revendication). Il y a aussi un rapport inversé: chez Petri l'histoire et la politique sont montrées sans métaphore. Les patrons, ouvriers, PCI, gauchistes sont situés par leurs discours réels et n'ont dans la fiction pas d'autres activités que de le produire, mais la subjectivité est fictionnalisée. Chez Gomes c'est exactement l'inverse; les contes métaphorisent l'histoire récente tandis les ouvriers jouent leur propre rôle, et parlent de façon documenaire de la mémoire qui n'est plus, où l'usine prend une dimension fantasmagroque. Les deux films ont en commun de montrer que les ouvriers sont conscients de fanstamer leur rapport à la machine-outil, que cette projection dont ils parlent très bien n'est pas tout à fait la même chose que leur aliénation: elle est leur culture. Ironiquement Petri dit que cette culture ne vaut rien, car elle est particulière, inachevée, ne cadre pas avec la doctrine du PCI de l'hégémonie culturelle, comme condition de la prise de conscience de la révolution, qu'elle est en retard sur leur poid politique. Gomes dit au lui aussi que cette culture ne vaut plus rien (il y a quand-même une forte ironie à mettre en oeuvre un discours aussi élégiaque autour du sudoku, des feux d'artifices et des goûters), mais au contraire parce que c'est la seule chose qu'il leur reste maintenant que le travail est parti, elle est la même chose que lur désoeuvrement.
Les films de Petri et de Gomes disent au fond peut-être aux ouvriers la même chose, mais dans des situations dramatiquement opposées: la meilleure partie de vous est celle qui vient de mourir ou de vous être amputée.


Dernière édition par Gontrand le 31 Déc 2015, 01:27, édité 1 fois.

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MessagePosté: 31 Déc 2015, 00:50 
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Inscription: 30 Déc 2015, 16:00
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D'accord avec DPSR pour dire que la trilogie va decrescendo, le premier opus est pour moi le meilleur, le rythme tombe un peu dans le 2ème et le 3ème, même si quelques mois étant passés j'en conserve un sentiment plus fort que sur l'instant (la scène du tribunal m'était apparu longuette une fois sortie mais persiste fortement dans ma mémoire finalement, la partie sur les éleveurs de pinsons je voudrais la revoir absolument!).

Art Core a écrit:
Le premier oscille quand même entre affligeant (cette partie avec les boss du FMI qui bandent est absolument pathétique, Gomes qui se met en scène au début c'est affreux, les textes en SMS à l'image)

Pas du tout d'accord avec ça.

Il y a une énorme influence du cinéma italien, le film à sketch, la satyre que l'on retrouve dans cette première scène avec les membres du FMI/WB/Commission. C'est gras, outrancier, drôle, on dirait du Ferreri. J'ai adoré cette scène, tout à fait juste dans son aspect irrévérencieux. Il faut également la remettre dans son contexte, les politiques portugais ont baissé leur pantalon pendant 10 ans pour se faire sodomiser par ces 3 là, c'est un exutoire de ce que le peuple portugais (au moins une certaine frange) aurait bien aimé entendre pour les défendre.

De même pour la scène d'introduction, je l'ai trouvé très drôle, juste, une façon de préparer son public à une leçon de chose à laquelle il ne s'attend pas forcément. Dans la peur du réalisateur de se lancer dans un tel projet, il y a la peur de présenter un film que le public ne souhaite pas forcément voir.

Pour moi c'est clairement l'un des films essentiels de cette année.


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MessagePosté: 31 Déc 2015, 01:42 
Gomes filme de l'austérité exactement de la même façon qu'il filme de colonialisme dans Tabou, en montrant que la mélancolie est la même de tous les côtés de la barrière. Il constate que prolétaires comme banquier ont chacun leur style qui leur convient, ont trouvé avant qu'il commence à les filmer la forme symbolique idéales pour exprimer à la fois leur intention et leur hstoire, tout en centrant le film sur la recherche impossible du prolétaire ou du financier authentique dont la misère ou le sadisme seraient au-delà de tout critère esthétique. Cela mène à des paradoxes, comme une vision iréniste de la nature dans la fable des abeilles, qui n'est même pas de l'écologie, car l'innocence de la nature est justement prouvée par sa disparition et sa mort, qui ont le mérite de déjouer les métaphores trop faciles. Ce cinéma semble regretter de n'est pas le seul à avoir compris que le réel a la structure d'une fiction comme disait l'autre, et perpétuellement rechercher son sujet.
Même si j'ai tendance à trop valoriser les oeuvres reconnues et établies par rapport à celles du présent, j'ai l'impression qu'il y avait plus de désespoir et d'ouverture vers l'imprévisible et moins de mélancolie chez Ferreri que chez Gomes (qui met sur le même plan du travail de la mémoire et celui du fantasme), et qu'il assumait le risque de casser le développement de ses propres films.


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