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MessagePosté: 20 Avr 2024, 23:04 
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Jack Delroy, présentateur vedette d'un talk show phare des années 70, lutte désespérément contre la baisse d'audience. Le soir d’Halloween, pour une émission spéciale en direct, il décide de consacrer ses segments à des phénomènes occultes et paranormaux.

Enfin !

(je vais spoiler)

Enfin autre chose que de l’enfilage de métaphores éclatées sur le trauma, les familles dysfonctionnelles ou la société indifférente.

Enfin des gens qui ont compris que la culture populaire américaine recèle déjà suffisamment d’items captivants et terrifiants en eux-mêmes sans qu’ils n’aient besoin de symboliser quoi que ce soit d’autre.

Ce qu’on appelle, à défaut de mieux, le « complotisme » est de nos jours vu comme une sorte de parasite qui s’attaque à l’information et à des esprits influençables (ces gens qui ne contractent pas en sont en bon exemple récent, ou encore les boomers MAGA avec QAnon). On en oublie qu’aux US il s’agit aussi et surtout d’un marché qui a pignon sur rue, qui s’alimente de et qui alimente la culture mainstream (Richard Belzer de Law & Order a écrit plusieurs livres sur les OVNIs et l’assassinat de JFK), et que ça a un statut beaucoup plus ambivalent qu’en France. Pour ma part, si R.L. Stine et Stephen King m’effrayaient quand j’étais ado, mes lectures d’adulte les plus terrifiantes sont dues à Peter Levenda et sa trilogie Sinister Forces, The Ultimate Evil de Maury Terry et Weird Scenes Inside the Canyon de David McGowan, trois auteurs qui ont disséqué la face cachée de la contre-culture des années 60 et 70, les rapports incestueux entre services de renseignements, groupes sectaires type Scientologie et Process Church et complexe militaro-industriel, la satanic panic… Bref, à défaut d’y croire ou non, ce qui n’est pas la question, je trouve ce deep lore fascinant au possible, trop rarement exploité au cinéma (le seul exemple qui me vient est l’excellent Banshee Chapter).

Autant dire que les références dès l’entrée en matière aux rassemblements Bohemian Grove m’ont fait passer en mode Di Caprio qui pointe du doigt sa télé.

Late Night with the Devil denote déjà par la maîtrise de sa forme : mi found footage (avec ouverture narrée par Michael Ironside), mi faux-documentaire dans ce 4:3 implacable. Sans compter le travail sur le grain de l’image, délicieux, et qui laisse entendre que l'équipe est aussi sensible au courant de l'analog horror qui fourmille sur internet, et qui dépasse régulièrement le cinéma d'horreur par la droite en termes d'effets et d'inventivité (et qui est, pour le coup, très influencé à la fois par Lovecraft, décidémment aussi incontournable qu'indésirable et gênant, et bien sûr le potentiel horrifique des théories du complot). Tout ce qui relève de la reconstitution (costumes, décors, références etc.) est impeccable. En voyant la BA (et Shudder en estampillage), j’avais cette crainte du huis clos un peu trop sûr de lui qui risquait de vite devenir répétitif et étouffant, mais il n’en est rien. Très vite on est en territoire gonzo, sans non plus que ça vire au grotesque. On pouvait craindre aussi que David Dastmalchian (qui co-produit), habitué aux seconds rôles de type bizarre, n’aie pas l’envergure pour porter un film, même de série B. Il n’en est rien non plus, il tient à merveille l’exercice de style du présentateur dont l’émission vrille en direct.

La dynamique de plateau, nécessaire à ce que le dispositif fonctionne, assure également : le personnage de Dastmalchian, comme tous les présentateurs de talk-show, a un sidekick/faire valoir et un orchestre. Les invités suscitent spontanément puis entretiennent le conflit : un medium, un sceptique calqué sur le vrai James Randi (qui promettait une récompense financière à quiconque apporterait la preuve de l’existence d’un phénomène paranormal), la gamine possédée accompagnée d’une chercheuse universitaire. Tous sont suffisamment nuancés, et ont assez de secrets pour éviter toute platitude dans la caractérisation.

Bien sûr, au-delà des éléments horrifiques, et rien que via le titre du film, ce qui se joue aussi c’est la mise en évidence de l’aspect profondément faustien du show business, notre propre télé-évangélisme pour une culture de masse sécularisée. Amusant d’ailleurs qu’il s’agisse d’une co-production émiratie (le côté Grand Satan, tout ça machin). Le propos est incarné à la hauteur des ambitions et des moyens du film.

A la fois sinistre et stimulant, puisant de manière acérée et intelligente dans un terreau fertile, il s’agit là d’une excellente et rafraîchissante surprise.

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MessagePosté: 26 Avr 2024, 15:52 
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Film qui était projeté hier à Toulouse dans le cadre du petit festival Grindhouse Paradise. Ceci dit pas vraiment besoin de le voir sur grand écran puisqu'il veut mimer jusqu'à un certain point la télévision américaine, un late night show de la fin des '70 s comme l'indique le titre.

Je l'ai trouvé assez sympa, et en particulier la performance d'une conviction perturbante de la jeune actrice qui joue Lilly.

Tout ce qui constitue sa force de reconstitution "culturelle" américaine des années 70 est déjà exposé par Müller.

