j'ai fait des comparutions immédiates, des correctionnelles randoms, du droit d'asile, un ancien président à la barre, une des grandes criminelles du siecle. il me reste un réseau de trafiquants de drogue et quand j'ai vu qu'il y avait le procès de salim berrada, 'le violeur de tinder', je me suis dit que c'était un procès d'assises avec un vrai enjeu. j'y suis allé une journée, j'ai été totalement bouleversé, je me suis arrangé pour pouvoir y retrourner un maximum.
il y a eu des articles, excellents, du monde pour relater les choses et qui témoignent fidèlement de ce que j'ai pu voir, à commencer par la personnalité particulière de l'accusé. très loquace, intelligent, avec une stratégie de défense désarmante. il niait absolument les viols, tout en reconnaissant plein de choses mais en s'arretant systématiquement à ce qui pourrait constituer une infraction pénale. exemple random : une fille sortie de chez lui dans un état second, une copine est venue la chercher et en témoigne, elle s'est même cassée la figure dans la rue parce qu'elle n'arrivait pas à marcher. il ne nie pas ça, ne nie pas la relation sexuelle mais dit qu'elle s'est bourrée dans cet état là... *après* la relation sexuelle. bim, la circonstance aggravante n'est plus d'actualité. et c'est pareil pour tout, jusqu'à l'absurde. ses accusations de mensonge contre les plaignantes sont parfois odieuses, surréalistes, lunaires mais il n'en démord pas avec un ton fondamentalement sincère et parfois convainquant. sauf que comme sarkozy, à utiliser ce même ton pour dire des choses totalement farfelues et dont personne n'est dupe (même ses avocats faisaient à peine semblant) et des choses qui pourraient être vraies, c'est l'ensemble qui n'a plus aucune crédibilité.
mais ce qui m'a fait plonger c'était surtout, évidemment, les témoignages des plaignantes. 13 viols, 4 agressions sexuelles. les femmes se succédaient, des récits horrifiants pour les faits eux-mêmes mais surtout bouleversants pour la narration de l'impact que ça a eu dans leurs vies des vies vraiment saccagées, détruites pour certaines. chacun, individuellement, serrait le coeur, mais l'effet de masse était dévastateur dans mon âme. avec cette notion de violence institutionnelle qui rajoutait à la violence des faits. 2 femmes ont porté plainte *le lendemain* des faits. et témoignaient cette semaine, pour le procès en première instance... 8 ans et demi après. pour certaines, ça fait 10 ans. 10 ans de la vie de ces jeunes femmes avec cette histoire, sans réponse, dans l'attente, avec les péripéties odieuses (il a été libéré de préventive, puis de nouvelles plaintes puis réincarcéré...), l'impact psychologique dévastateur de tout ça, pour des filles qui disaient clairement qu'elles avaient besoin de ce procès pour commencer leur reconstruction. j'ai pu discuter avec 2 d'entre elles, qui confirmaient que ce temps là était odieux, insoutenable, une violence sourde, invisible, institutionnelle. il parait que la première juge d'instruction est venue témoigner et a exprimé ses regrets de ne pas avoir été plus vite et ne pas avoir priorisé le dossier comme il aurait fallu, je n'étais pas là mais j'aurais aimé.
et en illustration de ce que je disais au dessus : il encourt 20 ans. pour 14 viols... faites le calcul par viol. un prix de gros offert par l'état français, 1 fille violée 13 offertes. il sortira quand il pourra parfaitement recommencer. ça serrait le bide de plusieurs victimes, dont celles à qui j'ai parlé, et je leur ai conseillé d'écrire une tribune, de contacter et rencontrer des députés pour faire changer ça, c'est odieux odieux odieux.
j'étais très agacé par l'organisation de tout ça (une salle minuscule pour un procès médiatique, 2 bancs entiers réservés à la presse qui restaient souvent vides et aucun quota réservé au public ce qui faisait que des gens - dont moi- se faisaient recaler alors qu'il y avait encore plein de places...) mais c'était une experience forte, intense, bouleversante, passionnante (pour la légèreté des débats - les témoignages étaient d'une telle force qu'ils se suffisaient à eux même mais enfin tout ça était tellement peu technique, les avocats étaient nuls, les juges ne maitrisaient pas des détails du dossier, je notais des points de des témoignages qui se recoupaient de manière accablante et que personne ne relevait etc...), qui me restera.
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