Qui-Gon Jinn a écrit:
Le principal truc qui me gêne c'est que je ne retrouve pas Bob dans ce film. Je retrouve un aspect de Bob, mais je ne retrouve pas le VRAI Bob. Oui, ça paraît cash, mais pour m'être longuement interrogé pendant les heures et les heures de montage de mes films sur ce qui me plaisait chez lui en tant qu'acteur, où étaient ses forces et ses faiblesses, ce qu'on pouvait lui faire ou ne pas lui faire faire, je crois avoir une bonne idée sur la question. Ce qui est cool chez Bob, c'est son humour, sa distance, sa capacité d'improvisation. Il est bon quand il est en roue libre, proche de ce qu'il est réellement, qu'il peut jouer avec le texte, et laisser son corps évoluer dans l'espace, avec sa gestuelle, ses grands mouvements de bras. Ce n'est pas pour rien que les meilleurs moments dans LES BALOCHES sont les moments d'humour gestuel: "1,2,3...", les poings qui s'entrecognent, le bras sur l'épaule dont parle Zad, etc. Car tout le reste du temps, pour des raisons qui tiennent à la fois d'un parti-pris et de contraintes techniques (la faible profondeur de champ du 5D), Bob reste figé et doit tout faire passer par son visage. Or, Bob n'est pas le meilleur acteur du monde quand il doit jouer on cue une émotion précise où dire un truc de manière exacte. Et ici, on sent trop les intentions. Il JOUE le mec stressé, il MONTRE le stress, plutôt que le faire ressortir contre son gré, de manière inconsciente, à travers une attitude plus cavalière - celle qu'il aurait eu dans la vie. Bref, quand je vois le film, je n'ai pas l'impression de voir le Bob spontané et inattendu qui vivrait réellement cette situation. Je ne dis pas qu'un acteur doit se limiter à toujours tout jouer pareil, mais pour une première réalisation, il eût été préférable de se mettre en scène d'une manière plus proche de lui.
Ce problème en rejoint un autre qui tient plus au texte. Je crois me souvenir que dans la version 2008 du scénario, on assistait au moins un peu à l'enthousiasme des protagonistes à l'idée de faire un plan, avant que le stress ne les grignote. Ici, on commence presque le film trop tard et on ne sent pas du tout cette exaltation, cette curiosité. Même Joffrey ne la fait pas passer. Quand il dit "Epopée burlesque", il est trop détaché je trouve. On est tout de suite dans le stress et ça manque d'une sorte de recul salutaire sur la situation, de conscience amusée de ce qui va se passer.
Pour ces deux remarques, mon jeu et l'absence d'enthousiasme de la part des personnages dans un premier temps, est-ce qu'on n'est pas dans le cas typique du "c'est pas le film que j'imaginais"?
Sinon, c'est le début
in media res qui impose un peu ça aussi. Globalement, Bob a eu le temps de stresser et de préparer toutes ses questions dans sa tête dans le laps de temps entre le moment où ils sont partis de là où ils étaient et l'arrivée dans l'appart de la meuf. Ça justifie quelque peu le manque de spontanéité et aussi le manque d'enthousiasme.
Dans la version 2008 du script, on était avec les personnages quand ils se faisaient alpaguer. Par conséquent, on avait le
full spectrum de leurs émotions face à la situation : surprise, enthousiasme, puis seulement le stress. Dans
Lose Actually aussi, il y a davantage d'"étapes".
Là, c'était un parti-pris de commencer direct par du stress.
Après, oui, cela ne signifie pas qu'il n'y a pas justement échec dans mon jeu à porter ce stress comme émotion unique du film.
Mais disons que, même si je joue "mon propre personnage", il y a un monde entre le Bob de la vraie vie et le Bob filmique (dans la vraie vie, je ne réagirais jamais comme le Bob de
Lose Actually non plus, par exemple).