Après en étant mi-found footage mi-docu, le film n'est ni l'un ni l'autre : en choisissant d'être porté par un acteur connu, mais aussi pour un spectateur adulte attentif dans un montage qui prime la narration filmique sur la reconstitution d'une émission télévisée, enfin en sortant dans les dernières minutes de son dispositif, ce film ne cherche jamais à faire complètement illusion sur son caractère factice. Du coup malgré ses qualités il s'inscrit dans ce courant aussi ancien qu'actuel de l'horror comedy, où c'est la dimension de comédie qui prime manifestement sur l'horreur.

Et en effet c'est un retour compréhensible à ce genre puisqu'en matière d'horreur pure il suffit d'allumer sa télé et de constater ce qui se passe dans la bande de Gaza, entre autres - ou même de regarder Hanouna officier sur C8 j'ai envie de dire, pour ne pas avoir besoin de se faire beaucoup plus peur à travers les fictions, d'où la multiplication de ces films en un sens rassurants.

Quoi qu'il en soit c'est très supérieur à n'importe quelle legacyquel d'une franchise d'horreur usée jusqu'à la corde.


Dernière édition par Cyniquotron le 26 Avr 2024, 17:40, édité 1 fois.

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MessagePosté: 26 Avr 2024, 17:26 
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Cyniquotron a écrit:
Je l'ai trouvé assez sympa, et en particulier la performance d'une conviction perturbante de la jeune actrice qui joue Lilly.


C'est très vrai. Les enfants dans l'horreur mainstream subissent le même carcan que les femmes. Ces dernières sont forcément traumatisées, ostracisées, incomprises et aux prises avec une rage toujours légitime, au fond, tandis que les gosses sont des proies faciles et des victimes collatérales de ce que les phénomènes et/ou le monstre symbolisent (bien souvent, d'une manière ou d'une autre, un ordre social injuste). Je suis sûr que ça existe déjà, mais il faudrait s'amuser à répertorier toutes les occurences dans lesquels ce schéma aussi pauvre qu'épuisant se répète depuis au moins 10 ans.

Là, le personnage de la gamine évoque bien sûr le trope de la pauvrette possédée. Mais son écriture et son incarnation la hissent la plupart du temps hors des conventions précitées pour retourner dans le registre d'une weird fiction contemporaine à l'émergence du cinéma et qui misait avant tout sur la discordance, le malaise, l'appréhension et la menace du débordement. Il n'y aucune recherche de correspondance avec ce qu'elle pourrait symboliser, l'idée c'est juste qu'elle soit cheloue.

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MessagePosté: 29 Avr 2024, 15:08 
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J'aime beaucoup le concept mais j'ai trouvé que l'exécution manquait quand même pas mal de rigueur. Le found footage n'est jamais vraiment crédible, je trouve ça dingue qu'ils aient aussi peu respecté la grammaire télévisuelle de l'époque, c'est trop découpé et au niveau du grain de l'image je trouve ça trop lisse, trop numérique, pas eu cette impression d'analogique. Et ça résume un peu tout le projet pour moi qui est une sympathique exploration d'une certaine époque avec son ésotérisme de pacotille et son obsession pour l'oculte mais qui s'avère un peu grossier dans l'execution. Si j'aime que le film aille assez loin dans l'horreur (je m'attendais pas à un climax si graphique), l'abus de CGI (pas terribles) nuit un peu à l'expérience globale. Un film sympa sans plus que je mets quand même en dessous des chantres de l'elevated horror.

3/6

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MessagePosté: 13 Mai 2024, 08:18 
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Hype franchement usurpée pour ma part.

Le concept est bonnard mais le film ne s'y tient pas, encore un found footage qui ne s'assume pas. "Voici l'enregistrement resté caché!" et c'est entrecoupé de segments où une caméra extra-diégétique filme les coulisses. Si encore ces scènes étaient exécutées avec un minimum de tension, trouvaient un dispositif de mise en scène propre (et pas juste "alors là c'est en N&B") comme un plan-séquence par exemple, mais non, ça sert juste à balancer des infos de manière didactique, un peu comme la longue intro qui en dit beaucoup trop d'entrée, désamorçant tout mystère, toute ambigüité, là où le film aurait gagné à révéler le passé du présentateur au cours de l'émission, via les interviews, mais pour ça, il aurait fallu une écriture plus maligne que ce slow burn mollasson où il n'y a quand même pas grand chose à se mettre sous la dent durant de longs moments et quand il y a quelque chose, ce sont des scènes déjà vues en version zéro inventivité (le médium, la possédée).

Il y a bien des détails rigolos (oui parce que c'est finalement plus drôle que flippant), avec les regards caméra de la gamine ou le personnage de sceptique (joué par un ancien de Hartley, coeurs à vif! et Matrix 2 & 3) et il y a ce moment méta intéressant, le seul où le film exploite vraiment son postulat, où les images nous montrent ce qu'un téléspectateur hypnotisé voit, mais sinon ça traîne la patte vers un final "2001 version horreur" un peu foireux et décevant (en plus d'être donc sans surprises vu que l'exposition de 8 minutes avait tout balancé).

Reste que Dastmalchian est très bien dans un rôle différent (mais là aussi, peut-être aurait-ce été plus judicieux de prendre un mec lisse pour révéler sa noirceur).

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