Citation:
Ensuite, il y a le problème d'alchimie entre Joffrey et Bob. Lors de mon retour sur la première version du montage, j'avais utilisé le mot "abrasif". Car globalement, dans les échanges des deux héros, j'avais quasiment l'impression qu'ils se détestaient. Ce problème a été assez largement gommé au cours du remontage, mais je ne suis pas sûr qu'il ait entièrement disparu (mais comme je disais j'ai pas assez de recul). J'ai l'impression de deux mecs qui ne sont pas potes, qui jouent "à côté" l'un de l'autre en ressentant trop rarement leur complicité, leur enthousiasme.
Y a PAS d'enthousiasme
Mais sinon, là-dessus, je me demande si c'est pas davantage un problème de scénario que de jeu.
La manière dont Bob freine ici est bien plus vénère et offensive que la façon dont Bob freine dans
Lose Actually par exemple. Du coup, ils sont plus franchement dans l'affrontement et il est plus difficile de montrer leur camaraderie (on a d'ailleurs coupé l'unique moment où les mecs échangeait un contact physique amical d'ailleurs, ça aide pas
).
Citation:
Après il y a un autre truc qui me gêne (vous allez avoir l'impression que je déteste le film en fait, mais même pas), c'est la fin. Ou les fins. Déjà, je trouve que les persos ne changent pas assez au cours du film. Dans LOSE ACTUALLY, il se passait pas grand chose, mais on essayait de faire aboutir à un clash, puis à une réunification. Ici, je ne vois pas vraiment ce qui a évolué entre eux ni ce que cette discussion a changé dans leurs rapports, dans leur amitié.
Lose Actually est un mini-film. Ici, on est juste dans une saynète. Je ne voulais pas créer artificiellement un arc pour respecter une quelconque convention qui n'est absolument pas obligatoire.
Nulle part il est écrit qu'un personnage DOIT évoluer au cours d'un film. L'arc peut être celui du film ou même celui du spectateur face au film.
Ici, j'ai tout de même voulu montrer que Joffrey changeait légèrement (il est insouciant et assuré au début, il se fait contaminer par le discours de Bob durant le film, il finit traumatisé à la fin là où Bob est juste blasé). Bob ne change pas car
"il le savait".
His point was proven quoi.
Disons que le propos du film ne nécessite pas un arc évolutif du personnage pour s'exprimer.
Citation:
Et survient alors la triple fin. J'aime beaucoup
, car dans un film aussi conceptuel et programmatique, ça donne une bouffée d'air frais inattendu, ça fait subitement exploser le dispositif. Par contre, j'aime moins le plan qui suit, car je trouve qu'il ne se passe pas assez de choses. Trop statique, presque sous-joué. J'aurais aimé sentir de la vie, avec - au pif - un échange de regard gêné, ou bien l'un qui regarde l'autre et l'autre qui détourne le regard, ou que sais-je. Là c'est trop minimaliste.
Oui, lors des dernières visions, notamment en salles, je n'ai cessé de me dire qu'un geste supplémentaire aurait pu provoquer un rire de plus. Mode Spielberg et la tête de Ben Gardner dans
Jaws.
Citation:
Enfin, il y a
, que je trouve déplacée à plus d'un titre (ah ah). Déjà parce que c'est la mode et y en a marre. [/hide]
L'obsession englienne.
Citation:
Ensuite car ça fait une troisième conclusion. Et enfin car ça ne vient rien apporter de plus.
Je t'accorde que ça n'apporte rien de "plus" mais ça souligne le gag quoi.
Citation:
Bref, pour quelqu'un qui "ne pouvait pas juger ce film", j'ai été bien bavard. Le pire, c'est qu'en plus je ne déteste pas, j'adore l'idée, j'adore la crudité du truc, je prend toujours du plaisir à voir Bob jouer même quand il est un peu coincé, c'est joli, ça passe vite. Mais j'ai trop réfléchi au film au cours des années pour ne pas avoir des choses à analyser. Et puis qui aime bien châtie bien et vu que j'adore Bob, JE LE CHÂTIE COMME UN BÂTARD.
<3